(Paris, Rome, 07 janvier 2024). La tension qui a envahi l’ensemble du Moyen-Orient et dont la bande de Gaza est l’épicentre, implique principalement l’Iran, qui, indirectement, est protagoniste sur plusieurs fronts. Depuis le début du conflit à Gaza, la République islamique soutient pleinement la cause du Hamas, malgré les différences idéologiques et religieuses entre son essence chiite et l’organisation palestinienne de matrice sunnite. Mais au-delà des frontières d’Israël et de l’enclave palestinienne, l’ensemble des forces liées à l’Iran dans toute la région ont initié une série d’affrontements avec les forces occidentales et israéliennes qui ont montré le réseau d’alliances et de partenariats de Téhéran dans de nombreux pays de la zone. Une galaxie qui compose un système capable de mettre en péril non seulement la sécurité d’Israël, mais aussi la stabilité de la région, les forces occidentales (en particulier américaines) présentes «sur le terrain» au Moyen-Orient, mais aussi l’économie mondiale, explique Lorenzo Vita dans «Inside Over».
Ces dernières semaines, le rôle principal a été assumé par les Houthis, la milice pro-iranienne qui lance des drones et des missiles depuis le Yémen vers des navires commerciaux naviguant vers Israël via la mer Rouge.
Depuis Sanaa, la force yéménite a réussi à s’imposer sur la scène internationale malgré des années d’oubli du conflit qui a ensanglanté le pays : un front dramatique et oublié de ce gigantesque arc de crise commencé avec le Printemps arabe. Et les 25 attaques depuis novembre signalées par le Commandement central des États-Unis (Centcom) confirment la pertinence stratégique des forces houthis à l’instar de la décision de nombreuses compagnies maritimes d’abandonner les routes vers le détroit de Bab el-Mandeb alors que des missiles et des drones continuent de pleuvoir, ou encore des barges attaquent des bateaux se dirigeant vers le port d’Eilat.
Plus au nord, c’est le Hezbollah qui fait grand bruit dans l’équilibre du Moyen-Orient et près des frontières israéliennes.
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Le parti-milice du Cheikh Hassan Nasrallah, qui continue de menacer l’État hébreu sans déclencher d’affrontements directs avec les forces de défense israéliennes, est engagé depuis des mois dans une confrontation tendue avec les forces israéliennes, et c’est précisément pour cette raison que tant Washington que Beyrouth font pression sur l’organisation chiite pour qu’elle cesse toute hypothèse d’escalade militaire avec Israël.
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Le Hezbollah a déjà perdu plus de cent-vingt miliciens : mais malgré la dernière frappe chirurgicale qui a touché le numéro deux du Hamas dans l’un des bastions du Parti de Dieu à Beyrouth, le mouvement libanais pro-iranien n’a pas reçu le feu vert de Téhéran pour mener une attaque frontale.
L’Iran sait qu’il peut compter sur un arsenal aux frontières d’Israël et en Méditerranée. Mais il sait aussi que l’avantage, à ce stade, réside précisément dans le fait que le Hezbollah représente une menace stratégique pour Israël. La milice s’est entraînée et renforcée au cours des dernières années. La guerre en Syrie a permis à Téhéran de construire une connexion directe avec le Liban et le pays est devenu un terrain d’essai fondamental pour tester la force de l’alliance chiite. De plus, Nasrallah a su tisser son réseau d’alliances, comme le démontre l’éventuelle utilisation de missiles anti-navires russes par le mouvement.
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Si la Syrie, avec son allié Bachar al Assad à la tête de Damas, représente un pilier solide du soi-disant croissant chiite, les milices chiites d’Irak constituent désormais un pilier supplémentaire du système d’alliance iranien.
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La tension, même dans cette partie du Moyen-Orient, est latente depuis des mois. Depuis le début de la guerre à Gaza, des factions armées irakiennes liées à l’Iran ont frappé ou tenté de frapper des bases américaines présentes sur le territoire irakien ou de l’autre côté de la frontière syrienne. Ces derniers jours, l’attaque américaine à Bagdad qui a tué un chef de l’une de ces milices, Abou Taqwa Al-Saidi, commandant adjoint du mouvement Al Noujaba, a pris une importance particulière. Les milices irakiennes ont annoncé des ripostes immédiates à l’attaque ordonnée par Washington, et des informations ont fait état de tirs de drones sur un camp d’entraînement près de la base d’Al-Tanf, à la frontière entre l’Irak, la Syrie et la Jordanie, ainsi que sur le champ pétrolier d’al-Omar.
Les attaques les plus récentes des États-Unis et d’Israël (plus ou moins revendiquées) ont clairement montré que les deux puissances ont commencé à réagir de manière plus chirurgicale et plus meurtrière contre ce qu’on appelle «l’axe de la Résistance». L’attaque contre Bagdad, l’assassinat de Saleh el Arouri à Beyrouth et, avant cela, l’assassinat de Razi Moussawi, toujours lors d’un raid en Syrie, ont confirmé la capacité des services de renseignement israéliens et américains à identifier et à frapper n’importe où et à tout moment. La pression sur les Houthis s’accroît de manière significative, malgré les nombreuses difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de l’opération «Prosperity Guardian».
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Il s’agit d’un signe qu’il n’est pas facile pour l’alliance chiite de maintenir cet équilibre, au risque de mettre la barre haute. Mais cela montre aussi comment l’Iran a réussi, au fil des années, à consolider un système de forces non seulement loyales à la République islamique, mais aussi à avoir un impact significatif sur la stabilité de ce quadrant du Moyen-Orient. Une menace constante susceptible d’enflammer l’ensemble de la région, et de mettre sous pression aussi bien l’État hébreu que les forces américaines présentes dans la région.