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Liban: l’ambassadrice Nicoletta Bombardiere, il est important de continuer à investir des ressources pour endiguer la crise

(Rome, Paris, 13 janvier 2022). Pour surmonter la crise libanaise «il est important de continuer à investir des ressources, de penser à la stabilisation et d’envisager l’évolution du modèle politique à un stade ultérieur, sans oublier que les décisions dans le pays sont consensuelles», a ainsi déclaré l’ambassadrice d’Italie au Liban, Nicoletta Bombardiere. Sa déclaration est intervenue lors d’une audition informelle, par visioconférence, dans le cadre de la discussion des résolutions sur la crise au Liban, devant la Commission des affaires étrangères et européennes de la Chambre des députés, présidée par le président Piero Fassino, comme le rapporte l’agence italienne «Nova». Afin de surmonter la crise, « nous pouvons en sortir immédiatement en prenant des mesures d’atténuation, en rétablissant la solvabilité des banques et avec un plan de soutien du FMI, pour aller vers des réformes. Nous pouvons aussi sortir de la crise en garantissant des élections et le renouvellement des institutions », a expliqué la diplomate. Dans son discours, l’ambassadrice a appelé à « séparer autant que possible la dynamique des influences régionales du pays » et « à ne pas expliquer la crise uniquement par le prisme des alliances régionales, car la crise libanaise dépend de facteurs endogènes et structurels, liés à un modèle économique et de gouvernance issu de la guerre civile qui n’a pas produit de modernisation, mais plutôt de corruption ». Par ailleurs, Madame Bombardiere a appelé à « un plus grand rôle européen pour aider à s’engager sur la voie des réformes. Non seulement en tant que donateur majeur, mais aussi en tant qu’acteur politique, en vue de la stabilité de la Méditerranée ».

Lors de l’audition informelle devant la commission des affaires étrangères et communautaires de la Chambre des députés, l’ambassadrice d’Italie à Beyrouth a rappelé à quel point le Liban est un petit pays, mais stratégiquement important pour la stabilité en Méditerranée. Bombardiere a passé en revue la situation macro-économique du pays des cèdres, caractérisée par des « données en forte détérioration ». « La livre a dévalué de 95 pour cent l’année dernière, l’inflation atteint 170 pour cent, le PIB est passé de 50 à 25 milliards de dollars, le chômage est de 40 pour cent », a-t-elle ajouté. Quant à la crise énergétique « elle s’aggrave » et, face à un besoin de 3.600 mégawatts, le réseau électrique national n’en fournit que 400, soit environ 2 heures de fourniture par jour, a rappelé l’ambassadrice, soulignant à quel point le reste de l’électricité est produit par des générateurs diesel. La situation économique est caractérisée par une « forte perte de pouvoir d’achat, un taux de pauvreté de l’ordre de 70 pour cent, alors que le taux de pauvreté extrême s’élève à 30 pour cent ».

La « dégradation du cadre macro-économique a généré une crise humanitaire », avec un appauvrissement progressif des classes moyennes et l’aggravation de la condition des classes pauvres, d’où découle un problème migratoire, a expliqué Bombardiere. Selon un récent sondage, entre 60 et 70 pour cent des Libanais souhaitent quitter le pays, a rappelé Madame Bombardiere, mettant en garde « contre le lancement éventuel de routes migratoires ». Après avoir dressé un tableau du contexte macro-économique et social du Liban, Bombardiere s’est concentrée sur le tableau politique. En 2021, le Liban n’a connu qu’un mois avec un gouvernement en plein essor, à savoir septembre-octobre, le début du gouvernement de Najib Miqati. Depuis la mi-octobre, le chef du gouvernement n’a plus pu convoquer le Conseil des ministres, après que les partis chiites membres du gouvernement, à savoir Amal et le Hezbollah, « aient décidé de ne pas participer aux réunions jusqu’à ce que des décisions différentes soient prises sur la conduite de l’enquête dirigée par le juge Tarek Bitar sur l’explosion du port », qui a eu lieu le 4 août 2020.

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Le gouvernement Miqati, a expliqué Madame Bombardiere, « est né avec quatre priorités importantes : la stabilisation macro-économique, le lancement de programmes d’aide sociale, la résolution de la crise énergétique, la préparation des élections ». « Face à cet agenda exigeant, le gouvernement ne s’est pas réuni depuis la mi-octobre après que le sujet de l’enquête sur l’explosion dans le port est entré dans la dynamique du gouvernement », a-t-elle ajouté. En ce moment, a-t-elle dit, « il y a des négociations en cours pour pouvoir réactiver le Conseil des ministres ». L’exécutif « poursuit avec beaucoup de difficultés les discussions techniques pour obtenir un prêt du Fonds monétaire international », dont le décaissement est lié à l’identification de pertes dans le secteur bancaire. En outre, il est également nécessaire de revoir le modèle bancaire et financier et d’unifier le taux de change. Il existe aujourd’hui une multiplicité de taux de change. Le marché parallèle a besoin d’environ 33.000 livres libanaises contre un taux fixé de 1.507 livres pour un dollar.

Un autre aspect sur lequel l’ambassadrice a mis l’accent dans son discours, concerne les programmes d’aide sociale. La « question de la protection sociale est fondamentale pour redonner du pouvoir d’achat aux familles », a-t-elle déclaré. Le thème de la crise énergétique a également joué un rôle important dans le rapprochement du contexte régional. Le gouvernement libanais, a expliqué Madame Bombardiere, « travaille sur un accord énergétique, qui conduirait à la réactivation du gazoduc arabe », qui acheminerait du gaz depuis l’Egypte via la Jordanie et la Syrie pour alimenter la centrale électrique de Deir Ammar dans le nord du Liban. « Il existe maintenant les conditions économiques et politiques pour réactiver » les infrastructures, a-t-elle précisé, rappelant le financement de la Banque mondiale et la décision des Etats-Unis d’accorder des dérogations au titre du « Caesar Act » aux entreprises syriennes. «Cela pourrait changer la donne au niveau régional. Ainsi, dans quelques mois, la situation énergétique pourrait s’améliorer », a-t-elle admis.

Enfin, en ce qui concerne le contexte politique, 2022 est une année d’échéances électorales. Des élections législatives sont prévues le 15 mai, suivies d’élections municipales et présidentielles. « Il existe un engagement de tous les partis à poursuivre le processus », a-t-elle déclaré, soulignant à quel point les élections sont « un thème politique dominant dans le débat de ces semaines ». C’est une « possibilité d’amorcer un changement, une chance pour de nouveaux groupes d’opposition de s’exprimer et d’aspirer à la conquête de sièges politiquement significatifs au parlement », a-t-elle conclu. Enfin, l’Italie reste à l’avant-garde de la stabilité du Liban dans le cadre de son engagement dans les missions de la «FINUL» et de la «Mibil» (Missione Militare Bilaterale Italiana in Libano, ndr / Mission militaire bilatérale italienne au Liban, ndlr). L’Italie, a-t-elle rappelé, est «un acteur fort dans le cadre de la coopération au développement et nous avons réagi de manière opportune et qualifiée après l’explosion dans le port de Beyrouth. La mobilisation de 24 millions d’euros de ressources est attendue pour 2022».

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