Liban: dans une interview, le leader Samir Geagea appelle à la «formation d’un front d’opposition et bute sur de grands obstacles»

1
591

(Paris, Rome, le 28 janvier 2021). Dans une interview au quotidien libanais L’Orient-Le Jour, le souverainiste Samir Geagea réitère son appel à la tenue de législatives anticipées avant de penser à la présidentielle.

Des législatives anticipées et une unification des acteurs politiques hostiles au pouvoir en place dans le cadre d’un front d’opposition. Pour les Forces libanaises, ce sont les seules solutions pour sortir le pays des crises politique et économique qui le secouent depuis plus d’un an. De plus en plus convaincu de son rôle d’opposant, le chef des FL, Samir Geagea, exerce de fortes pressions politiques pour la tenue d’élections anticipées et la mise en place d’un front d’opposition capable de faire face à « la majorité au pouvoir », notamment le Hezbollah et le tandem Baabda-Courant patriotique libre. Sauf que cette démarche de M. Geagea semble buter sur des obstacles majeurs liés d’abord aux divergences de points de vue entre les FL et leurs anciens alliés, tels que le courant du Futur et le Parti socialiste progressiste, mais aussi à ce que le leader de Meerab perçoit comme « une position personnelle » de la part du chef des Kataëb, Samy Gemayel, qui empêcherait la collaboration entre les deux partis. Comment les FL comptent-elles poursuivre cette bataille ? Samir Geagea répond aux questions de L’Orient-Le Jour.

Où en sont vos contacts pour la formation d’un front d’opposition unifié ?

L’idée est née à partir du constat suivant : les protagonistes hostiles au pouvoir sont nombreux, et la situation du pays et des gens se dégrade chaque jour un peu plus. Nous avons donc discuté, au sein du parti et à plusieurs reprises, de l’idée de former un front unifié doté d’une marge (de manœuvre) à même de lui permettre d’opérer une percée dans le paysage politique. Nous avons voulu définir le but précis de ce front. Le débat portait surtout sur les législatives anticipées et la présidentielle anticipée.

Pour ce qui est de la présidentielle anticipée, si le président (de la République Michel) Aoun démissionne ou finit son mandat, c’est la majorité parlementaire actuelle qui élira son successeur dont le profil ressemblera à celui de M. Aoun. La présidentielle anticipée ne sert donc à rien. Bien au contraire, elle signifierait une sorte de renouvellement du mandat de la majorité actuelle pour six nouvelles années à la présidence de la République. Le seul moyen d’opérer une percée est donc le recours à des législatives anticipées.

Au vu de la volonté populaire actuelle, nous devrions opérer une importante percée à même de générer une nouvelle majorité parlementaire. Une présidentielle anticipée devrait alors se tenir après les législatives. Et je tiens à rappeler, sur ce plan, que le résultat des élections dépendra de la loi électorale en vigueur, mais surtout de la volonté populaire. La formule actuelle (basée sur la proportionnelle limitée) est la meilleure depuis plusieurs décennies, dans la mesure où elle assure une bonne représentativité. C’est donc sur ces bases que nous avons menées des contacts pour former un front d’opposition, et nous les poursuivons. Mais nous faisons face à de grands obstacles.

Quelles en sont les causes ?

Certains opposants croient qu’ils peuvent sauver le Liban tout seuls. D’autres estiment que le 8 Mars verra dans la mise sur pied du front comme un casus belli et ne voudraient pas aller aussi loin dans la confrontation politique. Un troisième camp, qui dit faire partie de l’opposition et du soulèvement populaire, partage ce même point de vue, alors qu’une autre partie croit que rien ne pourra être réalisé sans le front unifié. Nous ne voulons que rassembler les opposants autour de cette idée (les législatives anticipées). Et que ceux qui ont d’autres solutions nous les proposent.

Comment sont vos rapports avec le courant du Futur, le PSP et les Kataëb, principaux opposants au mandat ?

(Le chef du Futur et Premier ministre désigné) Saad Hariri a une approche totalement différente de la nôtre. Il est toujours convaincu qu’un gouvernement de sauvetage pourrait être formé avec l’actuelle majorité au pouvoir. Alors qu’avec celle-ci, notamment l’alliance Aoun-Hezbollah, rien n’est réalisable. De son côté, Walid Joumblatt (chef du PSP) semble proche de la position de M. Hariri, bien que certaines de ses positions et déclarations vont dans le sens de notre vision. Quant aux Kataëb, nous n’avons aucun problème avec eux. Mais le chef de ce parti (Samy Gemayel) a une position personnelle, refusant toute collaboration avec les FL. Il nous place dans le même panier que tous les partenaires au compromis présidentiel, alors que nous avons voté Aoun (à la présidentielle de 2016) pour des considérations bien définies. Mais nous ne sommes pas responsables de ses actes en tant que président.

Jusqu’où peuvent aller vos contacts avec la société civile ?

Je rappelle à tous ceux qui nous accusent de tirer un bénéfice sur les plans populaire et politique du mouvement de contestation que nous étions les premiers à évoquer la formation d’un cabinet de spécialistes. Quoi qu’il en soit, nos contacts avec les composantes du mouvement de contestation ne se sont jamais interrompus.

(L’Orient-Le Jour)