Les raisons de l’immunité «accordée» à Vladimir Poutine en Afrique du Sud

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(Rome, Paris, 01.06.2023). Le gouvernement de Pretoria a annoncé son intention d’accorder l’immunité à tous les dirigeants qui se rendront au sommet des BRICS. Malgré les formalités, cette attitude cache une portée politique plus large

En prévision du sommet des BRICS qui se tiendra sur son territoire en août de cette année, le gouvernement sud-africain s’est efforcé d’accorder l’immunité diplomatique à tous les dirigeants politiques qui déclarent leur intention d’y participer. Bien que l’Afrique du Sud ait insisté sur le fait qu’il ne s’agissait pas d’une disposition à titre personnel, la raison de cette option est presque évidente : ce faisant, Johannesburg offre à Vladimir Poutine la possibilité de participer à cette importante réunion sans porter atteinte à sa personne, selon l’analyse de Lorenzo Piccioli dans les colonnes du quotidien «Formiche».

En effet, depuis mars dernier, le président russe fait l’objet d’un mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale pour la déportation forcée de mineurs ukrainiens vers le territoire russe. En tant que membre de la cour, l’Afrique du Sud serait donc tenue d’arrêter Poutine s’il mettait les pieds sur son territoire.

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« Il s’agit d’une immunité standard que nous accordons à toutes les conférences et sommets internationaux organisés en Afrique du Sud, quel que soit le niveau de participation », a déclaré le ministère des Affaires étrangères de Johannesburg dans un communiqué publié le mardi 30 mai, ajoutant que cette mesure a été rédigée en référence à la conférence elle-même, et non aux personnes qui y participeraient.

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Au-delà des formalités diplomatiques, cependant, d’autres signes existent : une commission interministérielle a été mise en place en Afrique du Sud en avril dernier dans le but de clarifier selon quels critères juridiques le président Poutine serait passible de toute forme de mesure. Grâce aux travaux de cette cour, il est apparu que, selon l’article 98 du Statut de Rome (le document fondateur de la Cour pénale internationale), cette instance judiciaire internationale ne peut demander à un État de prendre des mesures à l’encontre d’un individu d’un pays tiers s’il existe des obligations de droit international entre les deux pays, à moins qu’un accord ne soit préalablement conclu avec l’État tiers pour révoquer les obligations susmentionnées.

En tout état de cause, il n’est toujours pas certain que Poutine se rendra personnellement sur le territoire sud-africain pour participer aux travaux du sommet. A l’heure actuelle, la seule présence russe à être confirmée à la réunion des BRICS est celle du ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, dans le cadre de la session des ministres des Affaires étrangères des pays membres qui se tiendra cette semaine en Afrique du Sud. (Ndlr. Il convient de rappeler que Johannesburg, qui a ratifié le Statut de Rome, a tenté  de dissuader le dirigeant russe d’assister à la réunion entre Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud prévue fin août).

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La décision de Pretoria d’accorder, bien qu’apparemment de manière indirecte, l’immunité au président Poutine ne doit pas être interprétée comme un coup de tonnerre. Déjà en avril de cette année, l’Afrique du Sud a fait part de son intention de se retirer de la Cour pénale internationale suite à la délivrance du mandat d’arrêt à l’encontre de Vladimir Poutine, avant de rectifier la déclaration quelques heures plus tard.

Une situation similaire s’était également produite en 2015 lorsque l’Afrique du Sud n’avait pas procédé à l’arrestation du président soudanais de l’époque, Omar al-Bachir, accusé de crimes de guerre et de génocide pour les événements survenus dans la région du Darfour. Malgré les doléances des juges de la Cour, l’Afrique du Sud n’a pas eu à en subir les conséquences.

Autoriser Poutine à se rendre en Afrique du Sud a également une valeur politique au niveau international. Pretoria avait déjà été accusée d’entretenir une certaine ambiguïté vis-à-vis de la Russie suite à l’invasion de l’Ukraine déclenchée en février 2022, évitant de prendre des positions diplomatiques à cet égard. Par ailleurs, début mai 2023, l’ambassadeur américain en Afrique du Sud a accusé le gouvernement dirigé par Cyril Ramaphosa de fournir des équipements militaires à la Russie.

Selon de sources locales, le principal parti de l’opposition «Democratic Alliance» (DA), a affirmé mardi avoir lancé une requête judiciaire afin de s’assurer que le gouvernement respecte ses obligations et «remette» le président russe à la CPI si ce dernier mettait les pieds sur son sol.

En facilitant la présence du leader russe sur son territoire, l’Afrique du Sud adopte une position encore plus contrastée avec ses partenaires occidentaux, et notamment avec ceux du G7, dont le groupe des BRICS qui se réunira précisément sur le sol sud-africain, est de plus en plus considéré comme un rival direct.