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Contre Poutine, c’est ainsi qu’Erdogan ne fait plus harakiri dans la crise ukrainienne

(Rome, 22 février 2022). Il condamne la décision russe de reconnaître comme indépendantes deux régions séparatistes de l’est de l’Ukraine, appelle au respect du droit international mais ne l’applique pas au sujet du gaz de la mer Egée. Un soutien fort à Kiev ira-t-il jusqu’à sacrifier une relation vitale avec la Russie ?

Un pas en avant vers la thèse Turquie-OTAN. Selon Ankara, la décision de la Russie de reconnaître comme indépendantes deux régions séparatistes de l’est de l’Ukraine est inacceptable, a déclaré le ministère turc des Affaires étrangères, appelant toutes les parties à respecter le droit international. Le même droit international qu’Erdogan n’accepte pas dans d’autres jeux, comme le gaz dans la mer Égée. Mais le ferme soutien turc à Kiev n’ira pas jusqu’à sacrifier une relation vitale avec la Russie, comme le rapporte Francesco De Palo dans les colonnes du quotidien italien «Formiche».

Ici Ankara

La Turquie se dit prête à préserver l’unité politique et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, étant donné qu’elle partage une frontière maritime avec l’Ukraine et la Russie en mer Noire. Lorsque le gouvernement affirme que la Turquie s’est opposée aux politiques de Moscou en Syrie et en Libye (ainsi que son annexion de la péninsule de Crimée en 2014), il montre qu’elle veut soutenir la doctrine de l’OTAN sous ces latitudes, une posture qui a pourtant procuré des avantages objectifs comme la vente de drones UAV à Kiev.

Cette démarche n’a pas été particulièrement bien accueillie par Moscou, qui est toujours impliquée dans des jeux très importants pour l’économie turque, comme la centrale nucléaire construite par Rosatom ou le gazoduc Turk Stream. Il y a quelques semaines, Erdogan s’était rendu en Ukraine pour rencontrer le président Volodymyr Zelensky afin d’agir en tant que médiateur pour la paix entre Moscou et Kiev. Un rôle qui, cependant, ne lui a été confié par aucun acteur.

Zelensky s’est dit « reconnaissant » envers le président turc pour son soutien et l’a remercié pour sa volonté de participer à un sommet sur la crise avec les membres du Conseil de sécurité de l’ONU, plus la Turquie et l’Allemagne, une proposition venue du gouvernement de Kiev. « C’est une proposition positive aussi parce qu’elle vient de Zelensky et si ce sommet est couronné de succès, la Turquie y participera », a précisé Erdogan.

Ici le Donbass

Il est clair que la démarche russe sur le Donbass ne pouvait être accueillie par un silence tiède de la part d’Erdogan, mais il est tout aussi évident que les « mesures claires et efficaces de soutien de nos partenaires », pour paraphraser Zelensky, sont interconnectées à des jeux clandestins que chaque pays joue : qu’il s’agisse d’énergie, de géopolitique, d’élections ou plus simplement, comme dans le cas turc, de la survie de sa propre infrastructure économique/financière. Il est également clair que la reconnaissance de l’indépendance dans la région du Donbass pourrait probablement être utilisée par Moscou comme un moyen de déplacer des troupes encore plus loin, comme ce fut le cas en Géorgie et en Ossétie du Sud, ajoute Francesco De Palo dans son analyse.

Réécrire les stratégies diplomatiques

Le gaz russe couvre 45 % des besoins turcs, un pourcentage qui pourrait augmenter après l’accord entre le géant gazier russe Gazprom et le turc Botas, au vu de la crise énergétique galopante, aggravée par la politique de coupures appliquée par l’Iran.

La capacité d’Erdogan à changer sa position de manière «caméléon» est devenue évidente ces dernières années, après que le printemps arabe (appelé tsunami par un expert de la région) ait secoué le Moyen-Orient en 2011. Depuis lors, par exemple, les relations de la Turquie avec les Émirats arabes unis avaient été interrompues, mais ces derniers mois, elles se sont rapidement rétablies, également à la lumière du retrait américain d’Afghanistan qui a forcé une réécriture des stratégies diplomatiques. Le dénominateur commun semble donc être la géopolitique des investissements dans la macro-région, étant donné qu’en 2021, la crise monétaire en Turquie a fait chuter la valeur de la livre turque de 44 %.

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