L'actualité du Proche et Moyen-Orient et Afrique du Nord

L’enjeu entre Israël et le Hezbollah : des chars à la frontière, des avions dans les airs et l’escalade

(Rome, Paris, 07 janvier 2024). Un conflit qui semble perpétuellement imminent mais que tout le monde veut éviter : quelle est la réalité d’une éventuelle guerre totale entre Israël et le Hezbollah ?

Trois mois se sont écoulés depuis l’attaque du Hamas contre Israël, qui a une fois de plus mis le feu au Moyen-Orient. Alors que la guerre se poursuit à Gaza, le front avec le Hezbollah semble désormais être la prochaine frontière du conflit, écrit Francesca Salvatore dans «Il Giornale».

La guerre frontalière entre Israël et le Hezbollah

En effet, dans le nord d’Israël, à la frontière avec le Liban la guerre se poursuit : rien qu’aujourd’hui, environ huit roquettes sont tombées près de la position «Astrà» de l’armée israélienne sur le mont Hermon, comme le rapporte le «Jerusalem Post», citant les forces israéliennes, qui ont réagi en frappant les lieux à partir desquels les lancements avaient été effectués. Un autre missile, rapporte le «Times of Israel», a frappé un bâtiment dans la ville de Metula, dans le nord du pays, en grande partie évacuée, causant des dégâts mais sans faire de victimes. D’autres roquettes tirées vers la région sont tombées dans des zones ouvertes.

A lire : La constellation des forces de projection de l’Iran: Hezbollah, Houthi et autres milices

Une guerre dans la guerre qui provoque une nouvelle catastrophe humanitaire dans la zone frontalière entre les deux pays : plus de 76.000 personnes ont été déplacées du sud du Liban au cours des trois derniers mois en raison d’affrontements transfrontaliers entre les forces israéliennes et le Hezbollah. L’Organisation internationale des Nations Unies pour les migrations estime que parmi les déplacés, plus de 80 % vivent chez des proches et seulement 2 % sont hébergés dans quatorze abris collectifs dans le sud, notamment dans la ville côtière de Tyr et dans la région de Hasbaya. Le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a déclaré à l’envoyé spécial américain pour la région, Amos Hochstein, que plus de 80.000 habitants du nord d’Israël ont été déplacés à cause des affrontements frontaliers.

Le temps presse pour Israël

Mais pendant que la diplomatie complexe tente de trouver un équilibre, le temps presse et, ni les mandataires iraniens, ni Téhéran, n’ont l’intention de concéder de l’espace à l’ennemi. Selon les informations émanant du bureau de Gallant, lors d’une rencontre à Tel Aviv avec Amos Hochstein, l’envoyé spécial du président américain, Israël voudrait opter pour une «nouvelle réalité sur le front nord» (à la frontière avec le Liban), non précisée, qui permettrait le retour en toute sécurité de ses citoyens, en référence aux quelque 80.000 résidents déplacés. L’idée que le temps presse est aggravée par le sentiment qui s’est développé dans les jours qui ont suivi l’assassinat de Saleh al Arouri à Beyrouth, qui a encore aggravé la situation sur le terrain, provoquant une augmentation de la virulence des attaques du Hamas et du Hezbollah.

Dans quelle mesure l’hypothèse d’un conflit Israël-Hezbollah est-elle réelle ?

Ceci étant, il convient de se demander dans quelle mesure un conflit est réel, ouvert et déclaré entre les deux réalités. Si l’on remonte l’analyse à ces dernières temps, il convient de noter que l’attaque du Hamas du 7 octobre a interrompu une longue période de «détente» dans la région, dont Tel-Aviv et Beyrouth ont, tous deux, pu bénéficier, à l’exception de la «guerre des 34 jours» de 2006. De plus, toute escalade n’est pas entre les mains du gouvernement (d’argile) de Beyrouth, mais entre les mains des alliés chiites de Téhéran.

A lire : Le Liban à la dérive. Euthanasie d’une nation perdue

La stratégie du Cheikh Hassan Nasrallah, bien que tiède, a plongé dans la crise un Liban déjà en proie à une grave crise économique : le gouvernement libanais et une grande partie de la population auraient en effet évité toute implication dans le conflit en cours.

