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Pourquoi l’Iran a-t-il utilisé des GPS occidentaux pour rechercher Raïssi ?

(Rome, 20 mai 2024). Les équipes de secours à la recherche du Président Raïssi la nuit dernière étaient équipées de navigateurs GPS de fabrication américaine. Comment sont-ils arrivés en Iran ?

Au cours de la (longue) nuit iranienne qui vient de s’écouler, les équipes de recherche iraniennes ont poursuivi leurs efforts sans trouver la moindre trace du président Raïssi ou d’un quelconque survivant. Les sauveteurs engagés depuis hier dans la recherche de l’hélicoptère transportant le président iranien ont réussi à localiser et à atteindre, tôt ce matin, le site du crash, ne trouvant «aucun survivant». Ensuite, est arrivée la confirmation du décès du président iranien et de son ministre des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, rapporte «Il Giornale».

Ces étranges navigateurs dans les recherches de Raïssi

Outre la nouvelle choquante et ses corollaires, depuis hier, les premières images des sauveteurs à l’œuvre sous une pluie battante ont montré quelque chose d’apparemment inhabituel. Certains d’entre eux, qu’ils appartiennent ou non au Croissant-Rouge, portaient à la main des navigateurs satellite de marque Garmin.

Il s’agit d’une multinationale suisse dont le siège social se trouve à Schaffhouse mais dont le siège opérationnel est situé à Olathe, dans le Kansas. L’entreprise produit et développe des technologies GPS : c’est la même entreprise qui est entrée en 2008 sur le marché des téléphones portables équipés de GPS avec un produit appelé Novifon, qui a été fabriqué jusqu’en 2010. Ce qui est intéressant, c’est que les produits Garmin ont été parmi les premiers à être compatibles avec «OpenStreetMap» mais surtout avec le système «GLONASS», le système mondial de navigation par satellite russe, une alternative au GPS. L’entreprise, fondée en 1989, cotée en bourse, fabrique aujourd’hui, non seulement des produits pour les secteurs de l’automobile, du sport et du nautisme, mais aussi de nombreux autres équipements comme des radios VHF et AIS, des stations météo, des sondeurs et des antennes radar. Mais c’est aux navigateurs par satellite qu’elle doit sa renommée, notamment auprès des amateurs de géo-caching (chasse au trésor globale qui mêle le monde réel et le monde virtuel, Ndlr), ainsi que de nombreux professionnels qui ont besoin du GPS dans leur métier.

Au-delà du cas Raïssi, pourquoi ces navigateurs ne devraient pas être en Iran

Pour revenir à Raïssi et à l’Iran, la question se pose spontanément : que fait une technologie similaire, entre autres considérée comme «à double usage», en Iran ? Les règles imposées par les sanctions américaines sont, à ce sujet, en effet très claires. Depuis les États-Unis, aucun bien, technologie ou service ne peut être exporté vers l’Iran, surtout s’ils sont destinés directement ou indirectement au gouvernement iranien. Font exception certains produits intermédiaires, utiles à la création de produits finis mais dans lesquels la participation américaine au produit fini est minime, selon les critères stricts de l’«Office of Foreign Assets Control» (OFAC).

À tel point que la plupart des universités et instituts de recherche américains ont publié sur leurs sites institutionnels des lignes directrices précises et une liste de FAQ à destination de leurs chercheurs : lorsqu’ils doivent se déplacer à l’étranger, en effet, ils peuvent être soumis à certaines restrictions ou, au contraire, à des exceptions si les technologies qu’ils apportent avec eux sont fonctionnelles à la réalisation de leurs travaux.

Quant à Garmin, en parcourant son site Web (tant la version italienne que la version.com), en simulant un achat des technologies susmentionnées, il est facile de vérifier que l’Iran ne fait pas partie des pays vers lesquels l’entreprise expédie ses produits. La page d’assistance à la clientèle de l’entreprise inclut l’Iran parmi les pays dans lesquels les produits de technologies de navigation par satellite font l’objet d’un embargo, précisant comment la réglementation américaine à l’égard de certains pays interdit la fourniture de ce type de technologies. Dans une autre section du site, l’entreprise fait explicitement référence aux réglementations américaines sur l’exportation, la vente, la revente de produits similaires dans certains pays, dont l’Iran, en bonne compagnie avec la Russie, Cuba, la Corée du Nord, etc. En référence à la disposition spécifique du Trésor américain, mise à jour au 16 mai de cette année. En conséquence, ces navigateurs ne peuvent être ni vendus, ni expédiés, et encore moins introduits dans le pays.

Sanctions contre l’Iran ? Tous les doutes

Alors comment sont-ils arrivés là ? Ici, le mystère s’épaissit. En effet, en parcourant le site «digikala.com», «Amazon-Iran», et en essayant de rechercher des produits Garmin, on s’aperçoit qu’ils sont disponibles. On y trouve, à des prix avantageux, des montres solaires, des appareils photo, des batteries, des chargeurs mais surtout les fameux navigateurs GPS en format de poche. Ceux-là mêmes qui sont clairement visibles entre les mains des sauveteurs qui luttent à la recherche de Raïssi et de son hélicoptère. Il est possible de les commander, même en livraison rapide, pour environ une somme de trois cents euros, mais les stocks semblent s’épuiser. De plus, en naviguant plus loin sur le Web, il est possible de trouver une autre bizarrerie : Garmin semble être lié d’une manière ou d’une autre à une société iranienne, «Fatehin Sanat Sharif Pty», qui s’occupe de technologie et de communications. L’entreprise, dans son curriculum en ligne, mentionne, comme s’il s’agissait d’une collaboration ou d’une option de vente, les produits de «Garmin Hemisphere», en précisant à côté du nom de l’entreprise occidentale, les mots «fourniture de tout type d’équipements de positionnement».

Même en parcourant les sanctions internationales, le nom Garmin revient. Cette fois, c’est en lien avec le conflit en Ukraine. Le site «opensanctions.org» mentionne en effet quatre personnes sanctionnées, toutes des femmes (Tkachenko Zinaida Nikolaevna, Trofimova Tatyana Valerievna, Tsmokalo Natalia Alexandrovna et Kartushina Lyubov Evgenievna), accusées d’avoir vendu une grande quantité de technologies mineures à l’armée russe à travers des groupes de solidarité.

Parmi celles-ci, outre des drones, des équipements radio, des médicaments, ainsi que des appareils Garmin GPS Map 64 x, les mêmes que ceux utilisés ces dernières heures par les sauveteurs iraniens.

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