La crise diplomatique avec Riyad ébranle le gouvernement libanais

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(Rome, 31 octobre 2021). La réaction a été déclenchée par les commentaires du ministre de l’Information de Beyrouth, Georges Kordahi, sur l’intervention militaire de Riyad et d’Abou Dhabi au Yémen où il a fait valoir que les rebelles chiites houthis ne font que «se défendre»

Selon l’analyse de Cécilia Scaldaferri de l’agence italienne «AGI», la crise diplomatique entre l’Arabie saoudite et le Liban, déclenchée par les propos du ministre (qualifié d’insensé par de nombreux responsables nationaux et régionaux, ndlr) de l’Information de Beyrouth, Georges Kordahi, sur l’intervention militaire de Riyad et d’Abou Dhabi au Yémen, a ouvert un nouveau front intérieur au sein du gouvernement du Pays des Cèdres. L’exécutif est déjà secoué par les tensions autour de l’enquête sur l’explosion du port de Beyrouth et les affrontements meurtriers du 14 octobre entre le Hezbollah et les forces libanaises (plutôt les riverains patriotiques, selon les médias, et l’enquête, ndlr).

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Le royaume a ordonné l’expulsion de l’ambassadeur de Beyrouth et a interdit l’importation de tous les produits libanais, rappelant son représentant diplomatique pour « consultations ». Cette décision suivie peu après par (entre autres) Bahreïn.

La réaction de Riyad a été déclenchée par une interview enregistrée en août dernier, mais diffusée seulement cette semaine dans laquelle Kordahi – qui n’était pas ministre à l’époque – a qualifié la guerre au Yémen de « futile » et a affirmé que les rebelles chiites houthis ne font que «se défendre», suggérant ainsi que l’Arabie saoudite et les Émirats sont les agresseurs dans le conflit qui dure depuis sept ans.

Des propos « inacceptables et offensants » pour la monarchie la plus puissante du Golfe qui ont déclenché une escalade au sein même du gouvernement libanais, ajoute Cécilia Scaldaferri. Personnalité connue de la télévision – il a également été présentateur de la version arabe de «Who Wants to be a Millionaire» – Kordahi est un chrétien maronite, (pro-syrien, ndlr), proche du Mouvement Marada présidé par Sleïman Frangieh, allié du Hezbollah. Le Parti de Dieu pro-iranien s’est précipité à la défense du ministre, dénonçant la « campagne injuste » menée à son encontre comme une « atteinte à la souveraineté libanaise » et « un chantage inacceptable ».

Une réaction immédiate de Saad Hariri, ancien premier ministre sunnite et (jadis, ndlr) leader pro-saoudien, qui a pointé du doigt le mouvement pro-Téhéran, l’accusant d’avoir « la responsabilité, avant tout » de l’isolement du Liban vis-à-vis de l’Arabie saoudite et des pays du Golfe.

« Vous voulez un État doté de la souveraineté et de la dignité nationale, retirez les mains iraniennes du Liban », a-t-il ajouté. Du chef du parti chrétien des Forces libanaises, le leader souverainiste Samir Geagea, est venu l’appel au gouvernement de « prendre une décision rapide, décisive et claire pour épargner au peuple libanais de nouvelles tragédies », tandis que Bahaa Hariri, le frère rival de Saad, a exhorté l’exécutif à démissionner.

Le Premier ministre Najib Mikati s’est dit « profondément désolé » de la décision de Riyad, assurant qu’il continuerait à « travailler pour résoudre » la crise diplomatique. Le chef du gouvernement, en poste depuis moins de deux mois après plus d’un an de vide gouvernemental, a rappelé que « la position de Kordahi, énoncée avant de devenir ministre, ne représente pas l’opinion de l’exécutif ».

Face à l’escalade des tensions, Mikati a alors fait savoir qu’il s’était entretenu avec le président Michel Aoun et a demandé au ministre « d’évaluer l’intérêt national et de prendre la décision appropriée pour réparer les relations arabo-libanaises ».

La crise « inquiète » également la Ligue arabe qui, à travers son secrétaire général Ahmed Aboul Gheit, a appelé les pays du Golfe à «réfléchir aux mesures annoncées pour éviter de nouveaux effets négatifs sur l’économie libanaise « qui s’effondre »».