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Jouer avec le feu

(Paris, Rome, 28.06.2023). Plus les jours passent, plus le coup d’État présumé en Russie prend des allures de farce

Plus les jours passent, plus le prétendu coup d’État en Russie prend des allures de farce. Prigozhin, le boucher, le putschiste, le chef des mercenaires, avait fait savoir dans une vidéo de 11 minutes que son expédition sur Moscou ne visait pas à renverser le système de pouvoir de Poutine, mais qu’il s’agissait d’une marche de protestation « pour la justice » (l’expression est la sienne) visant à empêcher la destruction du groupe Wagner. Pas un Spartacus, donc, mais un demi-Martin Luther King. Pour Augusto Minzolini du journal italien «Il Giornale», «si la situation n’était pas dramatique, on pourrait en rire».

Sauf qu’au-delà des développements inattendus, et qui restent tous à clarifier, nous avons compris il y a trois jours, que nous jouions avec le feu. Le système russe est pourri de fond en comble. L’État soviétique, à l’époque de son déclin, était probablement plus fiable que celui mis en place par le nouveau tsar. Mais aujourd’hui, comme alors, la Russie possède des milliers d’ogives atomiques, de sorte que l’effondrement de ce pays, dépourvu de toute autorité, pourrait s’avérer extrêmement dangereux.

Justement, la « marche » de Prigozhin pour la justice a matérialisé le risque d’une Russie sans Poutine avec toutes les interrogations qui en découlent. Et au-delà du fait que l’homme du Kremlin est désormais considéré comme un Mal dans l’imaginaire occidental, l’idée a surgi que la Russie post-Poutine pourrait s’avérer être une inconnue mortelle, un saut dans l’inconnu. A Washington, le problème est bien présent à l’esprit depuis le début du conflit. Dans certaines capitales européennes, il en va de même. A Kiev, en revanche, non, ils n’en auraient pas conscience. Après tout, vous n’avez pas besoin d’être un génie pour prédire ce qui se passerait si Prigozhin s’asseyait sur le trône du tsar. Ou si l’un des nombreux faucons qui planaient au-dessus de la capitale prenait la place de Poutine. Pour gagner en autorité et en prestige, de tels personnages, sans histoire, devraient apparaître encore plus nationalistes que l’actuel tsar. Ce dernier (en comparaison) apparaîtrait alors comme une colombe.

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Plus inquiétant encore serait la perspective d’une guerre civile sur le sol russe. Nous n’aurions plus d’interlocuteur, personne n’aurait les clés de l’arsenal nucléaire, nombreux sont qui auraient accès à des parties du système militaire. Il n’y aurait plus de hiérarchie. Il n’y aurait plus de contrôle non plus. En pleine anarchie, l’imprévisible pouvait se produire.

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Tout cela pour dire que samedi dernier nous avons eu le sentiment que, sans nous en rendre compte, nous pouvions passer tomber de la poêle dans le feu. Il faudra en tenir compte, non pas pour sauver Poutine, mais pour être conscient que les conséquences du conflit russo-ukrainien sont plus complexes qu’il n’y paraît.

A lire : La contre-offensive affaiblit Poutine. Et les «faucons» volent autour du Kremlin (13 septembre 2022)

L’Occident doit donc agir avec prudence et veiller à ne pas déclencher par inadvertance un détonateur. L’Ukraine doit connaitre une paix juste, cela ne fait aucun doute, mais en même temps, il est essentiel de ne pas trop mortifier le Kremlin, car avant de faire exploser l’équilibre russe actuel, nous devons savoir ce qui nous attend. Un excès de prudence ? Peut-être. Un test de sagesse ? Certainement.

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