L'actualité du Proche et Moyen-Orient et Afrique du Nord

Marine Le Pen reste critique sur la guerre en Ukraine, et attend l’hiver

(Rome, 17 octobre 2022). Alors qu’en Italie Giorgia Meloni et Matteo Salvini (de manière convaincante pour la première, un peu moins pour le second) ont embrassé la cause des sanctions contre la Russie et accepté d’envoyer des armes à l’Ukraine, en France, Marine Le Pen garde intactes toutes ses perplexités sur ce conflit.

Dans son analyse dans le quotidien italien «Inside Over», Marco Valle nous explique qu’il s’agit d’un choix pour le moment joué sur des tonalités douces et non discordantes, mais néanmoins claires. La dame, très attentive à l’humeur de l’électorat, sait bien que seuls 45% des Français, de plus en plus inquiets, partagent la ferme attitude de l’Union européenne face à l’invasion et qu’encore moins de citoyens (40% selon un récent sondage d’Elabe) sont favorables aux sanctions. Des pourcentages qui s’envolent dans l’électorat du Rassemblement national : deux tiers des sympathisants sont clairement opposés à un soutien militaire et financier au gouvernement de Kiev. Des chiffres qui augmenteront inévitablement à mesure que la «tempête parfaite» annoncée – inflation, plus une crise énergétique – au cours du premier hiver de la guerre fera baisser la température des radiateurs et réduira les économies et les salaires.

D’où la ligne critique prudente mais sans équivoque de Marine. Tout en dénonçant la « vision impériale » de Poutine et condamnant l’agression de Moscou ainsi que le référendum du Donbass, la présidente du RN ne cesse d’accuser le « bellicisme dangereux » de l’Union européenne et rappelle ponctuellement que les sanctions nuisent davantage aux Français qu’aux Russes. Tout aussi négative est sa position sur les fournitures d’armes lourdes et la coopération militaire avec l’armée ukrainienne. Pour Le Pen, l’interventionnisme – bien qu’intermittent et parfois hésitant – du président Emmanuel Macron a contraint la France à une co-belligérance non déclarée. Avec tant de risques et aucun avantage.

Pour l’eurodéputé Jean-Lin Lacapelle, porte-parole du parti, la situation est claire : « Nous sommes en guerre contre la Russie. Le responsable de cette guerre est Vladimir Poutine, cela ne fait aucun doute. Mais il y a aussi une responsabilité politique de la part de l’Union européenne qui n’est pas en mesure de garantir le respect des accords de Minsk. Ce conflit aurait pu être évité. Frappant les oligarques, le pouvoir a raison mais, pendant ce temps, Poutine s’est organisé après les sanctions de 2014. Les Russes n’ont plus besoin de nous, le rouble se maintient, la coopération avec la Chine se renforce et ensemble ils prennent l’Afrique ». Plus tranchant encore, Thierry Mariani, ancien ministre des Transports de Nicolas Sarkozy, ensuite passé en 2019 au RN, a dénoncé à plusieurs reprises « l’incroyable conformisme russophobe des médias » en se moquant de la propagande ukrainienne et américaine sur une hypothétique victoire sur Moscou.

 Dans cette perspective, outre l’intolérance plus ou moins dissimulée à l’égard de Bruxelles et de Washington (héritage de la grandeur gaulliste…), les lepénistes continuent d’avancer avec une extrême prudence. Il reste en eux la crainte justifiée de rester – malgré leur forte représentation parlementaire – à nouveau isolé et d’être diabolisé en tant que « parti poutinien » de la France. En toile de fond il reste les six millions d’euros que le RN doit encore rembourser à la Première banque tchéco-russe pour boucler le prêt obtenu à un taux avantageux ayant servi pour la campagne présidentielle de 2014. C’était un choix forcé puisqu’à l’époque aucune institution française ne voulait prêter à Marine le Pen, mais au fil des années, l’opération s’est transformée en une agaçante épée de Damoclès sur le sort de la droite transalpine. Ce n’est pas un hasard si, à chaque débat, les opposants rappellent avec vivacité et insistance à la dame et à ses cadres que la banque était une émanation financière de Gazprom…

Il vaut donc mieux abandonner la question russe et attendre « le général hiver » avec les bouleversements sociaux attendus. Ce sera le moment où Marine Le Pen pourra placer la question des sanctions et de l’aide militaire au centre du débat politique, en la liant au malaise grandissant des couches les plus faibles de la population. Cette part de France qui ne veut pas s’évanouir pour la lointaine Kiev, ni souffrir pour une Europe qu’elle ressent comme une belle-mère.

Recevez notre newsletter et les alertes de Mena News


À lire sur le même thème