(Montréal, Rome, Paris, 15 janvier 2022). Ce 15 janvier 2022, les Libanais se souviennent des événements du 15 janvier 1986, quand une poignée de « grains de sable » ont enrayé la machine à broyer syrienne et mis en échec l’accord tripartite préparé en partie par Michel Aoun pour offrir le Liban sur un plateau en or à la Syrie.
Signé le 28 décembre 1985, l’accord tripartite devait mettre un terme au Liban souverain qu’incarnait alors le réduit chrétien. Il avait été obtenu au forceps par l’occupation syrienne, en s’appuyant sur ses agents libanais – trop nombreux comme c’est toujours le cas aujourd’hui – et dont le volet militaire avait été rédigé par le général Michel Aoun, alors commandant en chef de l’armée libanaise.
En signant cette reddition, Elie Hobeïka avait signé aussi sa mort politique. Car la capitulation n’était en rien envisagée par les siens. Il fut alors renversé et chassé du réduit libre par une poignée d’irréductibles conduits par Samir Geagea, avec la couverture politique de l’ancien président Camille Chamoun et du Patriarcat maronite, le fondateur du Liban moderne et qui en est un jaloux gardien.
Ainsi, Samir Geagea fut ce grain de sable qui a enraillé la machine à broyer syrienne. Il avait réussi à faire du réduit chrétien le noyau du Liban souverain et une Suisse miniaturisée. Les Forces Libanaises ainsi réorganisées avaient développé la Sécurité sociale à travers le Fonds de Solidarité Sociale (FSS), un organisme scindé en deux : l’un pour prendre en charge la santé de la population et ses médicaments, l’autre pour développer l’aide sociale et solidaire (colis alimentaires, coopératives agricoles et commerciales, transport en commun, parrainages d’élèves…). Mais le régime syrien ne s’est pas avoué vaincu et, pour détruire ce petit paradis qu’était devenu le réduit libre, Hafez Al-Assad avait promis à Michel Aoun de le faire élire à la présidence s’il parvenait à éliminer les Forces libanaises, dernier obstacle contre l’annexion du pays. Ce fut alors le « premier round » du 14 février 1989 entre l’armée aouniste et les Forces Libanaises, suivi de la « folle guerre de Libération » (12 mars 1989) puis par le suicide collectif de la « Guerre d’élimination » des Forces Libanaises (31 janvier 1990).
La trahison de Michel Aoun et sa fuite en France ont permi à la Syrie d’occuper tout le Liban et d’y installer un pouvoir fantoche supervisé par le proconsul de Damas. Il a persécuté Samir Geagea et les Forces Libanaises dont plusieurs membres sont morts sous la torture. Après plus de onze années passées dans une cellule exigüe au ministère de la Défense, Samir Geagea a retrouvé la liberté en 2005, après la défaite de l’occupation, et les procès qui le visaient se sont révélés être tous des procès politiques. Les Libanais savent désormais que celui qui a créé et exploité Daech pour sa propre survie s’était entraîné au Liban durant l’occupation pour fomenter les attentats et les attribuer aux uns et aux autres en fonction de ses intérêts du moment. Ce fut le cas dans l’assassinat de Tony Frangié, des massacres de Sabra et Chatila, des massacres du Chouf, de l’assassinat de Rachid Karamé, du Mufti Hassan Khaled, de l’attentat contre l’église Église Notre-Dame de la Délivrance… pour en arriver à l’attentat manqué contre Marwane Hamadé et l’assassinat de Rafic Hariri et de tous les autres souverainistes.
Toutes ces épreuves ont démontré que le 15 janvier 1986 était une nécessité absolue, et les événements qui en ont découlé ont transformé la poignée de grains de sable en un rocher solide sur lequel sera bâti le Liban souverain. Car les souverainistes de toutes les confessions du pays voient désormais en lui le dernier rempart contre l’occupation iranienne qui a remplacé l’occupation syrienne, toujours grâce au Président Michel Aoun, l’allié du Hezbollah.
Chaque Nation a une date symbolique qui commémore soit sa fondation, soit sa transformation, soit son indépendance. La souveraineté libanaise doit avoir le 15 janvier comme date symbolique. Et ce n’est pas pour rien que la campagne électorale pour les législatives du printemps prochain ait été officiellement lancée le 15 janvier, précédée par l’appel à la « mobilisation (politique) générale » lancé par Samir Geagea à tous les souverainistes pour mettre un terme à l’occupation iranienne et à ses outils locaux et les expulser hors du Parlement.
Sans aucun doute, les déboires du Hezbollah en Syrie, et plus récemment au Yémen, où les mercenaires terroristes envoyés par Hassan Nasrallah pour seconder les Houthis tombent par dizaines et où ils sont en déroute sur tous les fronts (Marib, Shebwa, Saada, Hodeida…), vont obliger le chef enturbanné à « baisser la voix et le doigt ». Il tente d’ores et déjà de faire un profil bas pour laisser passer la tempête qui gronde au sein de sa propre communauté. Ce 15 janvier, il a annoncé la levée du boycott du conseil des ministres. Sans nul doute, ce revirement de Nasrallah est lié aux difficultés de l’axe iranien que ce soit en Irak, en Syrie, au Yémen ou à Vienne. Un revirement tactique qui cacherait d’autres entourloupes en préparation. Mais quoi qu’il fasse, l’esprit du 15 janvier 1986 reste intact et le Liban millénaire a toujours réussi à se relever, toujours grâce à une poignée de grains de sable.
Par Sanaa T.
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