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C’est ainsi que la Corée du Sud devient le «bras armé» des États-Unis en Asie

(Rome, 04 août 2022). Près de 1.000 chars, plus de 600 pièces d’artillerie et des dizaines d’avions de chasse. Telle est la liste des dépenses militaires que la Pologne va recevoir de la Corée du Sud. Dans le cadre de la plus grande exportation d’armes de l’histoire, Séoul se réjouit d’envoyer le matériel de guerre demandé par Varsovie, dans le cadre d’un canal de coopération Est-Ouest inédit entre deux des plus proches alliés des États Unis.

Selon Federico Giuliani du quotidien italien «Inside Over», le gouvernement polonais a pris des mesures pour renforcer son arsenal, bien sûr, mais surtout pour remplacer les importantes quantités d’équipements fournis à l’Ukraine dans l’objectif de soutenir Kiev dans la guerre contre la Russie. Le ministère polonais de la Défense a parlé de 980 chars basés sur le modèle sud-coréen K2, 648 obusiers blindés automoteurs K9 et 48 chasseurs FA-50. CNN a écrit que les 180 premiers chars K2, fabriqués par Hyundai Rotem et équipés de canons à chargement automatique de 120 mm, devraient arriver en Pologne dans le courant de 2022. Les 48 premiers obusiers K9, fabriqués par Hanwha Defence, devraient également arriver cette année. La livraison d’un deuxième lot de 600 obusiers ne commencera toutefois qu’en 2024. Toujours à l’avenir, et sur le territoire polonais, à partir de 2026, la fabrication de 800 chars modernisés est prévue ainsi que le développement d’obusiers.

Les chiffres de l’accord entre la Pologne et la Corée du Sud n’ont pas été divulgués. Selon une estimation approximative calculée par «Asia Times» sur la base des prix unitaires du même équipement demandé par Varsovie et précédemment vendu, la transaction devrait se situer entre 15 et 20 milliards de dollars. Dans les deux cas, le chiffre dépasse largement les 7 milliards de dollars dépensés par Séoul pour l’exportation d’armes vendues à l’étranger en 2021.

Le dynamisme de la Corée du Sud

Dans la course asiatique pour développer la prochaine génération d’avions de combat, deux concurrents se distinguent : la Chine et, bien sûr, la Corée du Sud, qui ont tous deux conçu leurs propres chasseurs furtifs, à savoir le Chengdu J-20 et le KF-21 Boramae. De cette manière, tous deux ont tenté d’atteindre une indépendance stratégique et à faire valoir leurs compétences technico-scientifiques, éventuellement étendues aux théâtres régionaux et internationaux.

«Defence News» a écrit que Séoul a rejoint le club des développeurs de chasseurs d’élite lorsqu’il a lancé son tout nouveau KF-21. Décollant d’une base de l’armée de l’air sud-coréenne à Sacheon, dans la province méridionale du Gyeongsang, cet avion était équipé de quatre missiles Meteor et a volé pendant 30 minutes à 400 kilomètres par heure. D’un point de vue technique, le KF-21 est un avion doté de capacités avancées, telles qu’un radar AESA (Active Electronically Scansioned Array) et des liaisons de données et d’avionique de premier ordre. Dans un avenir pas trop lointain, le gouvernement sud-coréen pourrait proposer des prototypes de KF-21 à divers clients étrangers. L’Indonésie s’est déjà manifestée, se disant même prête à couvrir 20 % des coûts de développement de l’avion.

