(Rome 29 décembre 2020). Le Premier ministre libanais démissionnaire, Hassan Diab, a affirmé que 2.750 tonnes de nitrate d’ammonium étaient stockées depuis des années. Citant un rapport du FBI selon lequel 500 tonnes ont explosé le 4 août, il s’est interrogé sur «la destination des 2.200 autres tonnes».
«L’explosion meurtrière du 4 août au port de Beyrouth a été provoquée par 500 tonnes de nitrate d’ammonium», a indiqué mardi 29 décembre le Premier ministre libanais démissionnaire Hassan Diab, citant les résultats d’une enquête de la police fédérale américaine (FBI). Le jour du drame, qui a fait plus de 200 morts et 6.500 blessés, Hassan Diab avait affirmé que «2.750 tonnes de nitrate d’ammonium étaient stockées depuis des années sans mesures de précaution dans un entrepôt du port», imputant l’explosion à la présence de cette cargaison.
Refus d’une enquête internationale
S’appuyant sur l’étendue des dégâts, plusieurs experts avaient toutefois estimé que la quantité de ce produit à haut risque ayant explosé était moins importante, évaluée entre 500 et 600 tonnes. Ce que révèle en outre le rapport du FBI, autorisé à participer à l’enquête préliminaire au même titre que les français, à défaut d’autoriser une enquête internationale. Selon les agents américains, la quantité qui a explosé est estimée à 500 tonnes seulement. Hassan Diab, poursuivi par le juge d’instruction Fadi Sawan, s’est appuyé sur le rapport américain pour se disculper. Lors d’une rencontre avec des journalistes, il s’est interrogé: «Mais où sont passées les autres 2.200 tonnes ?».
L’enquête piétine près de cinq mois après l’explosion qui a traumatisé le pays et dévasté des quartiers entiers de la capitale. L’opinion publique, en colère, attend toujours de savoir comment un tel drame a pu avoir lieu et réclame aux responsables de rendre des comptes. De nombreux dirigeants, dont le président Michel Aoun et le Premier ministre Hassan Diab, avaient été officiellement avertis du danger que représentait la présence du nitrate d’ammonium au port. Le chef du gouvernement avait présenté sa démission quelques jours après le drame, tout en se dédouanant de toute responsabilité. Rappelons que le Président Michel Aoun avait catégoriquement refusé une enquête internationale, comme l’a réclamé avec insistance le chef du parti des Forces libanaises, le souverainiste Samir Geagea.
Dans une analyse du 12 décembre dernier, MenaNews avait mis l’accent sur la nécessité d’élargir l’enquête pour identifier les propriétaires des 2.750 tonnes de nitrate d’ammonium, mais aussi les bénéficiaires de ce trafic géré par le Hezbollah et les Gardiens de la Révolution iranienne au profit du régime de Bachar Al-Assad. Depuis 2013, le régime syrien a en effet commencé à utiliser des barils explosifs contre les civils, une arme redoutable et peu chère. L’armée d’Assad bourrait ainsi des conteneurs métalliques en nitrate d’ammonium et les larguait sur les quartiers résidentiels pour terroriser la population. C’est l’Iran, via le Hezbollah, qui fournissait le nitrate d’ammonium à Damas à travers le port et l’aéroport de Beyrouth sous contrôle du Hezbollah. Sur le stock initial de 2.750 tonnes de ce produit hautement instable, il ne restaient que 600 ou 700 tonnes dans le hangar N° 12 et qui ont explosé le 4 août dernier. L’enquête du FBI vient ainsi confirmer nos analyses sans pour autant répondre à nos interrogations quant aux destinataires des 2.000 autres tonnes. Pour ce faire, il est indispensable d’internationaliser l’enquête, ce que refuse le président Michel Aoun pour empêcher la vérité d’éclater et pour couvrir le Hezbollah. Car tout élargissement des investigations impliquerait directement le parti de Dieu et les dirigeants en exercice depuis 2013.
En lançant cette «bombe à fragmentation politique», Hassan Diab cherche-t-il à sauver sa tête en pointant le doigt accusateur vers le Hezbollah et le régime syrien, les véritables coupables ? Il est légitime de s’inquiéter pour sa sécurité et de s’interroger si les coupables le laissent aller jusqu’au bout de sa manœuvre ?
(Paolo S.)