(Montréal, Beyrouth, Rome, 31 août 2023). Malmenée en Afrique et dans le Sahel, la France devrait modifier sa politique au Levant pour sauver ce qui peut encore l’être de son influence. Il est intriguant de constater que « dans le même temps, la France combat abaya, voile et autres accessoires islamiques sur son territoire, et s’allier avec ceux qui promeuvent ces mêmes accessoires au Levant »
Depuis l’assassinat du président libanais élu, Bachir Gemayel, le 14 septembre 1982, le mois de septembre a un goût particulier pour les Libanais. C’est « le mois des Martyrs de la Résistance libanaise », ces martyrs qui ont empêché les Palestiniens, puis les Syriens, d’annexer le Pays du Cèdre, et que leurs successeurs luttent aujourd’hui pour empêcher les Iraniens d’occuper leur pays à travers le Hezbollah.
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Fidèle à son habitude, le parti des Forces Libanaises organise la messe annuelle des Martyrs à son quartier général à Meerab, le 3 septembre prochain. Les préparatifs vont bon train et le lieu, considéré comme une forteresse, se transforme en une énorme Cathédrale pour célébrer cette messe emblématique. Cependant, les Forces Libanaises et en particulier leur chef, Samir Geagea, l’avouent volontiers : « les Martyrs sont honorés tous les jours et non pas seulement lors de la messe qui leur est dédiée ».
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Cet honneur, nous assure-t-on, « passe surtout par le devoir de protéger le legs laissé par nos martyrs, qui se sont sacrifiés pour que vive le Liban libre, indépendant, souverain, prospère, juste et égalitaire entre tous ses citoyens ».
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C’est exactement le Liban auquel aspirent la majorité des Libanais, contrairement au Liban des ténèbres que cherchent à imposer le Hezbollah, agent de l’Iran. C’est aussi et surtout le Liban des valeurs universelles que le monde libre devrait défendre mais qui les piétine. Ce sont les valeurs de la France que Paris sacrifie sur l’autel du rapport des forces et du jeu de séduction auquel se livre son président envers la République islamique et le Hezbollah.
A cet égard, un ancien diplomate libanais en poste à Rome durant la dernière décennie est sans concessions. Il insiste sur l’incohérence de la politique française : « Emmanuel Macron a cherché à supprimer le corps diplomatique. La France récolte le fruit de cette politique décidée et menée par la cellule élyséenne en lieu et place des vrais diplomates. Ainsi, l’influence française est malmenée partout dans le monde. L’éviction de la France du Mali, du Burkina Faso, du Niger, et maintenant du Gabon, le rapprochement inachevé avec l’Algérie au détriment de l’alliance avec le Maroc, résultent de ces cafouillages et de la politique infantile ». Notre interlocuteur poursuit que la politique du « en même temps » a prouvé son échec : « Macron veut soigner le Liban en crise en confiant, dans le même temps, son traitement au Hezbollah qui est la maladie ! »
Toutefois, un ancien ministre libanais, fin connaisseur de la politique française, nuance et estime que Paris semble sur le point de modifier sa politique. « Le président Macron a compris que l’Iran et son bras armé extérieur, le Hezbollah, cherchent à l’extorquer. Ils accentuent leurs pressions sur la France au Liban mais aussi en Irak. La mort ces dernières semaines de trois militaires français engagés dans la lutte contre les terroristes en Irak est attribuée aux miliciens pro-iraniens. Paris l’a compris et muscle son discours, comme en atteste l’allocution du Président Macron à la rencontre annuelle des ambassadeurs ». Mais, constate notre interlocuteur, « à force de rectifier son tir, la France a intérêt à changer le tireur ! ».
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Pour ce faire, il appartient à l’opposition libanaise de rejoindre la politique française à mi-chemin et à modifier le rapport des forces aujourd’hui bénéfique au Hezbollah. Plusieurs sources regrettent à cet égard que l’opposition n’ait pas saisi l’occasion du renversement du camion du Hezbollah à Kahalé, le 9 août dernier, pour reprendre l’initiative et mettre le parti de Dieu sur la défensive. De même, elle n’a pas su ou voulu profiter des événements de Tayouné, en octobre 2021.
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Mais comme « la vengeance est un plat qui se mange froid », tous les regards se tournent à présent à la messe des Martyrs du 3 septembre. Le discours du chef des Forces Libanaises et pilier de l’opposition, Samir Geagea, est très attendu, d’autant plus qu’il incarne le dernier espoir pour sauver le Liban. Certains de ses lieutenants insistent sur le caractère pacifique du combat politique des Forces Libanaises, mais préviennent en même temps que « nous sommes prêts à faire face à toute menace existentielle qui guette le Liban ».
Sanaa T.