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Liban: quarante ans après l’attentat d’octobre 1983, la justice française se réveille !

(Rome, Beyrouth – 08 mars 2023). Au Liban, l’affaire surprend plus d’un et en inquiètent d’autres et il y a de quoi. Selon plusieurs sources médiatiques libanaises, la justice française a transmis une demande au Liban pour interroger deux ressortissants libanais suspectés d’implication dans l’attentat du «Drakkar», le quartier général du contingent français de la Force Multinationale de Sécurité de Beyrouth (FMSB), le 23 octobre 1983.  

Qui sont Youssef et Sanaa Al-Khalil ?

Le 23 octobre 1983, un camion piégé a visé le quartier général des Marines américains à Beyrouth, tuant 241 GI’s américains, suivi d’une autre explosion qui a détruit le commandement du bataillon des parachutistes français, faisant 58 morts parmi les militaires français. Près de quarante ans plus tard, la justice française a exigé que la justice libanaise entende Youssef Al-Khalil et Sanaa Al-Khalil, au motif qu’«ils avaient participé à l’attentat».

Selon plusieurs médias libanais, dont «Al-Moudon», une requête judiciaire émise par la France est parvenue ce 08 mars 2023 au Parquet de la Cour de cassation à Beyrouth, exigeant que la justice libanaise mène une enquête à l’encontre de deux personnes, à savoir, «Youssef Al-Khalil» et «Sana Al-Khalil», sans mentionner d’informations personnelles permettant de déterminer leurs identités complètes.

Selon les mêmes sources, l’enquête devrait faire la lumière sur leur implication dans l’attentat suicide qui a visé le Drakkar. Il est également exigé que les deux personnes en question soient interpellées et interrogées par la justice libanaise, et que cette dernière en informe par la suite la justice française, afin de prendre les mesures appropriées.

Toutefois, le mandat judiciaire français s’avère incomplet, ne fournissant pas les informations – pourtant importantes et indispensables – susceptibles d’identifier les deux suspects.

Cependant, la réouverture de ce dossier, quarante ans après les faits, intrigue. Selon «Al-Moudon», l’affaire est peu claire et mystérieuse. D’ores et déjà, les interrogations fusent quant à l’identité des deux suspects. Qui est Youssef Al-Khalil ? Qui est Sana Al-Khalil ? Sont-ils encore vivants ? Quelle était leur rôle dans les attentats contre les Américains et les Français ?

Une pression supplémentaire ? 

Certaines sources officielles ne cachent pas que la décision française est surprenante et soulève de nombreux points d’interrogation ainsi que de nombreuses questions liées aux intentions de la justice française. Et pourquoi cette dernière a-t-elle décidé à l’heure actuelle d’ouvrir une enquête sur un attentat survenu il y a 40 ans ? Est-ce directement lié aux conditions politiques dont souffre le Liban, ou s’agit-il d’une tentative de pression sur les partis, conjuguée à des complications dans le dossier présidentiel libanais ? D’autant plus que l’administration américaine avait précédemment accusé le Hezbollah, en particulier son ancien commandant militaire Imad Moghnié, d’être à l’origine de la planification et de la mise en œuvre de l’attentat ayant visé les Marines.

Un coup de bluff qui fait trembler plus d’un

Un député libanais confirme l’existence de la requête française mais refuse de la commenter avant d’en connaître les tenants et aboutissants. Mais il admet qu’il peut s’agir d’un moyen de pression sur le Hezbollah qui prend le Liban en otage, après avoir pris des Occidentaux en otage dans les années 1980. Le retour de ce dossier sur les devants de la scène, ajoute-t-il, confirme en tout cas le caractère terroriste du Parti de Dieu, bien que certains pays européens, dont la France, refusent toujours de le classer sur la liste des organisations terroristes, et persistent à distinguer entre une prétendue aile militaire et une autre politique.

A lire : L’Allemagne qualifie le Hezbollah comme organisation terroriste et l’interdit. Analyse

En tout état de cause, souligne une autre source libanaise, «si les deux suspects ne sont pas déjà morts – naturellement de vieillesse, ou pendant les différentes guerres impliquant le Hezbollah depuis 1983 – le Hezbollah pourra les éliminer comme il a éliminé d’autres suspects dans l’attentat contre Rafic Hariri (février 2005). Il peut aussi prétendre que les attentats de 1983 étaient menés par des groupuscules indépendants, avant qu’il ne les intègre à ses propres structures… Mais la requête française, poursuit notre source, peut aussi inquiéter le régime syrien et l’Iran. Car, ces deux pays étaient déjà à l’œuvre, en 1983, pour soumettre le Liban. La Syrie voulait expulser les Occidentaux pour s’accaparer le pays. Elle n’a pu le faire que grâce à Michel Aoun et ses guerres de 1989 et 1990. Et l’Iran voulait sanctionner la France pour avoir soutenu et armé Saddam Hussein pendant la guerre Iran-Irak». Autant dire que la demande de la justice française peut ne pas aboutir mais elle peut surtout faire trembler plus d’un.

Jusque-là, la politique française qualifiée de «molle», et l’impunité qu’elle a longtemps accordée aux assassins de ses soldats, ont déçu les Libanais mais surtout les anciens de la FMSB. [Cliquez ici pour lire leurs réactions]. Durant les quarante dernières années, les dirigeants français ont échoué au Liban et dans la région. S’agit-il aujourd’hui d’un sursaut qui rendra aux soldats tombés à Beyrouth leur honneur ? A la France son prestige ? Au Hezbollah la place qui doit être la sienne (organisation terroriste) ? Et au Liban sa souveraineté ? C’est tout ce que souhaitent les millions de Libanais.

Dario S.

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