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Liban: le Hezbollah préparerait un coup de force à travers une campagne médiatique en Europe

(Roma, 27 septembre 2023). Le Hezbollah, à travers ses relais médiatiques en Europe, lance une campagne médiatique mensongère et calomnieuse contre le parti des Forces Libanaises et son président Samir Geagea. Des torchons publiés en Italie et en France, à la portée particulièrement dangereuse, préparent l’opinion publique occidentale au coup de force que prépare le Hezbollah et qu’il attribue déjà au parti des Forces Libanaises (FL).

Après la publication de mon reportage sur la messe des Martyrs de la résistance libanaise organisée par le Bureau de Paris des FL, dimanche dernier, des lecteurs (à mon retour à Rome) m’ont signalé la parution, fin août et début septembre, de deux torchons dans un site italien et un journal français concernant le parti des Forces Libanaises (FL). La lecture de l’article italien me fait penser à la campagne que le Hezbollah avait lancée à travers des canaux médiatiques similaires, en 2007 et 2008, pour préparer son coup de force de mai 2008. La razzia de Beyrouth et de la montagne, qui avait fait une centaine de morts parmi les communautés sunnite et druze, avait débouché sur la conférence de Doha et l’élection-nomination de Michel Sleiman à la présidence de la République, après près de 18 mois de vacance.

Aujourd’hui, la même stratégie est déployée par le Parti de Dieu. Il accuse Samir Geagea d’alimenter la guerre civile et lui attribue un rôle déstabilisateur dans le camp palestinien de Aïn el-Heloui, situé dans le sud du Liban, où les groupes palestiniens d’obédience islamiste combattent le Fatah pour transformer le camp en un nouveau Gaza au Liban. Mais l’auteur de ce torchon oublie, ou fait semblant d’oublier, que ce camp se situe dans une zone exclusivement sous le contrôle du Hezbollah lequel leur fournit des armes et des munitions pour alimenter leur guerre intestine et étendre son contrôle sur la carte palestinienne. Le camion chargé d’armes qui s’est renversé à Kahalé semble avoir été destiné au camp de Aïn el Heloui, ou, pire encore, à ceux de Beyrouth pour étendre la guerre fratricide à tous les camps palestiniens. Mais malgré ces données, le Hezbollah accuse les Forces Libanaises de miser sur les camps palestiniens pour l’affaiblir et fait du sang palestinien une affaire très lucrative. Le même Hezbollah avait tracé des « lignes rouges » devant l’armée libanaise lors de la bataille du camp de Nahr el Bared (Nord) en 2007 et l’a empêchée d’arrêter le chef du groupe terroriste Fateh el-Islam, Chaker el-Absi. Il l’aurait aidé à s’enfuir et à se réfugier en Syrie. Absi n’était qu’un agent de l’axe syro-irano-hezbollahi.

Le torchon publié en Italie accuse aussi le parti des Forces Libanaises d’avoir tendu une embuscade au Hezbollah à Tayouné, quand les miliciens du parti de Dieu marchaient sur ce quartier pour terroriser les citoyens et parvenir au Palais de Justice pour forcer le juge à enterrer l’enquête sur l’explosion du port de Beyrouth. Il tente ainsi de travestir la vérité et affirme que « la sagesse de Hassan Nasrallah lui a permis de désamorcer la guerre civile en confiant la sécurité à l’armée libanaise ». Cette affirmation est encore pire, puisque l’armée n’est pas censée recevoir ses ordres d’un chef de milice reconnu comme terroriste par une trentaine de pays !

Quelques jours plus tard, le 5 septembre dernier, le prestigieux quotidien régional français, Sud-Ouest, a publié une tribune similaire (datée du 22 août dans sa version numérique), rédigée par René Otayek qui prétend « analyser le blocage institutionnel au Liban ». Mais cette analyse s’est révélée être un conglomérat d’inexactitudes et de mensonges qui nuit sérieusement à la crédibilité de l’auteur, pourtant chercheur émérite à l’IEP de Bordeaux. Car en effet, l’auteur s’est trompé dans son analyse en liant la crise économique et financière que vit le Liban à l’explosion du port de Beyrouth. Il a oublié que la crise, tout comme l’explosion, sont directement liées à la présence d’une milice armée d’obédience iranienne, le Hezbollah, qui est à l’origine de tous les maux du pays, qui est aussi le moteur et le carburant de tous les malheurs du Liban. L’auteur s’est contenté de survoler ce qu’il appelle « l’indifférence de la classe politique aux souffrances de la population ». Otayek sous-entend que, pour sortir de la crise, les adversaires du Hezbollah doivent se soumettre à son diktat, étant la seule force armée qui détient le vrai pouvoir. Monsieur Otayek a oublié au passage de noter que le Hezbollah est classé sur la liste des organisations terroristes par plusieurs pays occidentaux pour sa responsabilité avérée dans les prises d’otages, les attentats, les trafics en tous genres dont est victime le monde libre.

