(Paris, 25 février 2022). L’attaque de « Snake Island » secoue l’Ukraine. Hier soir, la flotte russe a frappé l’îlot avec une garnison de 13 gardes-frontières. Certaines vidéos montraient un navire russe se déplaçant autour de l’île. Puis, dans la soirée, le ministère ukrainien a publié la nouvelle qui n’avaient été jusque-là, que chuchotée par certaines sources internationales : l’île était tombée, lit-on dans le décryptage de Lorenzo Vita dans le quotidien italien «Il Giornale/Inside Over».
Mais la guerre est aussi faite d’histoires. D’actes héroïques et moins héroïques, de comportements « normaux » dans ce qui n’est pas normal par définition. Des versions contradictoires. Et l’une de ces histoires avait pour protagonistes précisément ces soldats qui ont refusé de se rendre face à l’ultimatum de la flotte russe.
Le lendemain matin, un audio a circulé, diffusé par le journal ukrainien Ukrayinska Pravda, qui, selon les sources, représentait le dernier échange de communications entre le navire de Moscou et cette garnison ukrainienne sur l’îlot proche des eaux roumaines.
« Nous sommes un navire de guerre russe, nous vous demandons de déposer les armes et de vous rendre pour éviter une effusion de sang et des morts inutiles, sinon nous bombarderons ». Ce sont les mots avec lesquels les marins russes ont ordonné aux Ukrainiens de se rendre. La réponse du soldat de Kiev ne s’est pas fait attendre : « Navire de guerre russe… allez vous faire foutre ».
Depuis lors, plus aucune communication. La pluie de feu s’est abattue sur l’île et, selon le ministère ukrainien de la Défense, il ne reste aucun survivant sur l’île. L’avant-poste de l’îlot de Zmiiny, ou des Serpents, à peine plus grand qu’un rocher mais vital pour l’Ukraine, a été entièrement détruit. Et ces 13 soldats sont tombés, tous ensemble : tous sans se rendre.
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a annoncé qu’il avait décerné à ceux qui sont tombés au combat la plus haute distinction, celle de « héros de l’Ukraine ». « Sur notre île de Zmiinyi, en la défendant jusqu’au bout, tous les gardes-frontières sont morts héroïquement. Mais ils n’ont pas abandonné. Ils recevront le tire de Héros de l’Ukraine à titre posthume », a écrit le chef de l’Etat sur les réseaux sociaux. Et encore une fois sur les réseaux sociaux, la fin de la garnison de l’île Serpent est immédiatement devenue virale avec l’audio. Un symbole pour l’armée ukrainienne mais aussi pour la population, qui a toujours, en temps de crise, tragiquement besoin de héros. Mais d’un autre côté c’est aussi un symbole de guerre, pour une Ukraine qui accuse l’Occident de l’avoir abandonnée devant la Russie, pour résister toute seule : à l’image de cette garnison perdue sur l’île de la mer Noire observée par un drone américain, cela ne pouvait rien faire d’autre que surveiller les navires russes.
Dans tout cela, la version de Moscou est différente. Comme le note l’agence Ansa, le porte-parole du ministère de la Défense de Moscou, dans le briefing quotidien sur l’évolution du conflit, a déclaré que 82 soldats ukrainiens appartenant à l’avant-poste sur l’île s’étaient déjà volontairement rendus. Modifiant ainsi en partie ce qui était revendiqué par Kiev.
L’îlot de la mer Noire, qui fait depuis longtemps l’objet d’un différend entre la Roumanie et l’Ukraine, a une valeur stratégique non négligeable. Le contrôler, signifie avoir un avant-poste dans un plan d’eau de grande importance, non loin d’Odessa notamment. La Roumanie le réclamait déjà au moment de la Première Guerre mondiale. L’Union soviétique l’a voulu et en a fait une petite base militaire. Et enfin, après avoir été cédé à l’Ukraine lors de son indépendance, il est resté longtemps disputé avec la Roumanie jusqu’à ce que Bucarest obtienne la reconnaissance des eaux territoriales environnantes. La flotte russe, sur le plan militaire, avait probablement besoin de prendre possession de cette île alors qu’elle devait sécuriser ce côté de la mer tout en garantissant, avec des missiles, la couverture des troupes convergeant vers Odessa.
Mais cela ne peut affecter ni la valeur de cette garnison, ni le jugement d’avoir anéanti une douzaine d’hommes avec des missiles qui, à ce moment-là, n’auraient jamais pu résister.