A lire : L’Appel vibrant d’une libanaise contre une nouvelle humiliation

Un rôle dans lequel le Pays du Cèdre se retrouve sur une corde raide ayant offert refuge au Hezbollah, mais aussi aux dirigeants du Hamas en exil et à partir duquel «l’axe de la résistance» coordonne mouvements et choix politiques.

Malgré les menaces mutuelles, les chars à la frontière et les avions qui survolent le pays ces dernières heures, il semble encore que cette déclaration de guerre totale tarde à venir. Un scénario dans lequel, en effet, les deux camps auraient beaucoup à perdre. En outre, lorsque l’on évalue le soutien du Hamas au Hezbollah, il ne faut pas oublier la ligne de fracture ancestral entre sunnites et chiites, ainsi que le fait que le Hezbollah, bien qu’il soutienne le Hamas, ne partage pas une coordination poussée avec le groupe palestinien. Et les propos du leader du «Parti de Dieu» mercredi dernier le démontrent également : Nasrallah, sans se démarquer de l’opération du 7 octobre, a réitéré à plusieurs reprises qu’il n’en avait pas eu connaissance. Et il s’agit bien d’une prise de distance. Même lorsqu’il est revenu aux micros vendredi, bien qu’il ait grogné contre «l’ennemi sioniste», il s’est déclaré prêt à naviguer entre cette haine atavique et la nécessité de préserver Beyrouth : «il menace mais ne mord pas», a réitéré Fiamma Nirenstein, la journaliste et ancienne députée italienne.

L’attitude « tiède » du Hezbollah : pourquoi ?

La réponse du Hezbollah reste donc tiède, parsemée d’attaques verbales et de tirs de roquettes qui n’ont rien de nouveau. Jusqu’à la mort d’Al Arouri, le Hezbollah avait adopté une position attentiste, alimentant un conflit de faible intensité. Nasrallah s’était en effet contenté de faire pression sur Israël en obligeant l’armée à mener «une guerre et demie». En témoignage le fait que les attaques restent localisées dans la zone de la Finul, alors que le Hezbollah dispose d’une puissance de feu capable de frapper n’importe où en Israël.

Cela montre, selon l’hypothèse soutenue par de nombreux stratèges militaires, que l’escalade des mandataires chiites est un épisode aigu habituel, qui sert actuellement de rôle de soutien au Hamas, sans réelle volonté de mener une guerre de sa propre initiative : d’autre part, dans le complexe kaléidoscope libanais, le Hezbollah est un invité indésirable pour tous, qui, pour maintenir son statut, ne peut se rendre coupable d’entraîner Beyrouth dans une guerre dont il n’a pas besoin.

Les craintes américaines : une guerre à éviter à tout prix

Entre deux querelles, se trouvent aussi les craintes américaines. Joe Biden a envoyé certains de ses conseillers les plus fiables au Moyen-Orient avec une mission bien précise : empêcher le déclenchement d’une guerre totale entre Israël et le Hezbollah. Les responsables américains craignent que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu considère l’extension de la crise au Liban comme la clé de sa survie politique, à un moment où il est entouré de griefs internes concernant l’incapacité de son gouvernement à empêcher l’attaque du Hamas.

A lire : Le voyage de Blinken et la crainte d’une guerre au Liban. Ce qui peut arriver

Pendant ce temps, depuis Washington, une nouvelle évaluation confidentielle de la «Defense Intelligence Agency» prévient qu’il serait difficile pour Tsahal de réussir car ses ressources et ses moyens militaires seraient trop dispersés en raison du conflit à Gaza. Un conflit à grande échelle entre Israël et le Hezbollah entraînerait davantage d’effusions de sang que la guerre israélo-libanaise de 2006 en raison de l’arsenal beaucoup plus important d’armes de précision et à longue portée du Hezbollah. Les mandataires de Téhéran pourraient frapper Israël plus profondément qu’auparavant, atteignant des cibles sensibles telles que les usines pétrochimiques et les réacteurs nucléaires, entraînant ainsi dans le conflit la région entière, et la campagne électorale de Biden, jusqu’ici désastreuse.

Recevez notre newsletter et les alertes de Mena News


À lire sur le même thème