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L’UE sacrifie le bien-être social pour la guerre, seulement pour les armes, et en disant adieu à l’austérité

(Rome, Paris, 03 mars 2025). Il fut un temps où les strictes règles budgétaires étaient une véritable religion pour l’establishment politique et médiatique européen. Un dogme indiscutable, présenté comme une approche «scientifique» de la politique. La réalité est qu’il s’agissait d’un acte de foi, comme le démontre le fait qu’aujourd’hui, l’UE est prête à mettre de côté la saison de l’austérité, non pas pour améliorer la protection sociale, soutenir les écoles et les hôpitaux, mais pour s’armer et poursuivre une guerre difficile à gagner (l’Ukraine). Un choix qui, malgré un assouplissement des règles budgétaires, imposera une série de sacrifices lourds aux citoyens de l’UE, explique Roberto Vivaldelli dans son analyse dans «Inside Over».

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a en effet annoncé un plan ambitieux visant à créer un nouvel instrument financier européen dédié à des programmes stratégiques tels que les missiles, les drones, les systèmes de défenses aériennes intégrées et l’utilisation militaire de l’intelligence artificielle. «En route pour Londres», a-t-elle déclaré dans un tweet le 2 mars, «pour souligner le soutien continu de l’Europe à l’Ukraine, qui peut conduire à une paix juste et durable. La voie vers la paix passe par la force. La faiblesse engendre davantage de guerre. Nous soutiendrons l’Ukraine dans son processus de renforcement de la défense européenne».

Le plan de l’UE pour s’armer en contournant les limites d’endettement

La Présidente a proposé d’activer la «clause de sauvegarde» des règles fiscales, excluant les dépenses militaires des limites de la dette et de déficit nationaux. Cette flexibilité, prévue pour des «circonstances exceptionnelles» ayant un impact sérieux sur les finances publiques, sera toutefois appliquée «de manière contrôlée et conditionnée».

Selon certaines informations, le commissaire à la Défense, Andrius Kubilius, travaille sur un plan de production industrielle de l’UE pour organiser et hiérarchiser la fabrication d’armes, tandis que la Commission présentera le 19 mars un document d’orientation sur l’avenir de la défense européenne, avec une liste de priorités et d’options de financement, a rapporté Politico.

Ce que Von der Leyen et d’autres dirigeants ne disent pas

Comme le note Politico, le sommet d’urgence des dirigeants de l’UE du 6 mars risque de se transformer en un affrontement interne : plusieurs chancelleries européennes craignent en effet qu’Ursula von der Leyen ne veuille centraliser le contrôle de la Défense, comme cela s’est produit pendant l’urgence de la pandémie de Covid-19. Des pays comme la Pologne et la Finlande, en particulier, s’opposent à la création d’un fonds géré par la Commission, préférant garder la défense comme compétence nationale. En outre, la proposition de Von der Leyen d’assouplir les règles budgétaires de l’UE en prévoyant une «clause de sauvegarde», en exemptant uniquement les dépenses militaires des limites de déficit, mais seulement pour ceux qui dépensent plus de 2 % du PIB pour la défense, se heurte à l’opposition de l’Italie et de l’Espagne, dont les dépenses militaires actuelles s’élèvent à environ 1,5 % du PIB.

Mais il y a un autre problème, soulevé par un commentateur attentif comme Wolfgang Munchau dans UnHerd : «Une augmentation structurelle des dépenses de défense nécessiterait des sacrifices». Il rappelle dans son analyse que «les États-Unis consacrent 3,5 % de leur PIB à la défense». «En 2023, les 27 pays de l’UE ont dépensé en moyenne 1,6 % de leur PIB. «Cet écart de près de 2 points de pourcentage s’explique par le fait que nous, Européens, consacrent leur argent pour d’autres fins», note Munchau. L’Allemagne dispose d’un système social très avancé, offrant un revenu de base aux citoyens, qu’ils travaillent ou non. L’Allemagne s’est également dotée d’un budget de 150 milliards d’euros pour la transition énergétique. Les États-Unis, en revanche, ont des bons d’alimentation et aucune politique dite neutralité carbone. On ne peut pas tout faire. Des compromis sont nécessaires dont les Européens n’ont même pas commencé à en discuter».

Munchau soutient en outre que le projet européen de financer l’augmentation des dépenses militaires par la dette est économiquement peu judicieux et voué à l’échec. Tout simplement insensé. Selon l’expert, même dissuader une attaque ennemie exige de la crédibilité, ce qui ne peut être obtenu qu’en couvrant les dépenses militaires par des recettes courantes, et non par l’endettement. Autrement, les marchés financiers, les soi-disant «vigilantes» du marché obligataire, puniront l’Europe avant même que Poutine n’intervienne.

Un autre aspect crucial mérite d’être souligné : Ursula von der Leyen affirme que les dépenses militaires peuvent facilement contourner les contraintes budgétaires de l’UE, mettant la priorité absolue sur la préparation d’un conflit avec la Russie. Un constat saisissant, si l’on se réfère au passé : lorsqu’il s’agissait de dénoncer l’austérité pour ses effets désastreux (comme l’effondrement de la santé publique en Grèce ou l’appauvrissement de pays comme l’Italie à cause des pactes de stabilité) toute discussion était impensable, étouffée par des dogmes intouchables. Aujourd’hui, en revanche, une simple déclaration suffit à balayer d’un revers de main des principes fiscaux qui, depuis des décennies (depuis Maastricht) étaient considérés comme inviolables.

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