Après des mois de polémique, la Turquie est passée à l’acte, rapporte notre correspondante à Istanbul, Anne Andlauer. C’est par un décret publié au milieu de la nuit que Recep Tayyip Erdogan annonce retirer son pays de la « Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique », plus connu sous le nom de convention d’Istanbul. Cette Convention, l’actuel président turc – à l’époque Premier ministre – en avait été le premier signataire en mai 2011. Elle oblige les gouvernements à adopter une législation réprimant les violences domestiques et les abus similaires, y compris le viol conjugal et la mutilation génitale féminine. Juridiquement, la méthode est contestable. Un texte adopté par le Parlement turc ne peut pas, en principe, être annulé par le président. Mais l’enjeu, pour Tayyip Erdogan, est purement politique. L’an dernier, sous la pression de groupes religieux prêts à monnayer leur soutien pour le scrutin de 2023, des cadres du parti au pouvoir, l’AKP, avaient accusé le traité de nuire à la « structure de la famille turque ». Ils prétendaient que la convention, en bannissant les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, encourageait en fait l’homosexualité. Ses références à l’égalité étaient, selon eux, utilisées par la communauté LGBT pour être mieux acceptée dans la société. Ils soutenaient aussi que ce texte était l’une des causes de la hausse du nombre de divorces. La Turquie avait débattu d’un éventuel retrait de cette Convention après qu’un responsable du parti au pouvoir du président Recep Tayyip Erdogan eut soulevé la question de l’abandon du traité l’année dernière. Depuis lors, des femmes sont descendues dans les rues d’Istanbul et d’autres villes, appelant le gouvernement à s’en tenir à la Convention. Le décret suscite donc la colère des associations féministes. Le principal parti d’opposition CHP a critiqué cette décision. Gokce Gokcen, vice-présidente du CHP, chargée des droits humains, a tweeté que l’abandon de cette Convention signifiait « laisser les femmes être tuées ». « Malgré vous et votre malfaisance, nous allons rester en vie et faire ressusciter la Convention », a-t-elle écrit sur Twitter. (Médias)
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