L’histoire des KF-21 convient pour décrire le dynamisme récent acquis par la Corée du Sud, qui est de plus en plus proche de devenir un pilier de la défense américaine en Extrême-Orient, ainsi qu’un pilier extérieur de l’OTAN. L’origine de l’accord sur la vente d’armes à la Pologne se trouve au sein de l’administration démocratique dirigée par l’ancien président Moon Jae In, qui s’est engagé à renforcer les industries de défense sud-coréennes en cherchant à conclure des contrats avec l’étranger. Son successeur, Yeon Suk Yeol, entend également promouvoir ces exportations. De leur côté, Washington et l’Alliance atlantique s’attendent à ce que Séoul maintienne les sanctions contre la Russie et fournisse toute l’assistance nécessaire, tant pour aider l’Ukraine que pour endiguer la Chine. Bien que cela implique un coût non négligeable pour l’économie sud-coréenne.

L’axe avec Washington (via Varsovie)

L’importance prise par les alliés américains situés dans le Pacifique dans la perspective de la stratégie américaine a atteint des niveaux impossibles à ignorer, ajoute Federico Giuliani dans son décryptage. Ce n’est pas un hasard si l’Australie, le Japon et la Corée du Sud ont été invités au dernier sommet de l’OTAN qui s’est tenu à Madrid. Du point de vue de Washington, l’accord entre les Coréens et les Polonais représente un important avantage : pouvoir compter sur une coordination militaire, notamment pour le transfert d’armes, qui va du Pacifique à l’Atlantique, sans la moindre interruption.

De son côté, Séoul, après des décennies de synchronisation de ses systèmes d’exploitation avec ceux des États-Unis, et après avoir dépensé des sommes d’argent considérables pour acquérir des équipements américains, peut profiter du renouveau définitif de la défense nationale. Comme si cela ne suffisait pas, les entreprises coréennes ont déjà investi en Europe de l’Est. Deux exemples parmi d’autres : Hyundai produit des voitures en République tchèque, et Kia en Slovaquie.

La taille de l’opération est donc gigantesque. La Pologne, comme mentionné, recevra 1.000 chars K2 (il convient de noter que la flotte de chars polonais avant l’accord s’élevait à 863 unités). Eh bien, selon «GlobalFirepower.org», en 2022, seuls 15 pays déploieront plus de 2.000 chars. La Russie est en tête du classement avec 12.420, suivie des États-Unis avec 6 612. La France et le Royaume-Uni exploitent des flottes particulièrement modestes : 406 et 227 chars.

Attentes futures

Les armes coréennes vendues à la Pologne utilisent des munitions, des composants et des systèmes qui se synchronisent avec ceux des armées de l’OTAN. Pourtant, certains experts émettent des doutes. Nicholas Drummond, analyste de la défense spécialisé dans la guerre terrestre et ancien officier de l’armée britannique, s’est demandé si les armes sud-coréennes étaient vraiment adaptées à l’Europe. Selon Drummond, le matériel produit en Asie pourrait rencontrer plusieurs problèmes dans la chaîne d’approvisionnement si une nouvelle guerre éclatait en Europe. « Il est juste que les pays asiatiques achètent en Corée, car ces clients peuvent être facilement desservis en temps de guerre. Mais soutenir les clients européens en cas d’urgence est plus difficile », a-t-il expliqué.

Cependant, le ministre polonais de la Défense Mariusz Błaszczak s’est montré enthousiaste, tweetant que l’accord Varsovie-Séoul « augmenterait considérablement la sécurité de la Pologne et la force de l’armée polonaise ». Les jets FA-50, produits par «Korea Aerospace Industries» en association avec le géant américain de la défense Lockheed Martin, figurent également dans la liste polonaise. Nous parlons d’un avion de chasse léger supersonique, adapté aux attaques au sol et à certaines missions air-air. L’appareil est armé de missiles Sidewinder, de missiles air-sol Maverick et d’un canon de 30 mm à trois tubes. Il peut également utiliser des bombes à guidage de précision et à guidage par gravité.

Le FA-50, dans ses versions de combat et d’entraînement, a été exporté en Colombie, en Indonésie, en Irak, aux Philippines et en Thaïlande. Grâce à sa commande de 48 avions, la Pologne pourrait bientôt devenir le plus grand opérateur de jets en dehors de la Corée du Sud.

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