A la lecture de cette piètre analyse, on peut deviner la volonté de l’auteur d’occulter la réalité de l’échec des 12 sessions parlementaires destinées à élire un successeur à Michel Aoun à la présidence de la république. Car il a oublié de rappeler que les 12 sessions ont échoué pour la simple raison que le Hezbollah et ses alliés ont cherché à rompre le quorum pour prolonger à dessein la vacance du pouvoir. La suite est connue : les forces qui prennent le Liban en otage cherchent à le détruire pour le façonner à leur image et l’arrimer à l’axe syro-iranien. Pour ce faire, ils empêchent l’élection d’un président en sachant qu’un gouvernement d’expédition des affaires ne peut légalement et légitimement pas négocier avec le FMI pour sortir de la crise financière, ni désigner un gouverneur de la Banque centrale, encore moins nommer un commandant en chef de l’armée (dont le mandat expire fin janvier 2024). Ainsi le travail de sape se poursuit et le vide se développe à la tête de l’Etat. Ils pourraient alors cueillir un fruit mûr et achever le coup d’Etat silencieux qu’ils préparent depuis février 2006. Dans tout cet environnement des plus complexes, Monsieur Otayek laisse penser qu’il défend la politique du président Macron au Liban. Pourtant, de plus en plus de Libanais et de Français ont fini par comprendre l’amateurisme flagrant qui la caractérise. Pis encore, l’initiative française, lancée lors des deux voyages du président Macron au Liban, au lendemain de l’explosion du port, a été tuée par Macron lui-même. En effet, il a montré la vulnérabilité de son initiative du moment où, après avoir désigné la classe politique libanaise corrompue comme responsable de la crise, il lui a immédiatement tendu la main et l’a invitée au dialogue. Pis encore, il veut confier la solution à celui qui est le problème, et charger le bourreau de la sécurité des victimes. « Dans le même temps », Monsieur Macron mange avec le loup et pleure avec le berger. Il dénonce la politique du Hezbollah mais soutient son candidat. Il veut résoudre la crise mais en même temps il œuvre à la perpétuer en régénérant la même classe politique et en proposant deux chefs de l’Exécutif diamétralement opposés. Monsieur Otayek, merci de nous aider à chercher l’erreur ! L’auteur oublie aussi de préciser que le Liban ne se gère pas avec des 49-3. Il dispose d’une Constitution qui doit être respectée malgré ses défauts. Or, la Constitution impose au Parlement de se réunir et d’élire un président. A contrario, la Constitution ne stipule aucun dialogue pour imposer un quelconque candidat, avec le pistolet du Hezbollah sur la table !

Le comble des erreurs qui discréditent et décrédibilisent l’auteur est sa tentative de passer le meurtre du militant des Forces Libanaises, Elias Hasrouni, comme un simple accident, tout comme sa tentative de transformer le camion du Hezbollah renversé à Kahalé comme un simple fait divers. On peut s’interroger si Otayek ne cherche-t-il pas simplement à donner du crédit à l’article italien et d’en constituer son prolongement en banalisant cette question hautement inquiétante : à qui le Hezbollah envoyait ses armes ? Aux camps palestiniens ? A des cellules dormantes ? A ses alliés contre-nature ? Au moment où tous les médias libanais, ainsi que le Hezbollah, ont reconnu que le camion transportait bel et bien des armes et des munitions, Monsieur Otayek cherche à banaliser l’affaire et parle de suspicion ! Pourquoi cherche-t-il à minimiser la responsabilité du Hezbollah dans ce qui a failli devenir l’étincelle qui pouvait allumer une guerre civile ? Pourquoi utilise-t-il le qualificatif de « militants du Hezbollah », alors qu’ils sont officiellement nommés « Moudjahidine », et pourquoi désigne-t-il l’homme qui défendait son village de milicien ? Pourquoi Otayek persiste-t-il à qualifier les membres du parti des Forces Libanaises de miliciens, alors que depuis la dissolution des milices, au lendemain des accords de Taëf de 1990, seules les Forces Libanaises se sont transformées en parti politique ? Il est affligeant de constater que des charlatans se présentant comme des chercheurs, censés former nos élites de demain, puissent être aussi légers dans leur analyse, et que des médias puissent les publier sans vérification, et de préparer le terrain au Hezbollah pour achever son coup d’Etat silencieux au Liban en attribuant la responsabilité à ses opposants ?  Plusieurs sources dignes de foi craignent que le Hezbollah n’utilise ces articles de presse publiés par ignorance, par complicité ou par naïveté, pour attribuer au parti des Forces Libanaises ses propres défauts et justifier a priori le coup de force qu’il préparerait. Le Hezbollah miserait sur une secousse sécuritaire pour forcer les autres partis politiques libanais à accepter le dialogue qu’il propose pour leur imposer son candidat à la présidence de la République. L’exemple de mai 2008 est gravé dans les mémoires.

Paolo S.

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