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Liban: la fuite en avant du Hezbollah en crise, entre l’implosion ou la guerre aux frontières, les choix sont limités

(Rome, Montréal, Beyrouth, 12 août 2021). Il n’est plus un secret pour personne que le Hezbollah est sur une planche savonneuse très glissante depuis son implication décomplexée dans les guerres régionales pour le compte de l’Iran. Son comportement en Syrie, en Irak et au Yémen, et ses tentatives de déstabilisation des monarchies du Golfe et ses activités subversives dans le reste du monde (considéré entre autres, par l’Allemagne, par l’Arabie Saoudite et par le Kosovo comme terroriste, et de trafics…), font perdre au Parti de Dieu le crédit engrangé durant la guerre de l’été 2006.

Dans l’opinion publique libanaise, ce crédit avait été entamé dès le lendemain de la guerre des 33 jours qualifiée de « victoire divine » quand le Hezbollah et ses alliés de l’alliance du 8 mars (Hezbollah, Courant Patriotique Libre, Amal, Marada, Parti nationaliste syrien…) avaient occupé le centre-ville de Beyrouth et bloqué le pays pendant près de 18 mois pour empêcher la création du Tribunal international pour le Liban. Au niveau de l’opinion publique arabe et internationale, l’ingérence du Hezbollah auprès de Bachar al-Assad en Syrie et sa participation au génocide syrien et ses ramifications terroristes sur le plan planétaire ont transformé le Hezbollah d’un mouvement de résistance en une organisation terroriste transfrontalière et en un ramassis de mercenaires. Aujourd’hui, après avoir dilapidé tout son crédit de sympathie, le Hezbollah traverse une sérieuse crise et s’engage dans une fuite en avant pour inverser la vapeur.

Selon des sources libanaises, cette fuite en avant s’est exprimée la semaine dernière à travers le lancement d’une vingtaine de roquettes sur le nord d’Israël, officiellement revendiqué par Hassan Nasrallah. Selon nos sources, celui-ci cherchait à provoquer une nouvelle guerre avec l’Etat hébreu susceptible de ressouder la société libanaise dans toutes ses composantes autour de la résistance et faire ainsi oublier pour un moment les crises politique, économique et financière qui engloutissent le Liban, et mettre un terme à l’enquête du juge Tarek Bitar dans l’explosion/attentat du port de Beyrouth du 4 août 2020.

La provocation de la semaine dernière fut un pétard mouillé. Israël, dont l’objectif est d’empêcher l’Iran d’accéder à la bombe nucléaire, n’est pas tombé dans le piège du Hezbollah et sa réaction fut très modérée. L’interception par de simples citoyens de l’orgue de Staline utilisé par le Hezbollah pour bombarder Israël et l’arrestation de deux miliciens qui l’opéraient, ont contribué à mettre en échec le plan du Parti de Dieu et ont accentué les pressions des souverainistes, avec à leur tête le chef des Forces Libanaises, Samir Geagea, le Patriarche maronite Bechara Raï et l’évêque Elias Aoudé.

Malgré ses échecs, le Hezbollah poursuit sa fuite en avant. Ce 12 août, il a violé l’espace aérien israélien par un drone, abattu par Tsahal. Selon un officier à la retraite de l’armée libanaise, Hassan Nasrallah poursuit ses provocations dans l’espoir de trouver dans une mini-guerre avec Israël une échappatoire qui lui fait cruellement défaut à l’intérieur du pays. Il est impliqué dans tous les attentats terroristes depuis celui de Marwan Hamadé à celui du port, en passant par l’assassinat de Rafic Hariri, d’Antoine Ghanem, de Samir Qassir, de Gebran Toueini, de Pierre Gemayel, de Walid Ido et de tous les autres. Ne parvenant pas à stopper l’enquête dans l’explosion du port, ni à terroriser le juge d’instruction, ni à transférer l’enquête à la Haute Cour de Justice qui n’existe pas réellement, encore moins à protéger les ministres suspectés, il recommence sa fuite en avant.

Notre source ne cache pas ses craintes : « ce jeudi 12 août, les familles des victimes du port, soutenues par des milliers de Libanais qui ont répondu à l’appel à la mobilisation lancé la veille par le pilier central des souverainistes Samir Geagea, ont empêché la « réunion de la honte » convoquée par Nabih Berri, un autre allié du Hezbollah, pour transférer l’enquête à la Haute Cour de Justice ». Son objectif est de tuer l’enquête une deuxième fois, après le dessaisissement du juge Fadi Sawwan, tuer les victimes une deuxième fois, en empêchant la vérité d’éclater, et protéger le Hezbollah dont l’implication n’est plus à démontrer. Et d’ajouter : « Le Hezbollah est en crise et l’étau se resserre autour de lui. Il a besoin de gagner du temps en attendant la conclusion des négociations entre l’Iran et l’Occident. Il a donc choisi une nouvelle provocation (identique à celle de 2006) à la frontière israélienne en y envoyant un drone ».

Si toutes ces tentatives d’allumer la mèche échouent, le Hezbollah n’aura pas d’autre choix que de provoquer des troubles internes au Liban pour sauver sa peau, car il pense être le plus puissant. Pour ce faire, notre interlocuteur rappelle que « les médias du Hezbollah et ses réseaux sociaux prennent pour cible tous les souverainistes et créent une ambiance des plus tendues qui ressemble à celle qui avait précédé et accompagné l’assassinat de Rafic Hariri, avec un contexte social et économique favorable. L’effondrement économique et le délabrement social aidant, il suffit d’une étincelle pour imploser le Liban. Un assassinat politique pourrait mettre le feu aux poudres mais ce serait suicidaire pour le Hezbollah car, contrairement à 2006, le Parti de Dieu n’a plus de soutien populaire à l’intérieur, ni de soutien politique à l’extérieur», conclut notre interlocuteur, qui rappelle que «la gestion calamiteuse des affaires par ses pantins (Michel Aoun, Gebran Bassil et le CPL, Nabih Berri et le mouvement Amal, Sleiman Frangieh et le mouvement Marada…) d’une part, et le caractère terroriste de plus en plus prononcé du Parti de Dieu d’autre part, ne laissent au Hezbollah aucune chance de remonter la pente et de restaurer son image de resistant».

Sanaa T.

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