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Qui est le prochain ? Téhéran va-t-il basculer après Damas ?

(Rome, 12 décembre 2024). Le facteur décisif de la sortie d’Assad de la scène a été une crise politico-militaire en Iran après la défaite presque totale du Hamas et la décapitation du Hezbollah

La rapidité et la facilité avec lesquelles un groupe d’ex-rebelles de l’EI ont liquidé une dictature d’Assad qui a débuté en 1971 et qui a duré 53 ans, est étonnante. La conséquence décisive de cette «rapidité» a été la crise verticale politico-militaire de l’Iran, qui, avec le Hezbollah et les approvisionnements via l’Irak, constituait le véritable soutien du pouvoir de Bachar al-Assad, bien plus important que celui des Russes, ces derniers d’aileurs affaiblis par la guerre en Ukraine, écrit Lodovico Festa dans «Start Magazine».

Souvent trop axée à la chronique colorée des faits plutôt que sur l’analyse, nous avons sous-estimé ce que la défaite presque totale du Hamas et la réduction brutale et sévère du Hezbollah signifiaient pour Téhéran. Et nous n’avons pas suffisamment réfléchi aux preuves fournies par l’armée de l’air israélienne (une centaine d’avions, aucun abattu) de dominer le ciel de Téhéran et de ses environs : une démonstration qui a semé la panique parmi les ayatollahs et leurs alliés, à commencer par les milices irakiennes pro-iraniennes qui, bien que sollicitées, n’ont pas volé au secours du régime syrien.

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Il convient de rappeler que la route qui permettait d’acheminer de Téhéran au sud Liban et à Gaza, des armes et des munitions, mais également toute l’idéologie des mollahs de Téhéran dans la région, est désormais coupée.

Que va-t-il se passer maintenant ? Il n’est pas déraisonnable de s’inquiéter d’un ancien régime de l’EI installé à Damas. Cependant, pour cadrer la situation actuelle, certains autres facteurs ne doivent pas être sous-estimés : tout d’abord, il y a le poids d’Ankara dans le jeu. Et malgré son absence de scrupules, Recep Tayyeb Erdogan reste toujours au sein de l’OTAN et bien qu’il évolue sur tous les fronts (il a également rejoint les BRICS), ses ambitions de restaurer l’hégémonie ottomane sur le monde islamique se mêlent à des intérêts économiques spécifiques (à commencer par les gazoducs). Et ces implications «économiques» conditionnent son comportement.

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Un autre élément à garder à l’esprit sera celui des réactions des Saoudiens préoccupés par l’activisme turc dans le monde musulman et des désordres qu’il soulève. Avec Téhéran, Riyad avait trouvé (notamment après les coups portés par Israël au régime de l’ayatollah) une certaine entente pour tenter de coexister sans trop créer de conflits, il lui faudra désormais relancer son initiative diplomatique face au risque néo-ottoman. Enfin, il faut s’interroger sur le sort d’un Iran de plus en plus humilié.

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Deux petits événements peuvent nous aider à comprendre ce qui pourrait arriver. Narges Mohammadi, lauréate du prix Nobel de la paix et militante des droits de l’Homme, emprisonnée en 2016, a été libérée de prison pour trois semaines pour des raisons médicales. Ahou Daryaei, une jeune étudiante, arrêtée récemment pour s’être promenée en sous-vêtements à l’intérieur de l’Université islamique d’Azad pour protester contre les abus commis par les Gardiens de la révolution à son encontre, a été renvoyée dans sa famille pour y être soignée.

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Il est évident qu’il y a peu de temps encore, Mohammadi aurait été laissée à l’abandon dans sa cellule et Daryaei aurait été fouettée sur une place publique. Ces événements, petits mais significatifs, témoignent de la panique généralisée dans un régime qui opprime le peuple iranien depuis 45 ans. Aujourd’hui à Damas, demain à Téhéran ?

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