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L’armée de l’ombre du Renseignement ukrainien, le bataillon Chamane

(Paris, Rome, 16.08.2023). L’armée ukrainienne, depuis le début de la guerre déclenchée par la Russie le 24 février 2022, s’est transformée en une véritable créature hybride qui combine des capacités de résistance et de maintien en première ligne de type soviétique avec des compétences plus spécifiques de projection et de gestion des ressources (comme le renseignement) façonnées par le contact avec les nouveaux alliés occidentaux. Et le domaine des forces spéciales ne fait pas exception à la règle, observe Andrea Muratore dans son analyse dans le journal «Inside Over».

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Le général Leonardo Tricarico, ancien chef d’état-major de l’armée de l’air italienne, a récemment reconnu, s’adressant au média «Adnkronos», « l’efficacité adéquate des forces spéciales ukrainiennes, comparable aux normes de l’OTAN et certifiée par nul autre que le général John Abizaïd, l’un des meilleurs experts en matière de ce type d’évaluations ». Il ne faut donc pas s’étonner si nous assistons, de temps à autre, à des événements qui ressemblent fort à des «coups» de main de services spéciaux ». Parmi les unités les plus actives dans la projection de la capacité opérationnelle ukrainienne, le bataillon Chamane se distingue depuis environ un an.

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Il s’agit d’une unité qui appartient à la Première Direction du renseignement militaire (GUR), l’organisation des services secrets relevant du ministère de la Défense et qui tire son nom de «Chamane», l’officier sans visage dont il serait le commandant et qui, il y a un an, s’exprimant sur le blog «The War Zone» présentait son groupe comme le porte-drapeau de la volonté ukrainienne de porter la guerre au-delà des lignes russes. Chamane serait à l’origine de plusieurs opérations audacieuses qui ont surpris les Russes : attaques contre des infrastructures, dégâts sur des bases militaires, explosions dans des dépôts de munitions, élimination de commandants d’unités.

« Vous avez sûrement entendu parler de Bucha. Vous avez peut-être entendu parler de l’attaque à la roquette contre la gare de réfugiés à Kramatorsk. J’aimerais que toutes ces actions spéciales se produisent sur le sol russe maintenant. Parce que je veux qu’ils sachent ce qu’ils font ressentir au peuple ukrainien, a déclaré «Chamane» au journaliste Howard Altmann à l’occasion de cette confrontation, ajoutant qu’au sein de son unité, pour chaque action, il recherche les combattants les plus prêts à mener à bien chaque opération, sans imposer quoi que ce soit. Et Chamane de rappeler de par ses propos, qu’il est proche de ce type d’ultranationalisme déjà observé dans des unités telles que le bataillon Azov (aujourd’hui régiment) avant et après l’invasion russe : « Nous ne cherchons toujours que des volontaires. On n’ordonne jamais aux gens de faire quoi que ce soit. Ils sont des volontaires et ils méritent d’aller au Valhalla s’ils tombent au combat ».

Une photo représentant ce qui semble être le drapeau du bataillon, a récemment commencé à circuler sur Twitter. Le champ bleu, surmonté d’une bande rouge, présente un bouclier, une épée et des flèches d’un jaune vif.

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Chamane est donné en appui aux manœuvres ukrainiennes à l’Est du pays pour consolider les résultats de l’offensive d’été que les troupes au sol mènent à grand peine contre les forces russes. Des opérations contre des batteries de missiles russes ont récemment été revendiquées et potentiellement la mort du commandant du 1009e régiment de fusiliers motorisés, le colonel Vladimir Kuznetsov, tué dans la région de Belgorod, le meurtre par pose de mine d’un colonel du FSB, Andrei Skuratov, décédé en juillet près de la ville russe de Briansk et le soutien apporté aux raids printaniers de Belgorod menés par la Légion « Liberté pour la Russie » au cours desquels le lieutenant-colonel Andrey Stesev a trouvé la mort.

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Le bataillon Chamane, selon une récente déclaration de l’un de ses membres, surnommé « Smart » (intelligent) par ses compagnons d’armes comme nom de code, aurait joué un rôle dans l’assassinat d’une quinzaine d’officiers supérieurs russes et aurait traversé silencieusement les lignes de front en déplaçant les commandos affectés aux différentes opérations à bord d’un hélicoptère américain Black Hawk. «Liga.net» rapporte que les membres de Chamane « escortent parfois des partisans russes » pro-ukrainiens à travers la frontière et s’entendent avec eux pour revendiquer certaines actions.

La profondeur de l’activité revendiquée par Chamane, sur laquelle il convient de maintenir une juste dose de prudence en raison de l’absence physiologique de sources tierces ou ouvertes capables de les confirmer, peut en même temps expliquer l’enchaînement d’épisodes apparemment inexplicables, épisodes qui se sont déroulés sur des sites stratégiques russes depuis le début de la guerre jusqu’à aujourd’hui : entre les incendies répétés de dépôts militaires, les explosions répétées dans les usines d’armement et l’entrée de drones capables d’effectuer des raids depuis l’intérieur du pays jusqu’à viser le Kremlin à Moscou, l’action de quelques guérilleros antigouvernementaux ne semble pas suffire à justifier tous ces faits. Une unité de renseignement militaire entraînée par les forces de l’OTAN dans le passé, capable d’opérer avec des tactiques de frappe et de fuite et dans le secret opérationnel absolu, serait plutôt un candidat beaucoup plus cohérent pour des opérations de ce type à haut risque.

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Chamane sera à surveiller dans la guerre de l’ombre qui se déroule derrière la ligne de front d’un conflit de plus en plus verrouillé sur le terrain, mais qui n’est pas encore en mesure de réserver des surprises et des actions imprévisibles de part et d’autre.

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