Si la France décide d’exploiter la crise des sous-marins

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(Rome, 27 septembre 2021). Et si Emmanuel Macron avait décidé d’exploiter la crise des sous-marins ? Alors que la France continue de protester vigoureusement contre la décision de l’Australie de déchirer l’accord sur les sous-marins, plusieurs signaux émanent de Paris sur l’évolution de la diplomatie. Car après la protestation (jugée improvisée par de nombreux experts) formalisée par le retrait des ambassadeurs de Canberra et de Washington, l’Elysée a décidé de reprendre le dossier de la défense européenne. Une question que le Président Macron a longtemps considéré comme central et sur laquelle la France a longtemps jeté son dévolu : car au-delà des Alpes ils n’ont jamais caché l’objectif de diriger la défense de l’Union européenne. Peut-être même en donnant de l’oxygène à l’industrie militaire française, comme l’explique Lorenzo Vita dans le quotidien «Inside Over».

L’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis, en signant le pacte d’Aukus, ont certainement donné un coup de pouce à l’idée d’une autonomie stratégique européenne. Et cela, n’est pas pour déplaire à Paris. Ce fait a été soulevé il y a longtemps par le président français lui-même dans une célèbre interview dans laquelle il a défini l’OTAN comme étant « en état de mort cérébrale ». Des propos significatifs ont récemment été ajoutés aux discussions sur le rôle de l’Alliance atlantique lorsque les États-Unis ont décidé unilatéralement du calendrier et de la méthode du retrait d’Afghanistan. Et désormais réitéré par la décision de conclure un accord tripartite avec le Royaume-Uni et l’Australie, non seulement en excluant l’UE des négociations, mais condamnant aussi l’accord entre la France et l’Australie sur des sous-marins d’une valeur de plusieurs dizaines de milliards d’euros.

Ces éléments de « rupture » ne sont que la partie émergée de l’iceberg d’une tension latente entre les deux rives de l’Atlantique que Paris a tenté d’exploiter. Parfois de manière totalement solitaire, d’autres fois avec l’aide de Berlin. Pour la France et l’Allemagne, il a toujours été particulièrement important de façonner la politique industrielle de défense en tenant compte de la logique européenne. Et plus d’autonomie stratégique du continent se traduit, ou tout au plus pourrait se traduire pour la France et l’Allemagne, en soutien justement aux champions industriels de ces deux pays. Des éléments économiques auxquels s’ajoutent des idées de nature stratégique, qui ont toujours fait de Paris le leader des projets européens visant à unir les forces des pays membres, mais résolument sous leadership français. La Task Force Takuba au Sahel et la mission Emasoh dans le détroit d’Ormuz sont en ce sens emblématiques de l’engagement transalpin dans la recherche du leadership de missions européennes convergeant avec leurs propres intérêts mais détachées des objectifs américains et du Pacte atlantique.

C’est pourquoi, ajoute Lorenzo Vita, que le gouvernement français, évidemment sans négliger les dégâts économiques, peut désormais tenter de capitaliser cette gifle dans un tournant plus décisif de l’Europe vers la défense commune. Et elle peut aussi le faire en jouant le rôle de victime des Etats-Unis accusés depuis quelque temps de s’être détachés de la solidarité avec le Vieux Continent. La ministre française de la Défense, Florence Parly, a déclaré au quotidien Le Monde qu’elle ne considérait plus Washington comme un partenaire « fiable », rappelant toutefois qu’elle n’était pas surprise de cette attitude américaine. « Nous signalons déjà depuis plusieurs années cette tendance de fond du partenaire américain », a déclaré Madame Parly. Et cette prise de conscience française ne peut manquer de se lire en parallèle des relances incessantes sur la défense commune, sur l’autonomie stratégique et surtout avec l’avènement de la présidence française de l’UE. Madame Parly, dans son entretien au journal transalpin, a été claire : « C’est un travail que nous voulons mener à bien et qui va contribuer à la construction d’une défense européenne. L’Europe a une opportunité unique de s’imposer comme une puissance stratégique. Ce sera l’objectif de son tout premier Livre blanc, la « boussole stratégique » (futur document stratégique de l’Union européenne à l’horizon 2030, ndlr), qui sera adopté sous la présidence française de l’UE en 2022. Le choix est le nôtre : soit l’Europe fait face à des problèmes, soit elle est annulée ». Mais c’est un choix qui semble très peu pro-européen et beaucoup plus orienté sur les intérêts de Paris : comme d’ailleurs dans la plupart des choix stratégiques de tous les États membres de l’UE.