(Roma – 30 avril 2020) L’Allemagne a fini par qualifier le Hezbollah libanais comme une organisation terroriste et par interdire toutes ses activités sur son territoire. Jusque-là, Berlin dissociait l’aile politique du Parti de Dieu de son aile militaire, et fermait l’œil sur des centaines de militants et de sympathisants qui soutiennent et financent le Parti sous couvert d’œuvres sociales.
Ce jeudi 30 avril, Horst Seehofer, le ministre de l’Intérieur, a franchi le pas et affirmé interdire la présence du mouvement chiite sur le sol allemand. Parallèlement, la police a perquisitionné au moins quatre centres culturels et cultuels liés au Parti, le bras armé extérieur de l’Iran. Les opérations se poursuivent pour arrêter ses membres présumés. Un millier de sympathisants ont d’ores et déjà été interpellés. La police allemande a pris des mesures dans plusieurs États fédéraux, dès l’aube. Le ministère de l’Intérieur rappelle que « L’État de droit peut agir même en temps de crise » (Coronavirus).
Selon plusieurs médias allemands, des perquisitions ont été opérées dans trois mosquées à Berlin, mais aussi dans d’autres centres cultuels à Brême et Münster, ainsi que dans un « centre pour émigrés libanais » à Dortmund.
Après plusieurs mois d’hésitations, l’Allemagne a ainsi fini par considérer le Hezbollah comme une « organisation terroriste », notamment à la demande de plusieurs pays occidentaux. « Mieux vaut tard que jamais » soulignent des spécialistes de la lutte contre le terrorisme qui estiment que « le Hezbollah est une organisation tentaculaire qui dispose de plusieurs associations caritatives et cloisonnées qui collectent des fonds, enseignent le Coran, promeuvent l’idéologie iranienne sous couvert d’enseignement islamique et recrutent des sympathisants. »
Plusieurs experts avaient mis en garde, depuis des années, contre « les tentacules du Parti, déployées en Afrique de l’Ouest, en Europe, en Amérique centrale et en Amérique du Sud. Elles sont reliées à la direction centrale au Liban et œuvrent pour financer les activités terroristes du Parti. Elles sont très actives dans le Triangle d’or (Uruguay, Paraguay, Brésil) mais aussi au Venezuela et en Colombie. Les agents du Hezbollah y disposent de mines d’or au Venezuela et détiennent une part du marché de la drogue. En Europe, de forts soupçons planent sur les gérants de restaurants et les chauffeurs de taxi de confession chiite, deux professions où l’argent en espèce circule très facilement et ouvre la voie au financement du Parti. De ce qui précède, il était inconcevable que des pays puissent continuer de distinguer entre les ailes politique et militaro-sécuritaire sous prétexte que le Hezbollah est représenté au Parlement libanais et dans le gouvernement. »
En effet, soulignent les experts, « des familles et des proches de députés et de ministres du Parti sont impliqués dans la fabrication et le trafic de drogues (Captagon et Cannabis), dans le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Il était temps que l’Allemagne cesse sa complaisance avec cette organisation. » D’autant plus que les soupçons sur une connexion entre le Hezbollah et des djihadistes interrogent les spécialistes. De fait, le djihad a deux facettes: l’une sunnite et l’autre chiite. Si la première comprend Daech et Al-Qaïda, la seconde foisonne de mouvements liés à l’Iran, notamment en Syrie, au Liban et en Irak, dont le Hezbollah est le chef d’orchestre. Les deux versions du djihad se rivalisent, se concurrencent mais très souvent collaborent ensemble, comme notamment en Syrie (le Hezbollah a évacué les combattants de Daech, dans des bus climatisés, pour les sauver de l’armée libanaise en 2017).
Des sources libanaises ont déjà mis en garde contre les tentatives du Hezbollah de surfer sur la crise financière qui sévit au Pays du Cèdre pour exploiter les manifestations contre le gouverneur de la Banque centrale. Des milliers de Libanais manifestent contre l’envolée du dollar face à la Livre et s’attaquent aux banques, considérées par le Hezbollah comme responsables de l’effondrement de la Livre. Or, le Hezbollah dispose d’un vaste réseau de bureaux de change qui spéculent et qui accentuent la pression sur la monnaie libanaise (un dollar vaut désormais plus de 4.000 Livres au marché parallèle, contre 1507 Livres officiellement). Ce faisant, le Parti veut la tête de Riad Salamé, le Gouverneur de la Banque du Liban, pour mettre la main sur l’ensemble du secteur bancaire, pilier de l’économie libanaise. Là aussi, « il s’agit d’un terrorisme d’un autre genre exercé par le Hezbollah » constatent les Libanais qui se réjouissent de la décision tardive de l’Allemagne. « Mais mieux vaut tard que jamais », concluent-ils en espérant que le monde entier commence par démembrer les tentacules du Parti de Dieu.
Paolo S.