(Rome, Paris, 22 juin 2025). Les États-Unis ont durement frappé l’Iran. Donald Trump affirme que, désormais, après le recours à la force, vient le temps de la paix. Mais Téhéran est prêt à réagir. Les bases américaines en Italie pourraient-elles devenir la cible de représailles iraniennes ?
Le président des États-Unis, Donald Trump, a annoncé, dans la nuit de samedi à dimanche, une attaque militaire massive contre trois installations nucléaires en Iran, marquant ainsi l’entrée officielle des États-Unis dans le conflit entre Israël et la République islamique. Ce conflit qui, depuis deux semaines, a marqué le cours des événements au Moyen-Orient et au-delà. L’opération, menée avec des bombardiers stratégiques B-2 Spirit et des missiles Tomahawk lancés depuis des sous-marins, a visé les sites nucléaires de Fordow, Natanz et Ispahan, dans ce que Trump a qualifié de «victoire militaire extraordinaire», affirmant que seuls les États-Unis pouvaient remporter un tel succès et affirmant que «l’heure est venue pour faire la paix». Il s’agit d’une démonstration claire, presque didactique, de la «paix par la force», un mantra souvent répété par le président américain, écrit Emanuele Rossi dans son analyse dans «Formiche.net».
L’attaque
Lors d’un discours prononcé depuis le Cross Hall de la Maison Blanche, Trump a déclaré que l’objectif était «la destruction des capacités d’enrichissement nucléaire de l’Iran» et la neutralisation de la «menace nucléaire du principal État sponsor du terrorisme». Les bombardements, a-t-il déclaré, ont «complètement et totalement anéanti» les installations. Les B-2, décollés de la base de Whiteman, dans le Missouri, ont effectué une mission 37 heures sans escale jusqu’au cœur du territoire iranien. Les forces américaines ont utilisé pour la première fois en opération réelle les bombes GBU-57 de 13 tonnes, dites «anti-bunker», capables de pénétrer des structures souterraines fortifiées.
Les dégâts seraient importants, mais leur ampleur reste à déterminer. Par exemple, à Ispahan, un site particulièrement fortifié, dont une partie est située dans un complexe de tunnels rocheux plus profonds, les missiles Tomahawk lancés depuis des sous-marins américains pourraient avoir échoué à atteindre les cibles les plus sensibles. L’AIEA y signale la présence d’UF6, un matériau clé pour produire de l’uranium enrichi, ainsi que des activités liées à la fabrication de centrifugeuses. Fordow a été frappé par une dizaine de bunker-busters, Natanz par deux, précédées d’une salve de Tomahawk.
Le contexte
Le président Trump a envoyé un message ferme à Téhéran : «L’Iran, tyran du Moyen-Orient, doit maintenant faire la paix. Sinon, les prochaines attaques seront encore plus dévastatrices et beaucoup plus faciles à mener».
L’intervention américaine intervient dans un contexte d’escalade régionale en rapide dégradation. Israël a intensifié ses opérations contre des cibles iraniennes, y compris l’assassinat de hauts commandants des forces armées iraniennes et du Corps des gardiens de la révolution islamique, une unité militaire théocratique.
Durant la nuit, alors que les B-2 furtif survolaient le ciel du Moyen-Orient en direction de l’Iran, plusieurs drones iraniens tentaient de pénétrer les défenses israéliennes en direction opposée. Ces affrontements ont commencé le vendredi 13 juin et portent la situation au bord d’une guerre ouverte. Au moment de la rédaction de cet article, des informations nous parviennent d’Israël faisant état d’une attaque de missiles balistiques en cours.
Risques de représailles
Les autorités iraniennes ont à plusieurs reprises averti qu’une attaque américaine contre leurs installations nucléaires entraînerait une riposte directe contre les bases américaines dans la région. Avec des dizaines d’installations militaires et diplomatiques américaines au Qatar, aux Émirats arabes unis, en Arabie saoudite, à Bahreïn et en Irak, toutes à portée de missiles iraniens à courte portée, le risque de représailles de grande ampleur est bien réel.
Un autre front à risque est le détroit d’Ormuz, passage stratégique essentiel pour le pétrole et le gaz naturel en provenance du golfe Persique. Au moins trois douzaines de cargos pétroliers se trouvent dans la zone et ont fait demi-tour immédiatement après les premiers rapports faisant état de la frappe américaine. Un blocus iranien du détroit bloquerait ces navires, affecterait immédiatement les prix de l’énergie et provoquerait une crise économique mondiale, frappant en priorité les pays vulnérables du Sud global, mais aussi les grands importateurs comme la Chine.
Face à un déséquilibre technologique et militaire démontré d’abord par Israël, puis par les États-Unis, l’Iran pourrait opter pour une riposte asymétrique. Le Corps des Gardiens de la Révolution islamique (CGRI) contrôle plusieurs milices dans la région, liées idéologiquement, mais surtout économiquement et politiquement à Téhéran. Celles-ci pourraient mener des opérations hybrides, voire terroristes. Ce moment sera donc décisif pour déterminer si les soi-disant «mandataires» iraniens sont de véritables prolongements de la République islamique ou s’ils agissent selon leurs propres intérêts, auquel cas, une attaque directe contre les États-Unis ne serait peut-être pas dans leur intérêt.
Pressions internes
La possibilité de représailles pose aussi un défi politique interne à Trump. Sa décision d’attaquer directement l’Iran ne fait pas consensus, même au sein de son propre camp. Certains républicains de la nouvelle génération s’inquiètent d’un engrenage vers une guerre longue et imprévisible.
Ce bombardement, dans le sillage d’une action préventive et non provoquée d’Israël, redéfinit les contours de l’America First et du slogan Make America Great Again, au risque d’entraîner le pays dans une nouvelle «guerre sans fin» au Moyen-Orient, ce que Trump a lui-même dénoncé pendant des années.
Le chef de file démocrate au Sénat, Chuck Schumer, a demandé des explications immédiates : «Le président Trump doit fournir des réponses claires au peuple américain et au Congrès. Aucun président ne peut entraîner le pays dans une guerre par des menaces erratiques et sans stratégie».
Et maintenant ?
La question cruciale est donc de savoir dans quelle mesure et comment l’Iran réagira militairement, et si un nouveau conflit régional aux conséquences mondiales pourrait s’ensuivre. Autre interrogation : s’agit-il d’une attaque isolée ou du début d’une campagne militaire d’envergure ?
Le Président Trump a récemment mené une série d’attaques contre les Houthis, incitant ensuite la milice yéménite (liée à l’Iran) à conclure un accord bilatéral limité. Mais la République islamique est d’un tout autre calibre. Israël espère que l’entrée en scène des Etats-Unis pourra conduire non seulement à la destruction de sites de missiles, mais à un changement de régime en Iran. Trump se laissera-t-il entraîner encore plus loin dans le conflit ?
Ce qui est certain, c’est que la situation actuelle marque une extension de la guerre dans un bassin de projection géopolitique direct de l’Italie. Cette déstabilisation, qui en résultera, aura des répercussions sur la péninsule, voire un engagement plus direct, si les bases américaines sur son sol sont utilisées pour frapper l’Iran. Cela ferait de Rome, et de ses intérêts, des cibles potentielles de représailles iraniennes.