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La Chine gifle Poutine par le freinage du gazoduc «Power of Siberia»

(Rome, Paris, 27.05.2023). Pour la Russie, s’accrocher au gilet de sauvetage chinois risque d’être plus compliqué que prévu. Avec le déclenchement de la guerre en Ukraine et le gel diplomatique qui en a résulté avec l’Europe, les exportations de gaz russe ont inversé leur flux, plaçant les destinations de l’Est avant les destinations de l’Ouest et suivant, en substance, le repositionnement géopolitique de Moscou, selon l’analyse de Federico Giuliani dans le quotidien «Inside Over».

Le nouveau client en or, aux yeux du Kremlin, est la Chine, Pékin se contentant d’acheter, à un prix réduit, les ressources énergétiques invendues par Vladimir Poutine aux anciens acheteurs de l’UE.

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La perte des marchés européens et des gazoducs qui y sont associés a eu un effet profond sur le flux de revenus du géant Gazprom, et donc sur celui du budget de l’État russe. Théoriquement, la réponse à un tel scénario, qui était prévu, aurait dû être la réorientation de l’entreprise publique russe vers le continent asiatique.

Grâce au gazoduc «Power of Siberia» en partie achevé et en partie encore en construction, et à la création de son extension, «Power of Siberia 2» encore à construire, le gaz russe se retrouverait au-delà du «mur» en échange de paiements somptueux.

Il semblait qu’il n’y avait aucun problème entre les deux partenaires, la Russie et la Chine, et que des travaux, pour rendre les deux infrastructures plus modernes et efficaces, étaient imminents. Au contraire, il semble que Pékin, contrairement à Moscou, ne soit pas pressé d’accélérer les démarches.

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Le nœud gazier

Les accords signés entre la Chine et la Russie, ou plutôt entre la «China National Petroleum Corporation» (CNPC) et «Gazprom», en 2014 sont très clairs : Moscou livrera 38 milliards de mètres cubes de gaz par an à son partenaire pendant une période de 30 ans en utilisant le «Power of Sibéria». A ces accords s’ajoute l’accord de 2022, selon lequel les livraisons de Gazprom atteindront 48 milliards de mètres cubes par an, avec le «Power of Siberia 2», une fois opérationnel, augmentera la capacité jusqu’à 50 milliards de mètres cubes par an.

Il est dommage que la partie chinoise n’ait pas encore donné son feu vert au dossier final. Comme le soulignait le Financial Times, le Premier ministre russe, Mikhail Mishustin, est revenu de Chine sans avoir obtenu la récompense que Moscou recherchait : un engagement clair de Xi Jinping sur le «Power of Siberia 2».

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Le plus gros problème pour le Kremlin est que le Dragon ne semble pas avoir d’urgence à définir le chemin. Selon divers analystes, cela montrerait à quel point le pouvoir de négociation de la Russie est devenu faible face à son partenaire chinois.

Le «Power of Siberia 2»

Grâce au projet «Power of Siberia 2», la Russie entend approvisionner la Chine en gaz provenant du nord-est de la péninsule de Yamal, qui servait historiquement le marché européen via plusieurs gazoducs, dont Nord Stream. Reste à savoir quand la fumée blanche arrivera de Pékin, étant donné que les travaux de construction de l’infrastructure concernent également son homologue chinois.

« Pékin a l’habitude de prolonger les négociations pour obtenir un meilleur accord. Cela s’est également produit avec le Power of Siberia », a expliqué Alicja Bachulska, experte en politique chinoise au Conseil européen des relations étrangères. La guerre en Ukraine se transformant en une guerre d’usure, et donc en guerre prolongée, la position de négociation de la Chine vis-à-vis de la Russie ne peut que se renforcer.

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Pourquoi, alors, le Dragon tergiverse-t-il ? Probablement pour garantir un prix d’achat du gaz encore plus bas, en tirant parti précisément de l’importante capacité de négociation susmentionnée. Mais aussi parce que les Chinois n’entendent pas se lier exclusivement à la Russie, en matière de sécurité énergétique.

Xi entend diversifier les sources d’énergie du pays, en combinant l’option moscovite avec des itinéraires d’Asie centrale, qui seraient plus sûres que les itinéraires russes, en cas de nouvelles tensions géopolitiques ou militaires avec l’Occident. Entre-temps, Poutine continue de souligner sa volonté de lancer «Power of Siberia 2» dans l’indifférence apparente de Pékin.

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