L'actualité du Proche et Moyen-Orient et Afrique du Nord

Russie : Vladimir Poutine prépare son pays à une décennie de confrontation totale

(Rome, Paris, 03 mars 2024). En Russie, tout est prêt pour les élections présidentielles les plus importantes de l’histoire récente sur le plan politique. Leur issue est connue d’avance, la disparition prématurée d’Alexeï Navalny provoquera plus de désordre dans les rues que dans les isoloirs, et le fait que celle de Vladimir Poutine sera une course en solo n’enlève rien ou peu à sa pertinence, nous explique Emanuel Pietrobon dans «Inside Over».

Entre le 15 et le 17 mars, les électeurs vont consolider et éterniser le mandat de Poutine. Dans la conscience que l’alternative au «deus ex machina» produit par «Loubianka» serait un autre Eltsine, ou un nouveau Gorbatchev, ou un retour aux années sombres de la guerre civile moléculaire et du séparatisme armé. Sachant que le prix à payer pour une telle sécurité, souligné par Poutine dans son dernier discours sur l’état de la nation, est et sera une grande mobilisation patriotique de la mémoire de la guerre froide.

Retour à la guerre froide

Le dix-neuvième discours annuel sur l’état de la nation de Vladimir Poutine a produit l’effet escompté : alarmisme en Occident, mobilisation à l’intérieure de la patrie. En Occident, le discours a été repris de journal en journal, grâce aux références à la perspective d’une guerre atomique. À la maison, chez lui, il a été diffusé à la télévision et même dans certaines salles de cinémas.

Poutine a remercié, il a appelé à la mobilisation et s’est préparé psychologiquement. Il a remercié les Russes qui ont soutenu la guerre en Ukraine, les industries qui ont résisté à la pression des sanctions (occidentales), les milliardaires qui ont rendu service à l’économie et soutenu les familles de ceux qui sont tombés au combat. Poutine a mis en garde le peuple : la sécurité dont jouit aujourd’hui la Russie, à l’abri des attaques terroristes et économiquement saine, n’est pas gratuite. Il y a un prix à payer : des sacrifices au nom de l’intérêt national. Et il y a un adversaire à vaincre : l’Occident.

La guerre froide est de retour et les Russes, s’ils ne veulent pas revivre une autre période 1989-91, devront cette fois participer activement aux combats : certains dans les industries, certains dans les banquets, d’autres dans les tranchées. C’est, pour l’essentiel, le résumé du sermon incendiaire et revanchard par lequel Poutine a voulu terminer son (actuel) mandat. Confiant dans le fait qu’un autre est sur le point de commencer.

Préparer les Russes à la «permacrise»

« L’Occident essaie non seulement de nous empêcher de progresser, mais imagine également [faire] de la Russie un espace moribond et en déclin » ; C’est avec ces mots que le discours de Poutine entre dans le vif du sujet et révèle son objectif de catalyser un rassemblement autour du drapeau en vue des élections présidentielles imminentes et des années de (perma) crise qui s’ensuivront.

Les pays occidentaux, affirme Poutine, « veulent reproduire en Russie ce qu’ils ont fait dans de nombreux autres pays, dont l’Ukraine, à savoir semer la discorde et affaiblir de l’intérieur ». Mais ils se trompent : « la détermination du peuple multiethnique » de Russie a passé l’épreuve du feu et des bataillons très différents, « chrétiens, musulmans et bouddhistes », ont combattus côte à côte en Ukraine pour des valeurs communes : la famille traditionnelle, la foi, l’unité nationale. Des messages clairement adressés aux périphéries de la Fédération, historiquement intolérantes à l’égard du gouvernement central et plus vulnérables à l’instrumentalisation par des tiers, dont dépend l’intégrité territoriale, Poutine en est conscient.

La Russie est prête à affronter les eaux agitées de la concurrence entre grandes puissances. Le Tsar l’a souligné en mettant en avant les dernières innovations de l’arsenal russe, comme le «Ch-47M2 Kinžal» et le «Zircon», et en annonçant que de « nouveaux systèmes d’armes » sont en cours de développement. Mais contrairement au passé, dont Poutine est à la fois le fils, le produit et le témoin, Moscou ne tombera pas dans l’erreur d’une « nouvelle course aux armements » aux conséquences soviétiques : l’argent sera dépensé « judicieusement », de manière à « maximiser le rendement économique de chaque rouble investi ».

Lire entre les lignes

Le discours annuel de Poutine sur l’état de la nation a monopolisé l’attention de notre presse et de nos politiques pour de mauvaises raisons, à savoir les références à la perspective d’une guerre nucléaire. Une propagande utile pour chatouiller les ailes les plus radicales de l’électorat patriotique et pour troubler la tranquillité des rivaux occidentaux, comme cela a d’ailleurs été le cas. L’arme de distraction massive.

Les passages les plus importants de la longue homélie de Poutine étaient et sont encore d’autres. L’un d’entre eux est celui dans lequel le président russe espérait la création d’une « nouvelle barrière de sécurité en Eurasie dans un avenir proche », se montrant disposé à « discuter de ce sujet avec tous les pays et associations [de pays] susceptibles d’être intéressés ». En d’autres termes : une alliance militaire pour s’opposer à l’OTAN.

L’occupant du Kremlin a également laissé entendre, cette fois très clairement, que l’époque où la Russie cherchait à tout prix un partenariat avec l’Occident était révolue. Aujourd’hui, et plus encore demain, Moscou s’attachera à renforcer la coopération avec les acteurs clés d’Amérique du Sud, d’Afrique, du monde arabe et d’Asie. Objectif : devenir, comme par le passé, l’aiguille de la balance dans la bataille «Occident contre Le Reste».

Recevez notre newsletter et les alertes de Mena News


À lire sur le même thème