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L’axe entre Erdogan et Xi va jusqu’en Syrie

(Rome, Paris, 05.04.2023). Une réunion sur la Syrie se tient à Moscou entre les ministres turc, russe, iranien et syrien, tandis que le ministre des affaires étrangères russe Sergueï Lavrov se rendra dans la foulée à Ankara. La BRI et la 5G régissent l’axe entre la Turquie et la Chine

Un triangle géopolitique, économique et aussi « personnel » entre la Turquie, la Russie et la Chine qui a des répercussions non seulement sur la dynamique interne des différents pays, mais aussi sur les zones de référence les plus proches, comme la Syrie et la nouvelle phase d’Assad. Une réunion sur la Syrie se tient à Moscou hier et aujourd’hui réunissant les ministres de la Turquie, de la Russie, de l’Iran et de la Syrie, tandis que le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, juste après, se rendra à Ankara, comme le rapporte Francesco De Palo dans le quotidien italien «Formiche».

Alors après le focus sur les relations entre Ankara et Moscou, voici un tour d’horizon des relations sino-turques, à la fois avec l’ensemble des conséquences qui ont aussi un impact sur la contingence, comme le tragique tremblement de terre de février dernier et la course (également électorale d’Erdogan) à la reconstruction, avec le soutien de Pékin, et avec l’imbrication de deux dossiers hautement stratégiques : la BRI et la 5G.

La BRI (Belt and Road Initiative/ la Ceinture et la Route)

La Chine est un investisseur asiatique majeur en Turquie, qui se traduit par des liens économiques solides et des investissements bilatéraux réguliers, dont le plus important est dans le port à conteneurs de Kumport, qui opère dans les installations portuaires d’Ambarli à Istanbul. Depuis 2015, Ankara a rejoint l’initiative « la Ceinture et la Route », assumant le rôle de 23e plus grand bénéficiaire des investissements chinois parmi les États qui l’ont rejoint. Les chiffres de l’année dernière le prouvent : la Chine comptait 1.148 entreprises enregistrées dans le pays pour un investissement total d’un peu plus d’un milliard de dollars.

L’accord signé entre les chemins de fer turcs et le ministère chinois des transports remonte à 2018, pour la construction d’une ligne ferroviaire à grande vitesse entre les deux rives turques, Edirne et Kars, c’est-à-dire entre l’ouest et l’est, bien qu’à ce jour seule une partie minime du projet a vu le jour, notamment en raison des conséquences logistiques de la guerre en Ukraine et de la viabilité financière des projets sur lesquels Pékin (silencieusement) réfléchit.

Ankara est également un membre actif de l’«Asian Infrastructure Investment Bank» (AIIB), ou la banque internationale d’investissement dirigée par la Chine, dont la création vise à soutenir financièrement les projets de la BRI : elle a emprunté plus de trois milliards et demi de dollars pour ses 18 projets, ce qui en fait le deuxième emprunteur après l’Inde.

Mais les flux arrivant sur le Bosphore ne se limitent pas à la BRI : la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) a annoncé un prêt-relais de 140 millions d’euros à « Fraport Tav Antalya Yatırım » et « Yapım e İşletme » pour le nouvel aéroport de la Méditerranée, des fonds qui s’ajoutent à une autre tranche fournie par la Société financière internationale (IFC) et à nouveau par la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (AIIB), un acteur désormais certifié dans le pays. Le 7 décembre, l’AIIB a également annoncé une ligne de prêt de 200 millions de dollars pour les efforts d’atténuation du changement climatique.

Suivez l’argent: la Banque de Chine opère en Turquie depuis 2017, s’inscrivant dans une stratégie très pénétrante à travers laquelle les banques chinoises ont participé au financement de projets importants de l’administration Erdogan, tels que le pont de Çanakkale, la centrale thermique de Hunutlu, le projet de stockage de gaz naturel de Salt Lake. La banque chinoise ICBC, la plus grande banque du monde en termes de valeur marchande et d’actifs totaux, a acquis Tekstilbank et est entrée sur le marché turc en mai 2015.

LA 5G

Le terme infrastructure, sur l’axe sino-turc, ne se limite pas aux chemins de fer ou aux ports, mais englobe le secteur des télécommunications comme la 5G. Malgré les avertissements répétés des États-Unis, la Turquie a établi de solides relations avec Huawei : deux accords en 2017 et 2019 créeront le plus grand réseau central «All-Cloud» orienté 5G en Turquie. Huawei a conclu des accords similaires avec les sociétés publiques Vodafone Türkiye et Türk Telekom. En 2019, Huawei et le parc scientifique et technologique turc «Bilişim Vadisi» ont signé un protocole d’accord pour étendre les projets de coopération dans les villes intelligentes. Notons que plusieurs agglomérations ont, depuis 2015, développé dans le pays des initiatives et applications intelligentes, notamment en matière de services municipaux en ligne, de mobilité, de consommation d’énergie et d’eau, etc. Et que l’intention d’Istanbul est de devenir d’ici 2029 la ville la plus intelligente du monde et qui contribue le plus à l’amélioration de la qualité de vie, avec des objectifs stratégiques à court (2019), moyen (2023) et long (2029) termes. Huit domaines d’intervention ont été identifiés: la mobilité, l’environnement, l’énergie, la gouvernance, l’économie, la vie urbaine, l’humain et la sécurité.

Il convient également de mentionner deux initiatives : la démarche d’Alibaba qui a incorporé le site de shopping Trendyol pour la somme de 728 millions de dollars et la stratégie vaccinale pendant Covid, lorsque le gouvernement turc a décidé d’acheter des vaccins chinois dans le cadre de la politique eurasienne, atténuant ses critiques antérieures sur la situation des droits de l’homme dans la région autonome du Xinjiang en Chine.

Le dernier cap de ces interrelations concerne la communication turque et la perception de l’acteur chinois : puisqu’il n’y a pas eu de terrain fertile dans le pays, tant dans la classe moyenne que dans la classe politiquement orientée, Pékin a décidé de faire un effort supplémentaire pour s’accréditer auprès des citoyens turcs. C’est pourquoi elle travaille dans l’ombre à un meilleur accès aux médias traditionnels turcs, principalement en exploitant ses liens favorables avec le gouvernement turc, qui exerce une certaine influence dans la sphère médiatique nationale : l’objectif ultime a été de mieux mettre en lumière les récits chinois en Turquie, tels qu’ils ressortent d’un document thématique produit par Carnegie en novembre dernier.

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