Le danger de l’islam politique turc

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(Rome, 16 novembre 2020). Les attentats qui ont eu lieu en France et en Autriche pendant une période allant du 25 septembre au 2 novembre mettent en évidence d’abord et avant tout un problème entièrement européen, tant du point de vue de la radicalisation islamiste que de l’incapacité ou de la réticence à gérer le flux incontrôlé d’immigrants d’Afrique et d’Asie.

Deux des assaillants étaient les enfants de réfugiés qui avaient grandi (l’un d’eux était même né) en Europe; deux autres étaient arrivés clandestinement sur le Vieux Continent, dont un grâce à la politique menée par le gouvernement italien et avaient même été identifiés à Bari avant d’être relâchés avec un simple (et inutile) laissez-passer. Après tout,  si fort heureusement et pour une raison inconnue, les terroristes épargnent l’Italie et poursuivent quand même leurs voyages vers d’autres destinations européennes, tel que reporté par Giovanni Giacalone dans le quotidien «Inside Over».

Quatre attaques ont eu lieu en un peu plus d’un mois, avec un lourd bilan huit morts:  deux décapités, trente blessés. Des terroristes avec des couteaux et même avec des fusils Ak-47  parcourent les rues des villes européennes; une femme en niqab sème la panique à la gare de Lyon (en France) et en même temps des centaines d’extrémistes turcs qui dans la même ville se livrent à la «chasse aux arméniens». Oui, car en allant plus loin, il semble que cette fois-ci, ni la radicalisation dans les Balkans ni les directives de l’Etat islamique ont joué un rôle fondamental dans ces évènements mais que par contre, le serpent qui les habite se nourrit d’une propagande islamiste qui souffle d’un pays qui était autrefois un allié de l’Europe et un membre fondamental de l’OTAN, mais qui aujourd’hui il a pris à tous égards les caractéristiques d’un «État voyou» comparable à cet Iran islamiste qui espère  rayer Israël de la carte, ou à cette Libye de Kadhafi des temps d’or qui a apporté son soutien à des groupes terroristes tels que l’IRA, l’ETA et l’OLP.

Le vrai problème est Erdogan (et l’islamisme)

Oui, le problème aujourd’hui, c’est la Turquie de Recep Tayyip Erdogan, alimentée par une idéologie islamiste pro-Frères musulmans et un havre de paix pour les dirigeants d’organisations terroristes comme le Hamas (bras palestinien des Frères musulmans et sur la liste noire des organisations terroristes des États-Unis et de l’Union Européen) mais aussi pour de nombreux représentants du djihadisme du Daghestan, qui ont fui vers le territoire turc pour échapper à la main longue du FSB russe.

Après tout, Ankara a non seulement soutenu les djihadistes actifs en Syrie pendant des années, leur fournissant une assistance médicale et des armes, des renseignements et même l’envoi de soldats à leurs côtés, mais a également utilisé ces djihadistes, puis les a transférés en Libye pour soutenir le GNA d’al-Serraj et transformer l’exécutif de Tripoli en un régime fantoche d’Ankara.

Le soutien turc aux djihadistes a été documenté à plusieurs reprises par des journalistes et des politiciens de l’opposition turque qui ont ensuite été persécutés pour « espionnage ». Le cas de Can Dundar (un journaliste et documentariste turc, il est spécialiste de la critique des médias en Turquie, engagé dans la défense des libertés publiques, pacifiste et favorable à une résolution politique du conflit kurde en Turquie, NDLR) parle de lui-même, lors en dehors d’un tribunal en 2016. Il a également été reconnu coupable d’avoir révélé les fournitures du MIT turc aux djihadistes syriens. La Turquie est en fait aujourd’hui la plus grande prison pour journalistes au monde et on ne peut dire que les parlementaires turcs soient mieux lotis, comme dans le cas d’Enis Berberoglu, Leyla Guven et Musa Farisugullari, parlementaires du parti d’opposition CHP arrêtés début juin 2020 avec l’accusation « d’espionnage ».

C’est aussi Ankara qui a soufflé le feu suite à la nouvelle publication par Charlie Hebdo, début septembre, des caricatures satiriques sur Mohammed, en conjonction avec le début du procès des partisans des terroristes impliqués dans les attentats de 2015-2016. Les résultats ont été quasi immédiats, avec la blessure de quatre personnes devant l’ancien siège du magazine et la décapitation du professeur de civisme Samuel Paty, « coupable » d’avoir montré les caricatures lors d’une leçon sur la liberté d’expression, un concept  aberrant des islamistes et d’Erdogan lui-même qui ne tolère pas les critiques ni dans sa « patrie » ni à l’étranger.

