La Chine veut servir de médiateur pour endiguer la Russie

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(Rome, 01 mars 2022). Pour la Chine, l’invasion russe de l’Ukraine devient l’occasion de souligner l’efficacité de son modèle face à l’Occident. La médiation d’une paix peut élever le niveau des capacités de Pékin en certifiant son statut d’acteur responsable. Alors que le Kremlin finirait par être relégué à un rôle secondaire

La Chine a signalé qu’elle était prête à jouer un rôle dans la recherche d’un cessez-le-feu en Ukraine et a « déploré » le déclenchement du conflit. Pékin s’est dit « extrêmement préoccupé par les dommages causés aux civils » dans des commentaires publiés après un appel téléphonique entre le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, et son homologue ukrainien, Dmytro Kuleba, comme nous apprend Emanuele Rossi dans le quotidien italien «Formiche».

« L’Ukraine est disposée à renforcer les communications avec la Chine et attend avec impatience que la Chine joue un rôle dans la réalisation d’un cessez-le-feu », lit-on dans le communiqué chinois soulignant le fait que Pékin veut jouer un rôle central dans l’affaire, en tant que médiateur d’une crise mondiale déclenchée en Europe. Un aspect important : la déclaration de la Chine était identique à celle de l’Ukraine, ce qui n’est pas toujours le cas.

Un message direct également en direction de Moscou (notamment dans le passage où est soulignée la délicate question de « l’intégrité territoriale de tous les pays ») qui, de toute évidence, ne trouvera même pas le côté confortable du prétendu allié chinois. Le gouvernement de Pékin a adopté une position prudente sur l’invasion, a diffusé des images et des déclarations d’Ukrainiens (moins que de Russes) et Wang Yi avec Kuleba a également utilisé le mot guerre pour la première fois, Moscou de son côté l’évite, parlant d’«opération spéciale» pour occulter la dimension de son discours et limiter ses répercussions sur l’opinion intérieure et internationale (il s’agit d’une sorte de révisionnisme vivant).

La déclaration a marqué un changement de ton de la part de Pékin. Interrogé le 24 février pour savoir si l’invasion représentait une violation de la souveraineté de l’Ukraine, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères de Pékin a décrit la situation comme étant due à « une combinaison de facteurs », sans toutefois la qualifier comme une violation. Dans les jours qui ont précédé les combats, le porte-parole a également décrit les États-Unis comme le « coupable » de la crise ukrainienne, « augmentant les tensions, créant la panique et hypnotisant même la possibilité d’une guerre ». Vendredi, la Chine s’est jointe aux Émirats arabes unis et à l’Inde s’abstenant sur une résolution de l’ONU condamnant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, soutenue par 87 autres pays. Moscou a opposé son veto à la résolution.

Pékin, y voit désormais une opportunité, pense à un rôle aussi en concurrence avec celui que pourrait jouer l’Union européenne, s’imaginant comme médiateur d’une paix chorégraphique entre les deux pays, mais surtout entre l’Occident et la Russie, en d’autre terme, en démontrant qu’elle peut intervenir là où l’Occident ne le peut. Selon Teresa Coratella, responsable du programme du bureau de l’ECFR à Rome, la Chine a désormais l’opportunité de se révéler véritablement un « acteur responsable » comme elle aime à se décrire.

« L’Europe devrait essayer d’éviter de s’asseoir au second rang dans la résolution du conflit, car c’est le moment pour Bruxelles d’agir en tant qu’acteur géopolitique, et le contact diplomatique avec la Chine sera important pour comprendre comment l’UE veut s’insérer dans ces situations », a expliqué Coratella lors d’une conférence en direct au quotidien Formiche.

Des situations multidimensionnelles et complexes dans lesquelles l’UE a déjà tenté de trouver ses propres espaces stratégiques lorsqu’elle a décidé de fournir un approvisionnement compliqué en armes à l’Ukraine pour la défendre contre l’invasion russe.

Lors des Jeux olympiques d’hiver du mois dernier, le président russe Vladimir Poutine a rencontré le secrétaire du Parti communiste chinois, chef de l’Etat Xi Jinping, et a déclaré que l’amitié entre les deux pays n’avait « aucune limite » et qu’il n’existait pas de domaines de coopération interdits. Une dimension qui souligne, comment les deux pays n’ont pas encore atteint le niveau d’une alliance. Au contraire, dans les déclarations officielles, la Chine a clairement indiqué que la Russie était un « partenaire stratégique » et non un allié, poursuit Emanuele Rossi.

Certains analystes affirment que la Chine tente de se positionner en tant que pacificateur régional en tirant parti de ses liens étroits avec le Kremlin. Une démarche dictée par l’intérêt, comme l’affaire ukrainienne. Pékin a réitéré mardi les appels déjà lancés aux deux parties pour trouver une solution par le biais de négociations internationales, mais a maintenu sa critique à l’égard de l’OTAN, affirmant que « la sécurité régionale ne peut être obtenue par l’expansion des blocs militaires » conformément à la nécessité de combattre le modèle occidental et de se montrer plus capables de gérer efficacement des contextes complexes.

Kuleba a déclaré que son homologue chinois l’avait assuré de « la volonté de la Chine à faire tous les efforts possibles visant à mettre fin à la guerre sur le sol ukrainien par la diplomatie, y compris en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU ». La décision chinoise pourrait «éponger» la Russie, certifiant son niveau d’acteur inférieur et créant des conditions préalables pour la maintenir dans sa sphère d’influence, offrant des opportunités à Moscou de sortir d’un enchevêtrement militaire et politique et aidant l’Ukraine (symbole pour d’autres pays) dans une période de difficulté.