(Rome, 18 mai 2024). Les difficultés croissantes de l’armée ukrainienne à repousser l’avancée des troupes russes pourraient contraindre le bloc occidental à envoyer ses soldats dans le pays envahi, dans des rôles d’entraîneurs ou d’arrière-garde
L’avancée russe à Kharkiv et dans le Donbass a considérablement aggravé la position de l’armée ukrainienne sur le champ de bataille et a exacerbé le problème de pénurie d’hommes dont elle souffre depuis des mois. En conséquence, les autorités de Kiev ont demandé aux alliés de l’OTAN une aide visant à former 150.000 nouvelles recrues près des lignes de front afin qu’elles puissent être rapidement déployées. Cela signifierait l’envoi de personnel militaire occidental dans le pays envahi, une mesure qui rapprocherait l’Union européenne et les États-Unis d’une guerre contre Moscou, écrit Filippo Jacopo Carpani dans «Il Giornale».
A lire :
- France : Emmanuel Macron, investit dans la défense pour se préparer à une guerre de haute intensité
- «Si nous voulons la paix, préparons la guerre» : Charles Michel se range du côté de Macron sur la Russie
Le Kremlin a en effet souligné à plusieurs reprises que les soldats de l’Alliance déployés en Ukraine seraient considérés comme une cible légitime. Jusqu’à présent, Washington a rejeté les demandes de Kiev, mais le chef d’état-major interarmées, Charles Q. Brown, a déclaré jeudi 16 mai qu’«avec le temps, nous finirons par y arriver». Le général a toutefois souligné qu’à ce jour, un engagement direct dans le pays envahi «mettrait en danger les formateurs de l’OTAN» et impliquerait de décider s’il convient de déployer les quelques systèmes de défense aérienne dont dispose Kiev pour protéger le personnel ou les infrastructures critiques de l’Occident. En outre, dans le cadre du Pacte atlantique, les États-Unis seraient techniquement obligés de répondre à toute attaque contre les armées alliées.
Depuis le début du conflit, l’administration Biden a toujours catégoriquement nié la possibilité d’une intervention sur le terrain, une position qu’elle a récemment réitérée, et a appelé les alliés de l’OTAN à faire de même. Ces derniers mois, le président français Emmanuel Macron a cependant évoqué à plusieurs reprises la possibilité d’envoyer un contingent pour soutenir les forces ukrainiennes, soulignant qu’«aucun choix ne doit être exclu» pour garantir la défaite de la Russie.
Sur ce sujet :
- Emmanuel Macron persiste et signe : «si les Russes font une percée en Ukraine, nous enverrons des troupes»
- Emmanuel Macron insiste sur la présence de troupes de l’OTAN en Ukraine, «des opérations sur le terrain sont nécessaires»
Initialement, les autres membres de l’Alliance se sont opposés à cette possibilité, mais ces derniers jours, le gouvernement estonien a déclaré qu’il évaluait la possibilité d’envoyer des troupes dans le pays pour jouer un rôle d’arrière-garde, afin de permettre aux forces de Kiev engagées derrière les lignes d’atteindre le front. En outre, le ministre lituanien des Affaires étrangères Gabrielius Landsbergis a soutenu les positions du Président Macron dans une interview accordée au Guardian. «Nos troupes ont formé des Ukrainiens en Ukraine avant la guerre», a-t-il déclaré. «Il serait donc tout à fait possible de revenir à cette tradition».
Lire aussi :
- Russie : Vladimir Poutine prépare son pays à une décennie de confrontation totale
- Les États-Unis déplacent les armes nucléaires. «Mission imminente» et «abri sécurisé» pour les ogives
Il s’agit là d’un changement de point de vue non négligeable, qui se heurte à la position officielle de l’OTAN répétée à plusieurs reprises par le secrétaire général Jens Stoltenberg et, du moins sur le papier, fermement ancrée sur la ligne de la non-intervention directe. Cela pourrait indiquer que la situation des Ukrainiens est destinée à s’aggraver dans les mois à venir, malgré les déclarations du chef suprême des forces de l’Alliance en Europe, Christopher Cavoli, selon lesquelles les Russes n’ont pas «les effectifs» ni les «capacités» nécessaires pour remporter des succès stratégiques sur le front.
A lire :
- L’avertissement de l’état-major allemand, «la Russie pourrait nous attaquer»
- Le général Tricarico après la menace nucléaire : «les avions, les missiles et les sous-marins sont prêts»
En tout état de cause, la présence de troupes occidentales dans le pays envahi marquera le franchissement d’une ligne rouge sur laquelle il sera très difficile de revenir.