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L’Iran envoie des armes et des mercenaires à la Russie ? Le mystère des vols

(Rome, Paris, 17 mai 2022). Que transporte la compagnie aérienne Qeshm Fars, qui effectue des vols de plus en plus fréquents vers et depuis Moscou ? Voici les interrogations d’Emanuele Ottolenghi (FDD) et l’hypothèse selon laquelle les Pasdaran seront retirés de la liste des organisations terroristes américaines en échange de l’accord sur le nucléaire

Au moins sept vols vers Moscou en un seul mois. Pour l’ensemble de l’année 2021, cependant, il y en a eu que deux. Nous parlons de la compagnie aérienne iranienne Qeshm Fars Air, sous sanctions américaines depuis 2019 car elle est contrôlée par un autre transporteur iranien sous sanctions, Mahan Air, est accusée d’avoir transporté des armes et des combattants vers la Syrie pour le compte du Corps des gardiens de la révolution islamique d’Iran, le Pasdaran, également soumis aux sanctions américaines. L’augmentation soudaine des vols de fret vers Moscou « pourrait refléter les efforts iraniens pour soutenir la guerre de la Russie en Ukraine », a expliqué Emanuele Ottolenghi, chercheur principal à la Fondation pour la défense des démocraties (FDD), qui a analysé les itinéraires, comme rapporté par Gabriele Carrer dans les colonnes du média italien «Formiche».

Les activités illicites de Qeshm Fars Air « vont probablement au-delà de la Syrie », où elles soutiennent le groupe mandataire iranien Hezbollah aux côtés de Bashar Al Assad, écrit M. Ottolenghi citant les vols fréquents entre Téhéran et Caracas, au Venezuela mais aussi entre la capitale iranienne et celle éthiopienne, Addis-Abeba, dans le conflit entre le gouvernement et les rebelles du Tigré. Et encore, le transporteur a fait des escales à New Delhi, Macao, Myanmar et Tadjikistan. « Les rapports suggèrent que, au moins dans certains de ces cas, l’Iran utilise la compagnie aérienne pour transporter du matériel militaire ou pour aider les partenaires à échapper aux sanctions ». Et « les vols de Qeshm Fars Air vers Moscou pourraient s’inscrire dans ce schéma », ajoute l’analyste.

Le premier vol enregistré, écrit-il, a eu lieu le 15 avril, trois jours seulement après que le «Guardian» a révélé que l’Iran avait envoyé des bombes, des missiles antichars et des systèmes de roquettes à la Russie par bateau via la mer Caspienne. « L’avion-cargo Qeshm Fars Air en question (immatriculation : EP-FAA) peut transporter jusqu’à 250 tonnes de fret, selon la distance du vol. Les fournitures de systèmes d’armes et de pièces de rechange pourraient aider la Russie à remplacer certaines de ses pertes massives sur le champ de bataille, car les sanctions occidentales entravent la capacité de la Russie à produire des armes au niveau national », note Ottolenghi. En outre, le transporteur pourrait également transporter des mercenaires syriens vers la Russie, notamment parce que les liaisons vers et depuis Damas se poursuivent et que le Pentagone avait confirmé début mars que Moscou tentait de recruter des combattants du pays d’Assad pour les utiliser dans la guerre en Ukraine.

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Si la Russie, grand fabricant d’armes, est contrainte de s’appuyer sur le réseau iranien, les raisons sont multiples, observe Emanuele Rossi sur Formiche.net, et de souligner : « De vouloir éviter que ses pièces ne finissent sacrifiées dans les contextes de combat, où elle sait qu’elle peut trouver plus de résistance ukrainienne ; à la nécessité d’aider la production de guerre, limitée par les sanctions dans son accès au marché des composants ».

La pression sur les Pasdaran devrait rester très élevée. Ces dernières semaines, l’hypothèse selon laquelle les États-Unis proposeraient une révocation partielle de la désignation des Gardiens comme groupe terroriste dans le but de parvenir à un accord sur l’accord nucléaire avec l’Iran, avait suscité une vive réaction d’Israël.

L’administration Biden a décidé de retirer cinq groupes extrémistes de la liste des organisations terroristes étrangères. Il s’agit du groupe séparatiste basque ETA, du mouvement japonais Aum Shinrikyo, du parti nationaliste israélien Kahane Kach et de deux groupes islamiques actifs en Israël, dans les territoires palestiniens et en Égypte, à savoir le Conseil de la Choura des moudjahidines et al-Gama’at al-Islamiyya.

L’absence des Pasdaran (dans la liste) n’est pas passée inaperçue. Ceux qui gardent l’espoir d’une révocation américaine, soulignent que les cinq organisations, qui par le passé menaçaient l’Asie, l’Europe et le Moyen-Orient en tuant des centaines, voire des milliers de personnes, sont désormais considérées comme défuntes. Au contraire, ceux qui espèrent que la discussion est définitivement close, soulignent qu’il n’arrive pas souvent que de telles décisions soient prises avec deux mesures différentes en temps rapproché.

« La communauté du renseignement américain devrait surveiller l’augmentation du trafic de fret aérien entre Téhéran et Moscou pour déterminer la nature exacte du fret transporté », conclut M. Ottolenghi. Si les soupçons étaient confirmés, l’hypothèse d’un retrait des Pasdaran de la liste serait très probablement vouée à l’échec.

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