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L’Eglise et les Forces Libanaises sont les derniers espoirs pour sauver le Liban. Michel Aoun boude Bkerké. Le Hezbollah terrorise les uns pour soumettre les autres, Saad Hariri en exemple

(Montréal, le 29 décembre 2020). Selon des sources proches du parti des Forces Libanaises, celui-ci mise sur un « plan B » préparé par Meerab (siège des FL) en concertation étroite avec Bkerké (siège du Patriarcat maronite) pour mettre en échec les tentatives de modification du système politique, de la structure et des fondements de l’Etat Libanais, en vigueur depuis le Pacte de 1943, amendés par les Accords de Taëf (1989) et revus par les Accords de Doha (2008).

Il ne fait pas de doute, selon les observateurs de la scène libanaise, que « l’Alliance du 8 Mars », dirigée par le Hezbollah et composée de ses alliés Amal (Nabih Berri), Marada (Sleiman Frangieh), CPL (Michel Aoun et Gebran Bassil), et d’autres formations microscopiques (Talal Arslan, Weäm Wahhab, PSNS), œuvre pour modifier la Constitution et imposer un nouveau partage du pouvoir, à défaut de contrôler tout le pouvoir. Les forces pro-syriennes et pro-iraniennes de cette Alliance ne cessent d’appeler à une nouvelle redistribution du pouvoir dans le sens d’un partage en trois tiers entre Chrétiens, Sunnites et Chiites, en lieu et place du partage égalitaire entre Chrétiens et Musulmans, en vigueur depuis l’Indépendance. Ce fut d’ailleurs l’objectif recherché par le Hezbollah depuis le retrait de l’occupation syrienne en avril 2005, après l’attentat contre Rafic Hariri, en passant par la guerre de l’été 2006, l’occupation de Beyrouth (2006-2008) et la Razzia de la capitale et de la Montagne du Chouf (mai 2008), et des blocages successifs de la vie politique libanaise qui ont marqué le pays du Cèdre depuis plus de 15 ans.

Certes, le Hezbollah nie toute tentation de modifier la structure étatique, mais il est trahi par sa politique qui prouve le contraire, par les déclarations de ses alliés, et par sa détermination à renforcer la mainmise iranienne sur le pays du Cèdre. Pour ce faire, il s’emploie systématiquement à grignoter les prérogatives politiques et sécuritaires (nominations et noyautage); il accentue les pressions économiques et financières sur le pays en le poussant vers la ruine (contrôle des douanes, pillage et détournement des aides, supervision des trafics vers la Syrie…); il cherche à modifier l’identité de la terre à travers la pression démographique d’une part, et l’intimidation d’autre part. Ainsi, il menace les propriétaires dans certaines régions pour les exproprier, et construit illégalement dans d’autres régions sur des terres de l’Eglise pour imposer des faits accomplis… Cette stratégie bien rodée vise à atteindre les objectifs stratégiques de « chiitiser » tout le Liban, et le blocage actuel n’est d’autre qu’une énième tentative d’imposer une « table ronde » politique pour, officiellement, «sortir de la crise», mais en réalité, pour renégocier la «formule libanaise».

Le Hezbollah n’hésite pas à recourir à la violence pour terroriser ses adversaires et les réduire au silence, ou pour occulter sa responsabilité dans la destruction du Liban. Ainsi, l’exécution du photographe amateur Joe Bejjani le 19 décembre dernier, l’assassinat de deux anciens colonels des douanes, Joseph Skaff en 2017 et Mounir Abourjeili en 2020, et la disparition inquiétante du journaliste Rabih Tleiss depuis plus de dix jours, portent la signature du parti de Dieu et rappellent les dizaines d’attentats commis par cette organisation terroriste depuis octobre 2004. Certains de ces attentats visaient à éliminer des souverainistes (Marwan Hamadé, Rafic Hariri, Antoine Ghanem, Pierre Gemayel, Walid Eido, Georges Hawi, Samir Kassir, Gebran Tueini, Mohamed Chatah…); d’autres visaient à empêcher les enquêtes sur ces attentats d’aboutir (Wissam El-Hassan, Samir Chehadé, Samer Hanna, Wissam Eïd). Aujourd’hui il s’en prend à tous ceux qui osent pointer sa responsabilité dans l’explosion du Port. Joe Bejjani aurait été assassiné car il est soupçonné de disposer de photos du port embarrassantes pour le parti, pour avoir coopéré avec les enquêteurs étrangers sur le nitrate d’ammonium, et pour avoir pris des photos dans le Sud, fief du Hezbollah. Rabih Tleiss aurait disparu pour avoir réalisé et publié une étude sur les tunels qui relient les différents fiefs du Hezbollah et sur ses entrepôts d’armes. Les deux anciens douaniers auraient été assassinés pour avoir dénoncé la présence de milliers de tonnes de produits dangereux dans le port. Le Hezbollah cherche toujours à réduire ses adversaires au silence, en les éliminant ou en les terrorisant.

Mais face à cette menace permanente qui plane sur le Liban, l’Eglise maronite résiste et appelle à la « neutralité » du pays. Les Forces Libanaises, ainsi que l’ensemble des forces souverainistes, réclament de leur côté l’application stricte de la Constitution issue de Taëf avant même de penser à la modifier. Le Patriarcat et les Forces libanaises collaborent étroitement pour mettre au point la stratégie susceptible d’empêcher l’effondrement du Liban. Ce qui irrite particulièrement Michel Aoun et le CPL. Le président octogénaire, allié contre-nature du Hezbollah, et son gendre Gebran Bassil, son héritier à la tête du CPL et qui rêve de lui succéder à la présidence, ont boudé Bkerké et boycotté la traditionnelle messe de Noël. S’ils se savent indésirables dans leur propre environnement pour le tort qu’ils ont causé, Aoun et Bassil servent surtout de messagers et d’agents au service du Hezbollah.

Les souverainistes en sont conscients et veillent particulièrement aux prérogatives de la Présidence de la République et du Commandement de l’armée, directement convoités et menacés par le Hezbollah. D’autres postes stratégiques sont également en ligne de mire du Parti, notamment ceux qui lui permettent de conforter sa mainmise sur le pays et de l’arrimer à l’Iran ainsi qu’à la Syrie. Il s’agit notamment des Finances, de la Santé, de la Banque centrale, de la compagnie aérienne MEA, des douanes, de l’électricité, de l’énergie…). Le Hezbollah accentue ses pressions sur Saad Hariri pour le contraindre à avaler de nouvelles couleuvres et à coopérer dans cette direction pour sauver sa mise et sa tête.

Dans la communauté sunnite, de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer cette «soumission complice» de Saad Hariri aux assassins de son père, au détriment de la justice, de la famille, de la communauté et du pays. De nouvelles forces souverainistes émergent ainsi au sein de cette composante mais demeurent marginales. Les seuls espoirs de sauver la souveraineté du Liban sont aujourd’hui l’Eglise et le principal pilier des souverainistes, le parti des Forces Libanaises. Leur « plan B » consiste à proposer et à défendre une «décentralisation élargie», une sorte de confédération où les droits, les valeurs et les coutumes de chacun seraient garantis.

Sanaa T.

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