(Rome, Beyrouth, 08.04.2023). Le point d’observation du conflit qui risque d’exploser au Liban est celui de la partie israélienne, ou de la partie palestinienne. Mais il y a aussi, bien sûr, le point de vue libanais, avec un peuple en proie à une crise socio-économique qui selon la Banque Mondiale n’a pas d’égal dans le monde depuis 1850
En regardant depuis Beyrouth ce qui se passe dans le sud du Liban, la liste des considérations qui en découlent apparaît nécessairement, selon le quotidien italien «Formiche», comme suit :
Premier volet : ces dernières heures, l’Iran et l’Arabie saoudite ont signé un nouvel accord qui, dans le prolongement du précédent, annonce la reprise immédiate des relations diplomatiques entre les deux ennemis jurés « pour donner à la région un avenir prospère et pacifique » dont la première conséquence serait une trêve imminente au Yémen. Les intérêts saoudiens et iraniens au Liban ont également une conséquence évidente pour Beyrouth.
Deuxième volet : selon un journal du Golfe, les autorités iraniennes auraient découvert et démantelé une cellule secrète au sein des Pasdaran, la milice et bras armé du régime iranien dans la région, déterminée à saboter l’accord. Les tentacules libanais du pasdaran seraient-ils impliqués ? En corollaire à cette question, une actualité antérieure et connexe doit être signalée ; Les nombreuses attaques israéliennes contre les passages par la Syrie d’armes iraniennes destinées au Hezbollah.
Troisième volet : des salves de roquettes sont tirées sur Israël depuis le sud du Liban, contrôlé de façon millimétrique depuis des décennies par les miliciens du Hezbollah, le bras opérationnel local des Pasdaran. Cependant, la responsabilité n’incomberait pas (directement) au Hezbollah, mais à l’autre outil de milice utilisé par les Pasdaran, le Hamas. Le Hezbollah a-t-il perdu le contrôle du Sud-Liban ou l’a-t-il lâché, ou aussi, en est-il resté là ?
Quatrième volet : immédiatement après les événements susmentionnés, le chef du Hamas, Ismaïl Hanyeh, est arrivé à Beyrouth et a rencontré le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Qu’étaient-ils censés dire ?
Le point de vue sur le conflit qui menace de dégénérer que l’on adopte habituellement est celui de Jérusalem, tant du côté israélien que celui palestinien. Mais il y a évidemment le point de vue libanais, celui que nous essayons de présenter ici; Accablés par une crise socio-économique qui, selon la Banque mondiale, n’a pas d’égal dans le monde depuis 1850, à quoi voudront faire face les Libanais aujourd’hui, sans électricité 22 heures sur 24, avec une monnaie qui n’a plus aucune valeur, ayant plongé en trois ans d’un taux de change de 1.500 livres à 110.000 livres pour un dollar.
Il ne peut y avoir que cinq résultats à prendre en compte, souligne Riccardo Cristiano dans le même média italien : l’Iran ne contrôle plus ses créatures miliciennes ; les créatures iraniennes ne contrôlent plus le territoire ; l’instinct l’a emporté sur les ordres ; la cellule déviante des Pasdaran disposait de quelques terminaux dans le sud du Liban.
La cinquième hypothèse est la plus intéressante. L’Iran a délibérément agi par l’intermédiaire du Hamas, autrement dit, a envoyé un avertissement qui ne sonnait pas comme une menace explicite et donc susceptible d’escalade, mais plutôt un avertissement formellement indirect, c’est-à-dire ne passant pas (cette fois-ci) par le canal habituel, le Hezbollah.
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Et sur quoi porterait cet avertissement habituellement mandaté à des tiers, à savoir aux «libanais» ? Nul ne peut le dire, mais il semble probable qu’il s’agisse de frictions militaires en Syrie. Cela, en tout cas, intéresse certainement les mollahs aujourd’hui. En effet, il est évident que tant à Téhéran qu’à Riyad il existe des forces hostiles à l’accord, mais peuvent-elles vraiment opérer militairement ? La vieille règle selon laquelle rien ne peut se produire dans le sud du Liban sans l’approbation iranienne, semble toujours valable. Ce territoire resterait donc à la merci de Téhéran, qu’il s’agisse d’une action ou d’un avertissement ; C’est tout ce qu’il est censé être ces heures-ci.
Cependant, toutes ces hypothèses confirment pour un Libanais normal la folie d’avoir un énorme appareil militaire sur son territoire qui, cependant, répond à des ordres venant d’autres pays et pour leurs propres intérêts.
Du point de vue de la politique intérieure libanaise, où la recherche d’un nouveau président de la République se poursuit en vain depuis des mois, la conséquence semble évidente : un parti comme le Hezbollah, qui dépend de calculs politiques étrangers comme ceux de l’Iran, peut-il se voir confier le choix d’un nouveau président ?
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C’est ce que de très nombreux Libanais demandent à la diplomatie française en ces heures, qui semble ou a semblé vouloir privilégier une telle démarche.
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La question libanaise ne peut être envisagée sans tenir compte également de leur point de vue, ce qui est le cas le plus souvent, mais probablement, pas cette fois-ci.