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Liban: si l’optimisme reste timide, le désespoir est interdit

(Roma, Paris, 02 juin 2023). La France a accueilli, cette semaine, plusieurs personnalités libanaises, pour évoquer la crise multidimensionnelle qui secoue le Liban et qui terrasse les Libanais. Au menu, trois questions cruciales étaient évoquées : les élections présidentielles, l’enquête sur l’explosion du port, et les réfugiés syriens, avec bien entendu la crise économique qui en découle

Après des entretiens au Vatican, le Patriarche maronite, Monseigneur Bechara Raï, a rencontré le président Macron pendant plus d’une heure, mardi dernier, pour lui rappeler l’importance du rôle que la France a historiquement joué au Liban. Durant 65 minutes, le prélat a indirectement mis la lumière sur l’erreur de Paris dans son soutien à la candidature de Sleimane Frangié à la présidence du Liban.

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Car, le chef du parti Marada ne représente que lui-même que ce soit sur le plan chrétien que national car, pire encore, il est le candidat uniquement du Hezbollah et du mouvement Amal. L’Elysée dit prétendre vouloir en finir avec le vide, quel que soit le futur président, et demande aux partis chrétiens représentatifs de s’accorder sur un autre candidat afin de le « commercialiser ». Or, le Patriarche refuse de nommer un candidat et s’accroche au principe démocratique de l’élection.

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Quelques jours avant son arrivée à Paris, plusieurs partis représentatifs, dont le plus important au Parlement, à savoir (la colonne vertébrale des Souverainistes) les Forces Libanaises, ainsi que les Kataëb, le Courant Patriotique Libre (CPL), le Parti Socialiste Progressiste et des indépendants, s’étaient rapprochés d’un accord sur l’ancien ministre Jihad Azour, directeur du FMI pour le Moyen-Orient. Cet accord, bien que fragile du fait que le CPL hésite à rompre son alliance avec le Hezbollah (de février 2006 et qui fut la principale cause de la descente du Liban en enfer), inquiète le Parti de Dieu au point que celui-ci a lancé une virulente campagne de dénigrement du candidat Azour, allant jusqu’à le calomnier. Le Hezbollah craint en effet que la candidature de Jihad Azour, ou toute autre candidature qui recueillerait le consensus des partis chrétiens, ne neutralise son candidat. Cette crainte est justifiée car une candidature consensuelle aura forcément le soutien de la France (la garante), des pays du Golfe (les futurs bailleurs de fonds) et de la communauté internationale (la caution).

L’autre personnalité qui s’active à Paris, cette semaine, est le député des Forces Libanaises et ancien ministre Pierre Bouassi, qui poursuit ses entretiens avec des députés, des sénateurs et de hauts fonctionnaires de l’Elysée et du Quai d’Orsay. Il est chargé de délivrer le même message que le Patriarche, avec des nuances de taille que son statut le lui permet, contrairement au chef de l’Eglise. Lors d’une conversation entre deux réunions de haut niveau, Bouassi affirme que « la campagne médiatique du Hezbollah contre Azour atteste qu’elle lui fait peur ». Il rappelle que « plus les coups assénés au Hezbollah sont douloureux, plus ses cris sont bruyants ». Bouassi, en tant qu’ancien ministre des Affaires sociales (2016-2018), a les arguments étayés pour évoquer la question des réfugiés syriens, « une question existentielle qui menace le Liban ». Or, affirme-t-il, « la clé de voute de la solution de toutes les crises (économique, financière, sociale et des réfugiés) demeure l’élection présidentielle », en insistant sur l’indispensable « protection de l’espace de liberté qui caractérise le Liban et qui est sa raison d’être ». Or cette liberté est menacée par le mini-Etat que constitue le Hezbollah.

Lors d’une rencontre restreinte avec ses proches, Bouassi a insisté sur « un air d’optimisme qui souffle sur le Liban », mais il a surtout mis l’accent sur l’interdiction de désespérer : « Nous sommes là depuis plus de 2000 ans, alors que le Hezbollah existe depuis 40 ans. Il finira par disparaitre avec la chute du régime iranien qui peut intervenir dans un an, dans 5 ans ou dans 10 ans. Nous ne sommes pas pressés. Il suffit de résister et de patienter ». Dans une brève allocution improvisée, Bouassi s’est montré « modérément optimiste, mais particulièrement ferme sur les principes de son parti, et très confiant dans la capacité du peuple libanais à faire face à l’hégémonie du Hezbollah, malgré son arsenal et ses dizaines de milliers de miliciens ».

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Pourvu que l’Elysée réceptionne, comprenne et intègre les messages du Patriarche et du député, et que la France abandonne son pari perdu d’avance sur Frangié, et qu’elle retrouve son rôle historique. Car la voir persister dans l’erreur fait mal à tous ceux qui l’aiment, en premier lieu aux Français. Quant aux Libanais, ils doivent fructifier l’optimisme et bannir le désespoir, surtout que la peur a changé de camp.

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Dario S.

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