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La menace nucléaire qui effraie l’Europe

(Paris, 23 septembre 2022). « Certaines personnalités éminentes de l’OTAN ont parlé de la possibilité d’utiliser des armes de destruction massive contre la Russie. Je leur rappelle ce qui suit : notre pays a aussi ces armes », a tonné Vladimir Poutine. Si le président russe envisageait d’utiliser des armes chimiques ou nucléaires, « le visage du conflit changerait comme jamais depuis la Seconde Guerre mondiale », a déclaré Joe Biden. Parmi les avertissements de la Russie et les répliques des États-Unis, on trouve les provocations de Dmitri Medvedev, ancien président russe et actuel vice-président du Conseil de sécurité nationale de la Fédération de Russie. « Des référendums auront lieu et les républiques du Donbass et d’autres territoires seront annexés à la Russie. La protection de tous les territoires qui ont adhéré sera considérablement renforcée par les forces armées russes. La Russie a annoncé que non seulement les capacités de mobilisation, mais aussi toutes les armes russes, y compris les armes nucléaires stratégiques et les armes basées sur de nouveaux principes, peuvent être utilisées pour une telle protection », a écrit Medvedev sur Telegram.

L’ombre nucléaire

Federico Giuliani, dans les colonnes du quotidien italien «Il Giornale/Inside Over», nous explique que le plus petit dénominateur commun de ces trois interventions coïncide avec l’utilisation possible d’armes nucléaires. S’agit-il d’un bluff, de messages de propagande pour tromper les uns les autres, ou y a-t-il vraiment un risque que l’Europe soit le théâtre d’un conflit atomique ? C’est depuis la guerre froide, le Vieux Continent n’a jamais été autant en danger. Depuis le 24 février dernier, date du début de la soi-disant « opération militaire spéciale » en Ukraine, le danger s’est accru de jour en jour, atteignant le quasi-point de non-retour actuel.

Des années 1960 aux années 1980, Washington et Moscou ont chacun déployé des dizaines de milliers d’ogives nucléaires visant pratiquement toutes les grandes villes et ressources industrielles situées à l’intérieur de leurs frontières rivales respectives. Ce qui a permis aux deux superpuissances de se contenir – et ce qui continue fondamentalement de le faire aujourd’hui – est l’attente que si une partie lançait une attaque nucléaire, elle ferait alors face à des répercussions dévastatrices. Pendant des décennies, les gouvernements se sont appuyés sur cette théorie surnommée la destruction mutuelle assurée (MAD).

Une autre garantie est le résultat de la réduction progressive du nombre d’armes, obtenue grâce à divers traités visant à limiter la propagation des armes nucléaires susmentionnées. Plus important encore, le nouveau traité de réduction des armes stratégiques (START), limite les arsenaux américains et russes à 1.550 ogives nucléaires. Mais attention, toutefois, car le traité ne s’applique pas aux ogives dites « non stratégiques ». Ainsi, les deux nations sont libres de stocker toutes les armes tactiques (c’est leur nom) qu’elles souhaitent.

Les ogives « non stratégiques »

Les armes nucléaires tactiques, contrairement aux armes nucléaires stratégiques, peuvent être déployées sur des distances relativement courtes. Selon certaines estimations, Moscou devrait posséder environ 2.000 armes nucléaires tactiques. Ceux-ci peuvent être placés sur différents types de missiles, qui sont normalement utilisés pour lancer des explosifs conventionnels. Ils peuvent également être tirés comme des obus d’artillerie sur un champ de bataille. Leur taille varie en fonction de leur puissance. Généralement, elles vont d’une kilotonne ou moins (l’équivalent de mille tonnes de TNT explosif) à 100 kilotonnes. Bref, les effets d’une éventuelle utilisation dépendent de nombreux facteurs, tout d’abord de la taille de la tête utilisée. A titre de comparaison, la bombe atomique qui, en 1945, a tué environ 146.000 personnes à Hiroshima, au Japon, était de 15 kilotonnes.

Les experts et les analystes considèrent toujours qu’il est hautement improbable que Poutine largue une bombe nucléaire sur l’Ukraine. La crainte, cependant, est qu’il puisse le faire si la guerre sur le territoire ukrainien devait, du point de vue russe, subir de nouveaux revers débilitants. À ce moment-là, dans le pire des cas, le chef du Kremlin pourrait lancer une attaque nucléaire limitée. Ainsi, en suggérant qu’un holocauste nucléaire pourrait menacer le monde entier face à d’éventuelles réponses atomiques, Moscou pourrait intimider le gouvernement ukrainien et contraindre les États-Unis et leurs alliés à se retirer du conflit.

Le pire des scénarios

La théorie défendue par la Russie est claire : personne n’est capable de gagner une guerre nucléaire. Dans le même temps, une seule petite détonation pourrait être suffisamment dévastatrice pour mettre un adversaire comme l’Ukraine à genoux. Et suffisamment effrayante pour dissuader les États-Unis de lancer une riposte susceptible de désintégrer des milliers, voire des millions de personnes.

Toujours dans l’optique de pire scénario, quelles cibles Poutine choisirait-il d’atteindre ? Le ciblage, ou le choix des cibles, recouvre une évaluation complexe, une sorte d’addition des représailles potentielles et des dommages infligés.

Diverses hypothèses circulent. Dont deux des plus chaudes : l’île aux serpents ou une ville de la région de Lviv. Dans le premier cas, hormis l’utilisation des armes nucléaires, il n’y aurait pas de victimes et les dégâts seraient négligeables, puisqu’il s’agit d’un rocher inhabité au milieu de la mer Noire. Dans le second cas, le discours serait différent, puisque Moscou détruirait une ville de cette région, à quelques pas de l’Europe. L’action, alors, causerait des milliers de morts, ainsi qu’un nuage radioactif menaçant l’Europe de l’Est.

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