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France-Liban: la réponse cinglante en direct de l’Ambassadrice Anne Grillo au Premier ministre Hassan Diab

(Rome, 07 juillet 2021). Lors d’une rencontre au siège du gouvernement en présence de nombreux ambassadeurs, le Premier ministre sortant, Hassan Diab, a appelé mardi la communauté internationale à « sauver le Liban avant qu’il ne soit trop tard » et à ne plus lier le versement d’aides financières à la formation d’un nouveau cabinet, attendu depuis août 2020.

Dans son discours, M. Diab a estimé que «conditionner des aides internationales à la mise sur pied d’une nouvelle équipe et à la mise en œuvre de réformes est devenu une menace pour la vie des Libanais et même l’entité libanaise» et que ce blocus international imposé «n’affecte pas les corrompus». Il a par ailleurs qualifié «d’effrayante» la situation dans le pays, estimant que la crise «pousse le Liban vers une catastrophe majeure». «Pendant que nous sommes rassemblés, des files de voitures s’allongent dans les rues, devant les stations-service, les citoyens cherchent un médicament ou du lait infantile dans les pharmacies et vivent sans électricité, tandis que les coupures quasi-permanentes menacent la vie des patients dans les hôpitaux». Le premier ministre a mis en garde contre les répercussions d’un effondrement du Liban «qui résonneront au-delà des frontières (!). Personne ne pourra se soustraire au danger» d’un tel effondrement, a-t-il ajouté.

Ses propos lui ont valu une réponse cinglante de la part de l’Ambassadrice de France, Madame Anne Grillo. Commentant l’expression « blocus international » prononcé par Diab, Anne Grillo, a répondu de manière appropriée et juste au Premier ministre démissionnaire, lui rappelant que l’appauvrissement du pays était une responsabilité qui lui incombait ainsi qu’aux dirigeants, et que l’effondrement était « le résultat délibéré d’une mauvaise gestion depuis des années ».

« La situation au Liban est gravissime », a dit l’ambassadrice. « Vous avez employé le terme effrayant. Oui elle est effrayante. Mais ce qui est effrayant, M. le Premier ministre, c’est l’appauvrissement brutal de ce qui était une référence dans cette région. Cet effondrement est le résultat délibéré d’une mauvaise gestion, de l’inaction, et cela depuis des années », a-t-elle dit. « Il n’est pas le résultat d’un siège extérieur. Il est le résultat de vos propres responsabilités, à tous, depuis des années, à l’ensemble de la classe politique. C’est ça la réalité », a martelé Anne Grillo, refusant que la communauté internationale, bailleur de fonds du Liban depuis des années, soit mise sur le banc des accusés. « Effectivement, la France, comme d’autres partenaires, appelle, comme vous, à la formation d’un gouvernement, parce que lorsqu’il faut prendre des mesures d’urgence il faut des interlocuteurs. Et pour aider le Liban, des mesures doivent être prises », a ajouté l’ambassadrice. « Cette réunion, je la trouve à la fois triste et décalée, car la France, comme d’autres partenaires, n’a pas attendu cet appel pour aider le Liban ». Et l’Ambassadrice d’ajouter que la France, très présente après la double explosion au port de Beyrouth, avait lancé le 1er septembre dernier une feuille de route de réformes pour sortir le Liban de l’ornière, passant notamment par la mise en place d’un gouvernement d’experts indépendants des partis politiques, une initiative restée pour l’heure lettre morte. La France a également organisé des conférences d’aide humanitaire pour le Liban et de soutien à son armée.

 

De son côté, le premier ministre démissionnaire s’est adressé à ceux qui « lancent des slogans électoraux » pour la protection de « 14% des fonds des déposants » alors qu’ils ont eux-mêmes « dépensé ou participé au gaspillage des autres 86% de ces fonds auprès de la Banque du Liban ». Il a indirectement lancé ses critiques en direction du parti souverainiste des « Forces libanaises ». En effet, le leader des « FL » avait vivement réagi via un communiqué, critiquant la politique suivie par Diab, à qui il a reproché en substance de se plaindre d’une situation alors qu’il ne prend aucune initiative pour en atténuer les effets sur les Libanais. « N’auriez-vous pas mieux fait d’aider vous-même votre peuple avant de solliciter l’aide des pays amis ? Qu’est-ce qui a empêché votre gouvernement de se réunir pour prendre des décisions tactiques ponctuelles afin d’atténuer les souffrances des Libanais en attendant la formation d’un nouveau gouvernement », s’est interrogé le principal pilier des souverainistes libanais Samir Geagea, avant de stigmatiser « la dilapidation de plusieurs milliards de dollars, puisés dans les dépôts des Libanais, depuis la naissance du cabinet Diab, pour une politique anarchique de subventions dont 20% tout au mieux ont profité aux Libanais ».

Le Premier ministre a ajouté que les libanais ont été patients dans l’attente de la formation d’un nouveau gouvernement, mais ils commencent à perdre patience à cause « des crises et des souffrances croissantes », en mettant en garde contre une « explosion sociale » qui pourrait manifester dans « quelques jours ». Il a par ailleurs exhorté « l’ONU et la communauté internationale à empêcher l’anéantissement du Liban ».

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