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France: Bataclan, procès des attentats du 13-Novembre. François Hollande assume ses décisions

(Rome, 11 novembre 2021). Interrogé comme témoin ce mercredi à la barre de la Cour d’assises spécialement composée, l’ancien chef de l’Etat a raconté son 13-Novembre et explicité les décisions prises « lors de cette nuit funeste », mais aussi celles des mois qui l’ont précédée et suivie.

Un ancien président de la République se devait de dire cela : « Je suis présent devant la Cour pour témoigner de ce que fut mon rôle en tant que chef de l’Etat lors de cette nuit funeste du 13 novembre 2015, et témoigner de ce que furent mes décisions dans les mois qui ont précédé et les mois qui ont suivi. Ce témoignage je le dois à toutes les victimes et à tous les parents qui vivent dans l’absence d’un être cher ».

Il est bientôt 15h30, François Hollande se tient seul à la barre, face à la Cour d’assises spécialement composée, droit, les mains posées sur le pupitre, point de perspective au bout de cette immense salle d’audience, comble pour l’occasion. Six ans presque jour pour jour après les attentats meurtriers du Stade de France, des terrasses parisiennes et du Bataclan le témoignage de l’ex-chef de l’Etat était attendu avec force.

Depuis l’ouverture le 8 septembre, du procès des auteurs ou complices présumés des attentats qui ont tué 130 personnes et blessé des centaines d’autres à Saint-Denis et Paris le nom de François Hollande a résonné à plusieurs reprises dans la salle d’audience.

Notamment depuis le box, où Salah Abdesslam, seul membre encore en vie des commandos a justifié les attaques djihadistes du 13 novembre 2015 en les présentant comme une riposte à la politique étrangère de la France et de son président d’alors. « François Hollande savait les risques qu’il prenait en attaquant l’Etat islamique en Syrie », avait-il lancé au sixième jour du procès.

« Ce dont je suis le plus fier c’est que la France ne se soit pas divisée »

C’était son nom aussi qui était répété «ad nauseam» dans cet enregistrement audio de l’intérieur du Bataclan dans la bouche des terroristes : « Vous ne pouvez-vous en prendre qu’à votre président François Hollande », entend-on plusieurs fois, entre deux tirs, dans l’extrait de quelques minutes de cet enregistrement audio diffusé le 28 octobre par la cour.

« C’était une formule, comme si les commanditaires des attentats leur avaient demandé de divulguer ce message », explique François Hollande car « leurs intentions sont doubles : nous faire renoncer à nos interventions en Irak et en Syrie, mais aussi nous diviser, de déstabiliser le pays pour que s’y installe non pas simplement une fracture mais une rupture ». « Ce dont je suis le plus fier c’est que la France ne se soit pas divisée. Prenons garde que (cette division, NDLR) ne revienne aujourd’hui par ricochet comme par une espèce de secousse », redira-t-il plus tard face au flot continu de questions de la part des avocats des parties civiles qui interviennent à tour de rôle.

« Aujourd’hui je ferai exactement la même chose »

« La menace était là nous savions que ces opérations se préparaient mais nous ne savions pas où, ni quand ils allaient nous attaquer », assume François Hollande à la barre tout en répétant « mesurer la souffrance des victimes ». Pendant leurs dépositions, plusieurs parties civiles ont exprimé leur besoin de réponses de la part des autorités, notamment sur l’incapacité à déjouer un attentat de grande ampleur en France alors que la menace était au plus haut.

Les avocats des parties civiles interrogent encore inlassablement sur les conséquences de la politique de la France au Moyen-Orient. L’ex-chef de l’Etat répond imperturbable, à tous. « Ces phrases, je les ai entendues, elles m’ont amené à réfléchir sur ma propre responsabilité. Mais aujourd’hui je ferai exactement la même chose. Parce que c’est la France, parce que nous le devons à ces pays, les plus grandes victimes du terrorisme islamique ce sont les musulmans », martèle-t-il à la barre.

Plus de trois heures de déposition

« Ce groupe nous a frappés non pas pour nos modes d’action à l’étranger mais pour nos modes de vie ici même », insiste-t-il, rappelant que les premières menaces spécifiques du porte-parole de l’EI contre la France remontaient à mi-2014, avant qu’elle n’intervienne en Irak et en Syrie…

Au terme de près de quatre heures d’audition, François Hollande répond encore aux questions à la barre avec des échanges parfois vifs avec certains avocats de la défense. Finalement, le président de la cour Jean-Louis Périès remercie l’ancien président de la République. Dans le box, Salah Abdeslam se lève, mais le magistrat intervient immédiatement : «Non, non M. Abdeslam, si vous avez des questions, vous passez par vos conseils». Le principal accusé se rassoit.

Plus tôt dans l’après-midi le « Président des attentats », comme l’avait présenté un avocat des parties civiles, au même titre que son prédécesseur Nicolas Sarkozy a été le président de la crise financière et son successeur Emmanuel Macron celui de la pandémie, avait ironisé «chaque quinquennat est marqué par une crise». « Il faudrait peut-être prévenir les candidats (à la prochaine présidentielle) ». Fin de l’audience.

Par Valérie de Senneville. (Les Echos)

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