(Rome, Paris, 02.09.2023). En quatre ans, 10 coups d’État. Et bon nombre des officiers, aujourd’hui au pouvoir, ont été «élevés» à l’étranger
Celui du Gabon est le dixième coup d’État africain depuis 2019. Une épidémie putschiste qui a mis en pièces la «Françafrique», l’espace francophone, à commencer par la ceinture sahélienne. Pas moins de six pays se sont retrouvés aux mains des militaires d’un bout à l’autre du continent, reliant l’océan Atlantique à la mer Rouge. Souvent, les responsables qui ont pris le pouvoir font partie d’une élite formée à l’étranger, notamment aux États-Unis, et qui a destitué les présidents civils appelés à les protéger jusqu’à la mort.
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C’est désormais au tour du Gabon, plus au sud que le Sahel, autre ancienne colonie française entretenant des relations très étroites avec Paris, et qui a été récemment suspendue par l’Union africaine, qui condamne le coup d’Etat. Ali Bongo, chef de l’Etat malade et controversé par héritage, a été démis, comme au Niger, par le commandant de la Garde présidentielle, le général Brice Oligui Nguema. Dans les premières heures du coup d’État, ses hommes le portèrent sur leurs épaules en triomphe, criant « président, président ». Lundi, il prêtera serment à Libreville, la capitale du Gabon, devant la Cour constitutionnelle, en tant que nouveau « président de la transition », rapporte le quotidien «Il Giornale».
Le général est originaire de la province du Haut-Ogooué, fief de la famille Bongo, qui gouvernait le pays depuis l’indépendance. L’officier est également un cousin du président qu’il a destitué et, comme d’autres putschistes de ces dernières années, il a suivi une formation à l’étranger à l’Académie militaire royale de Meknès, au Maroc. Aide de camp du père du chef de l’Etat déchu, il a été attaché militaire à Rabat et au Sénégal. Homme qui ne dédaigne pas les affaires à l’africaine, il serait propriétaire de quelques maisons achetées pour un million de dollars près de Washington. En 2019, il retourne dans son pays natal pour réorganiser les services de renseignement. Il a ensuite été promu commandant de la Garde républicaine pour défendre le président.
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Au Niger, avant-dernier coup d’Etat, son homologue, le général Abdourahamane Tchiani, qui a destitué le chef de l’Etat élu, Mohammed Bazoum, est à la tête de la junte. Hier, les putschistes ont levé l’immunité diplomatique de l’ambassadeur de France, Sylvain Itté, qui avait refusé de quitter le pays dans les 48 heures après avoir été déclaré persona non grata. La junte a ordonné à la police de procéder à l’expulsion, mais l’ambassade de France est gardée par une soixantaine de commandos français.
Derrière Tchiani, l’homme fort est le général Salifou Modi, nommé vice-président. Ancien chef d’état-major, il a été attaché militaire en Allemagne et ambassadeur en Arabie Saoudite. Un autre putschiste notable est le général Moussa Barmou, «élevé» pendant des années par le Pentagone. À Washington, il a fréquenté la prestigieuse «National Defense College» et a été formé à «Fort Benning», la base des forces spéciales américaines.
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Même au Mali et au Burkina Faso, qui se sont retrouvés sous l’aile de la Russie, les putschistes avaient été formés en Occident. Le colonel Asimi Goïta, qui dirige le Mali, a été formé aux États-Unis, en France et en Allemagne. Les Américains avaient jeté leur dévolu sur lui en tant que commandant des forces spéciales pour combattre les groupes djihadistes. En 2018, lors d’un stage américain au Burkina Faso, il rencontre celui qui était alors lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, ancien de la Légion étrangère qui allait prendre le pouvoir en Guinée. Au Burkina Faso, le plus jeune officier, le capitaine Ibrahim Traoré, semble solidement installé au pouvoir.
Les Français sont toujours présents au Tchad où le coup d’État a été déclenché par une succession familiale. La mort au combat contre les rebelles sanctuarisés en Libye, du père-maître du pays, le « maréchal » Idriss Deby Itno, a porté son fils Mahamat au pouvoir en 2021.