Le 28 octobre, en effet, le raïs turc s’est relevé de nouveau, cette fois pour un dessin animé satirique publié par Charlie Hebdo, qui le représente en sous-vêtements alors qu’il découvre les fesses d’une femme voilée. Le lendemain à Nice, trois personnes ont été tuées (dont une décapitée) par ce Tunisien qui a échappé au radar italien et le 2 novembre suivant, le citoyen autrichien d’origine albanaise, Kujtim Fejzulai, a aveuglement tiré dans les rues de Vienne et contre une synagogue, tuant quatre personnes et blessant 23. Peu importe que quelques jours plus tard, Erdogan félicite deux citoyens turcs venus à la rescousse de la police autrichienne en difficulté évidente.

Pas étonnant que les islamistes embrassent la rhétorique d’Erdogan, prêchent et perpétuent la violence envers ceux qui s’expriment librement et cela les rend imperméables à la satire, parce que c’est dans leur nature idéologique. Il n’est donc pas étonnant de voir la publication inquiétante des noms de journalistes connus signalés comme « islamophobes » et « turkophobes » par certains sites en italien idéologiquement proches d’Ankara avec tous les risques associés pour la sécurité de ces professionnels.

Un fil conducteur qui lie Paris et Vienne

La France et l’Autriche partagent une position dure à l’égard de l’islam politique et, en l’occurrence, ces deux pays se sont retrouvés dans la ligne de mire du djihad; Emmanuel Macron et Sebastian Kurz ont en effet affirmé que l’islam politique et la radicalisation n’avaient pas leur place dans leurs pays respectifs, prenant des mesures sévères contre les imams, les associations et les lieux de culte liés à l’islam radical. En 2018, le gouvernement autrichien a fermé plusieurs mosquées et chassé de nombreux imams liés à l’Atib turc (une organisation culturelle et islamique turque, NDLR) à la suite d’une reconstruction effrayante dans certaines mosquées de la bataille de Gallipoli, avec des enfants déguisés en soldats et martyrs. À cette occasion également, Erdogan est immédiatement intervenu pour qualifier les mesures prises par Vienne d’«islamophobes, racistes et discriminatoires».

Paris, pour sa part, a non seulement déclaré depuis longtemps la guerre à cet islam politique défini par Macron comme un « séparatiste » et lié à l’idéologie des Frères musulmans, mais à la suite du meurtre de Paty, il a également fermé plusieurs associations et collectifs islamistes, dont le « Cheikh Yassine », fondée en 2004 en l’honneur du chef historique du Hamas par le prédicateur franco-marocain Abdelhakim Sefrioui, déjà classé en « Fiche S » par l’antiterrorisme français et arrêté avec Brahim Chnina, père d’un élève de Paty accusé d’être les instigateurs moraux du meurtre.

Paris a également annoncé aujourd’hui avoir également interdit l’organisation ultranationaliste des Loups gris, responsable des marches anti-arméniennes d’octobre dernier, arrêtant son leader local, Ahmet Cetin. Ankara a immédiatement réagi en menaçant de représailles et en affirmant la « nécessité de protéger la liberté d’expression et de réunion des Turcs en France ».

Dommage que ce soit Ankara qui a menacé de poursuites judiciaires contre Charlie Hebdo pour les caricatures satiriques sur Erdogan et fomenté la haine contre Paris pour ceux qui parlent de Mohammed, car selon la meilleure tradition islamiste, la liberté d’expression est relative et dépend beaucoup de qui parle et de quoi dit-il, comme cela a également émergé pendant l’air du gouvernement Morsy en Egypte.

Dans tout cela, l’Union européenne et l’Alliance atlantique ne peuvent plus reporter et doivent s’attaquer une fois pour toutes au problème turc, car Macron et Kurz ont raison lorsqu’ils disent que l’islam politique doit être combattu; et c’est le seul moyen de lancer une stratégie efficace de déradicalisation au niveau européen et moyen-oriental à un moment où les frontières entre Fraternité idéologique, Qaedist et Etat-islamiste sont de plus en plus floues au nom d’un islamisme mondial devenu un risque énorme pour la stabilité de l’Europe et du Moyen-Orient. La Turquie d’aujourd’hui n’est plus celle d’avant Erdogan et on ne peut pas prétendre ne pas s’en rendre compte, car la réalité a abouti à un projet de loi (en cours). Tout est de comprendre de quel côté vous voulez être, mais un choix est maintenant plus nécessaire que jamais, car à ce stade, les choses ne peuvent qu’empirer.