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Pourquoi la France a besoin de l’Italie pour mener une défense européenne

(Rome, 09 octobre 2021). Après le retrait américain d’Afghanistan, la question de la défense commune en Europe est devenue une priorité qu’elle n’avait jamais eue auparavant. Cela est principalement dû à l’impulsion donnée par Paris, qui souhaite s’attaquer à ce qui a toujours été la question la plus importante sur laquelle ont joué tous les présidents français de la Cinquième République. Selon l’analyse de Mauro Indelicato dans le quotidien «Il Giornale-Inside Over», la question fondamentale que beaucoup se posent ces dernières semaines est très simple : si le Vieux Continent était autonome en matière de défense, pourrait-il à nouveau jouer un rôle important sur la scène internationale ? Emmanuel Macron a été le premier à parler d’une OTAN en état de « mort cérébrale » et d’une alliance européenne de défense avec, évidemment, la France en tête. Mais l’Elysée, à lui seul, tant sur le plan politique que militaire, ne pouvait guère avancer. L’Italie, à cet égard, pourrait jouer un rôle important.

Les ambitions françaises en matière de défense européenne

La Ve République française est née avec la course à l’armement inaugurée par le Général Charles De Gaulle. Peu de temps après, les transalpins auront aussi leurs propres armes nucléaires. Tenter d’avoir sa propre politique de défense, autonome des autres puissances est dans l’ADN de Paris. Un projet auquel ils n’ont jamais renoncé. Jean Quatremer, journaliste à Libération, a exprimé une réflexion capable de résumer le sentiment français en matière de défense : « La France (peut-on lire dans un article publié le 8 juin) est le seul membre de l’Union européenne à avoir une vision globale du monde, des intérêts à défendre dans la plupart des pays de la planète et, surtout, une armée plus ou moins digne de ce nom ». C’est la clé sur laquelle les Français frappent. Paris dispose d’une grande armée avec laquelle la France a préservé, quoique difficilement, les zones de son influence en Afrique et dans d’autres parties du monde. De plus, après le Brexit, l’Elysée est le seul endroit de l’Union européenne où se trouve une mallette avec des codes nucléaires.

En bref, si le Vieux Continent devait apprendre à se protéger, la France aurait toutes les cartes en main pour mener la défense. Emmanuel Macron le sait très bien. En effet, il a beaucoup misé sur cet élément dans son quinquennat qui touche à sa fin. Dans l’une de ses premières photos en tant que chef d’État, M. Macron a été photographié alors qu’il descendait dans un sous-marin. Un signal sans équivoque de la volonté de l’actuel locataire de l’Elysée de miser fortement sur le secteur de la défense. Sur le plan politique, le président français a réussi à créer une nouvelle direction générale au sein de la Commission européenne, la «direction générale de l’industrie de la défense et de l’espace (DEFIS)». Il s’agit d’un organisme qui a pour mission de nouer la coopération entre les différents acteurs européens afin de redynamiser l’industrie dans ce secteur sensible. Outre le fait qu’elle peut s’attribuer le mérite d’avoir poussé à la création de DEFIS, la France s’est emparée ces dernières années de tous les rôles de contrôle et de gestion les plus importants. Une manière pour Paris de creuser davantage la route menant au leadership d’une éventuelle nouvelle défense européenne.

Paris appelle Rome

Après le retrait américain d’Afghanistan, le discours sur une défense européenne commune est revenu en France, ainsi qu’à Bruxelles. Mais en Europe de l’Est, notamment dans la Baltique, tout le monde ne voit pas le projet comme une opportunité. Au contraire, nombreux sont ceux qui, dans ces régions, se sont demandés quel serait le potentiel de défense autonome du Vieux Continent en cas de retrait américain. En d’autre terme, si l’Europe serait ou non capable de se défendre seule. La réponse à cette question est largement négative. Ces derniers mois au «Belfer center», Hugo Meijer et Stephen G. Brooks ont défini comme une «utopie», la possibilité que l’Europe puisse se défendre sans la contribution des États-Unis et de l’OTAN. Si demain l’alliance atlantique disparaissait, écrivent les deux experts dans leur analyse, la couverture défensive européenne serait trop courte. La Russie à elle seule, par exemple, pourrait déployer 2.600 chars le long des frontières orientales de l’UE, alors que les cinq plus grandes armées européennes réunies en atteindraient 1.500. Si la dissuasion face aux actions possibles de Moscou n’est pas une priorité en France, il n’en est pas le cas dans les pays baltes et dans une grande partie de l’Europe de l’Est. Ainsi, les ambitions de Paris de diriger une défense paneuropéenne au détriment d’une collaboration avec l’OTAN ne sont pas vues d’un bon œil.

C’est pour cette raison que la France, même à un moment comme celui d’aujourd’hui caractérisé par le renouveau des projets d’unité et d’autonomie défensive de l’Europe, a besoin d’alliés importants. En ce sens, ajoute Mauro Indelicato, l’Italie serait un partenaire idéal. En fait, même dans notre pays, la dissuasion contre la Russie n’est pas une question prioritaire. En outre, Rome et Paris partagent des préoccupations communes sur certains dossiers importants, notamment la Libye et celui relatif à l’alerte terroriste au Sahel. Ce n’est pas un hasard si au Mali, où la France s’apprête à mettre en sommeil l’opération Barkhane et à relancer l’opération européenne baptisée Takuba, un effort important a été demandé à notre pays. Outre les raisons politiques et militaires, il existe également des problèmes liés à l’industrie de la défense. L’Italie compte quelques entreprises importantes dans le secteur, qui sont essentielles pour d’éventuels futurs projets communs. Comme l’écrit Francesco Pettinari sur «Istituto Affari Internazionali», «au sein d’une Union dont la traction est de plus en plus occidentale, avec divers éléments de tension sur la table des relations transatlantiques, et avec d’importantes initiatives sur le plan industriel qui sont en train de se développer, l’Italie doit pouvoir entrer dans le débat et dans le processus décisionnel en cours, en affirmant ses positions». Un aspect très clair pour le Président Macron ainsi que pour le Premier ministre Mario Draghi. Le débat sur la coopération franco-italienne dans le secteur de la défense n’en est peut-être qu’à ses débuts.

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