(Rome, 25 novembre 2025). Alors que les négociations d’Abou Dhabi entre Kiev et Moscou entrent dans une phase décisive, deux hommes jusqu’ici restés dans l’ombre jouent un rôle clé : Kyrylo Budanov, le chef du renseignement ukrainien, et Dan Driscoll, la nouvelle voix forte de l’U.S. Army. Leur influence discrète mais déterminante redessine les équilibres du dialogue entre Washington, Kiev et Moscou. Leur tandem inattendu façonne désormais la diplomatie de la guerre
Kyrylo Budanov et Dan Driscoll : ce sont les éminences grises qui tirent les ficelles des pourparlers d’Abou Dhabi, une nouvelle étape du processus de négociation visant à instaurer la paix en Ukraine, écrit le quotidien italien «Il Giornale». En Europe, le premier est sans doute le plus connu des deux : Budanov «le Tueur de Russes», surnom que le Kremlin lui a donné avec virulence, l’accusant de terrorisme.
Kyrylo Budanov
Son service, le GUR, le service de renseignement militaire ukrainien, est considéré comme l’un des responsables d’assassinats de personnalités importantes en Russie, tels que celui de Darya Douguine, fille de l’idéologue russe Alexandre Douguine, qui aurait été la véritable cible de l’attaque, ou celui du blogueur pro-russe Vladlen Tatarsky.
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A ces opérations s’ajoutent (et c’est peut-être le plus important) une longue liste d’actes de sabotage et d’attaques visant des usines, des installations industrielles et militaires, ainsi que des infrastructures civiles russes, au prix de lourdes pertes pour le Kremlin. Parmi les «gifles» infligées à Moscou figurent les attaques contre le pont de Kertch, qui relie la Crimée à la Russie et considéré comme la «fierté du Tsar», ou encore le spectaculaire naufrage du Moskva, navire amiral de la flotte de la mer Noire, touché par des drones Maguro de fabrication ukrainienne.
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Budanov est également l’une des principales cibles des services de renseignement russes : il a échappé à plusieurs tentatives d’assassinat. En juillet dernier, un plan d’embuscade par missile de précision a été élaboré pour l’éliminer. Son épouse, Marianna, a, elle aussi, été prise pour cible et victime d’un mystérieux empoisonnement aux métaux lourds, dont elle a survécu.
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Dan Driscoll
Dan Driscoll, bien qu’il n’ait pas encore quarante ans, a été nommé en février par Donald Trump, secrétaire de l’US Army. Il est le plus haut responsable civil de l’Armée américaine : en substance, le directeur général de près d’un million de soldats actifs, de la Garde nationale, de la réserve et de plus de 265.000 employés civils de l’Armée.
Son parcours militaire n’est pas comparable à celui de Budanov, malgré son engagement au sein de l’Armée américaine en Irak en 2009, lors de la seconde guerre du Golfe. C’est durant cette période, alors qu’il était encore en service, qu’il a été admis à Yale, où il a rencontré l’homme qui allait marquer sa carrière : l’actuel vice-président des États-Unis, J.D. Vance, ancien Marine qui dirigeait alors l’association des anciens combattants de l’université, vivier de la future classe dirigeante américaine.
Le lien entre les deux hommes demeure solide : selon les médias américains, Driscoll est la pierre angulaire des relations entre le vice-président et Donald Trump. Ce dernier le surnomme «l’homme des drones» car il est à la pointe des efforts de modernisation des technologies de combat de l’armée américaine.
Son ascension, dans le cadre des négociations entre Kiev et Moscou, serait liée au départ de l’envoyé spécial pour l’Ukraine, Keith Kellogg, considéré comme un soutien clé de Kiev au sein du gouvernement américain. Un soutien peut-être excessif, au vu du changement climat entre Washington et Moscou.
Malgré l’intensification des discussions et l’entrée en scène de nouveaux interlocuteurs capables de bousculer les équilibres, le chemin vers un accord reste semé d’embûches.
Selon un observateur italien, un constat s’impose : l’obstacle majeur demeure la posture du Kremlin. En effet, Poutine persiste dans une logique de confrontation prolongée, convaincu que le temps joue en sa faveur et que l’usure stratégique finira par fracturer le camp occidental, l’UE en particulier. Mais à force de s’accrocher à une vision figée, le Tsar russe s’expose au risque de se retrouver isolé et décalé par rapport à une dynamique internationale qui se durcit autour de lui.