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Le Liban pense à un gouvernement sans le Hezbollah

(Roma 01 septembre 2020). Des sources politiques libanaises ont révélé que le Premier ministre désigné, Mustapha Adib, pourrait avoir l’intention de former un gouvernement en excluant les «politiciens». Cela signifierait chasser le Hezbollah pour la première fois depuis 2005.

Cela a été révélé le 1er septembre par le quotidien al-Arab, au lendemain de l’annonce du président libanais, Michel Aoun, qui a confié à Adib, l’ambassadeur du Liban en Allemagne, la tâche de former un nouvel exécutif à Beyrouth. Selon les sources consultées par le journal, un gouvernement libanais sans politiciens pourrait retrouver l’opposition du chef de l’Etat et de son gendre Gebran Bassil, ancien ministre des Affaires étrangères, qui ont souligné à plusieurs reprises que les ministères des Affaires étrangères et de l’Énergie doivent être sous leur contrôle direct ou indirect. Cependant, aucune hypothèse n’a été avancée quant à leur réaction éventuelle à une liste de ministres sans lien avec les partis politiques.

Les mêmes sources ont ensuite souligné que le président français, Emmanuel Macron, qui s’est rendu au Liban le 31 août, a également souligné la nécessité de former un gouvernement qui ne comprend pas de représentants des partis politiques. Macron, qui a exprimé son soutien à la nomination de Moustapha Adib, selon des sources locales, aurait également mis en garde les partis politiques libanais, précisant que leur exclusion de la nouvelle équipe gouvernementale est une condition préalable pour obtenir le soutien de Paris et garantir l’avenir du pays. Par ailleurs, selon les mêmes sources, avant d’encourager la nomination d’Adib, Macron a également consulté Téhéran, un allié du Hezbollah, ce qui obligerait le parti chiite à accepter de rester en dehors de la scène.

La nomination d’Adib intervient à quelques heures de l’arrivée du président français à Beyrouth. L’ambassadeur du Liban est affilié à un petit parti sunnite dirigé par l’ancien premier ministre Najib Mikati et a reçu l’approbation de la plupart des blocs parlementaires, y compris le Hezbollah et le parti de l’ancien premier ministre Saad Hariri, soutenu par les Saoudiens. En effet, l’ambassadeur a recueilli 90 voix favorables sur un total de 128 parlementaires.

Moustapha Adib n’est pas une figure «populaire» et revendique une carrière non seulement en politique, mais aussi dans le monde universitaire. De 2000 à 2004, il a été le conseiller de Najib Mikati, alors ministre des Travaux publics et des Transports dans le gouvernement de Rafik Hariri, deux fois Premier ministre du Liban. Par la suite, en 2006, le premier ministre désigné était le représentant du Premier ministre à la commission spéciale chargée d’élaborer la nouvelle loi électorale, avant d’arriver en 2013 à l’ambassade de Beyrouth en Allemagne.

Peu de temps après sa nomination, Adib s’est engagé à former un nouvel exécutif le plus rapidement possible, soulignant à quel point le peuple libanais est préoccupé par son présent et son avenir. Pour cette raison, le gouvernement de Beyrouth, a déclaré le Premier ministre nouvellement nommé, sera composé de personnalités « compétentes » et, en collaboration avec le Parlement, s’occupera rapidement de la mise en œuvre des réformes, afin de conduire le pays sur la « bonne voie » et mettre fin à une «hémorragie financière, économique et sociale dangereuse». Dès qu’il a reçu son mandat, Adib s’est rendu sur les sites de l’explosion survenue le 4 août au port de Beyrouth. Ici, la population l’a accueilli par des «protestations verbales», accusant le Premier ministre désigné d’appartenir au «pouvoir» et de ne pas vraiment représenter le peuple. «Ceux qui vous ont nommé sont des criminels», a déclaré un citoyen, se référant aux députés libanais.

Selon al-Arab, la formation de l’exécutif au Liban prend souvent beaucoup de temps, en raison de divergences internes concernant l’attribution des portefeuilles ministériels. Adib devra faire face à une grave crise économique et reprendre les négociations avec le Fonds monétaire international (FMI), visant la mise en œuvre d’un programme d’une valeur d’environ 10 milliards de dollars, qui envisage dans un premier temps des réformes notamment dans les secteurs de l’électricité et des finances. La démission de l’ancien Premier ministre Hassan Diab remonte au 10 août et fait suite à une forte vague de mobilisation populaire, au cours de laquelle des groupes de manifestants ont accusé le gouvernement d’être responsable de l’incident au port de Beyrouth.

Le gouvernement de Diab avait obtenu la confiance du Parlement le 11 février dernier, après avoir été chargé de réhabiliter une situation économique, sociale et politique de plus en plus fragile, qui avait poussé la population libanaise à descendre dans la rue à partir du 17 octobre, conduisant à la démission de Saad Hariri. Ces derniers mois, l’exécutif de Beyrouth n’a cependant pas réussi à remplir sa mission, encore compromise par la pandémie de coronavirus. L’explosion du 4 août a été considérée par les citoyens comme « la goutte qui a fait déborder le vase » dans un contexte de crise persistante caractérisée par l’effondrement économique, la corruption, le gaspillage et la mauvaise gestion.

(Piera Laurenza – Sécurité internationale). (L’article en version italienne)

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