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Comment fonctionne le missile Hellfire R9X, la «bombe à lame» de la CIA

(Rome, 29 août 2021). Après l’attentat sanglant de Kaboul, qui a fait près de 200 victimes jeudi dernier, perpétré par des kamikazes appartenant à la branche afghane de l’Etat islamique (province d’EI-Khorāsān), la revanche des Etats-Unis ne s’est pas fait attendre : le Pentagone affirme qu’un un bombardement effectué par un drone à l’aube de samedi a tué le cerveau présumé de l’attaque terroriste, comme le rapporte Paolo Mauri dans le quotidien «il Giornale/Inside Over».

Le raid aérien, comme l’a expliqué un responsable américain, était de nature préventive, décidé après que les services de renseignements eurent découvert que l’individu – dont les coordonnées n’avaient pas été fournies – préparait une nouvelle attaque. Apparemment les victimes de l’attaque aérienne seraient au nombre de deux, touchées à bord d’un petit véhicule par des missiles lancés par un Ucav (Unmanned Combat Air Vehicle) de type Mq-9 « Reaper ».

Les missiles utilisés sont cependant d’un type très particulier, conçu pour minimiser les « dommages collatéraux » : ce sont les Agm-114 « Hellfire » R9X, surnommés « bombe à lame », « bombe ninja » et « Ginsu volant », (en référence à une marque de couteaux bien connue aux États-Unis, ndlr). Le missile Hellfire (HELiborne, Laser, FIRE and Forget Missile) a été initialement développé pour cibler les chars à partir des hélicoptères d’attaque Ah-64 « Apache », mais il est actuellement utilisé par des avions à voilure fixe, d’autres hélicoptères, des UCAV, des navires, des véhicules terrestres et à partir de postes au sol. Il existe plusieurs variantes (la première version a été mise en service en 1982) mais en général, il s’agit d’un missile semi-actif guidé par laser (Sal) pour des attaques de précision. Il est notamment utilisé par le susmentionné Apache de l’armée américaine, l’Oh-58 Kiowa Warrior, de l’UAS (Unmanned Air System), le Mq-1C Grey Eagle, des avions d’opérations spéciales, de l’Ah-1W Super Cobra des Marines et de l’Ucav Predator and Reaper de l’UASF.

La version R9X du Hellfire est née de la volonté de la CIA (la Central Intelligence Agency) de disposer d’un missile capable de tuer des terroristes sans développer d’explosion. Le développement du missile aurait commencé sous l’ancien président des États-Unis Barack Obama, peut-être le plus grand utilisateur d’UCAV pour mener des opérations de guerre, dans le but d’éviter des pertes civiles lors de campagnes militaires en Afghanistan, au Pakistan, en Irak, en Syrie, en Somalie et au Yémen et il semble être entré en service en 2011.

L’AGM-114 R9X, en effet, n’explose pas car il n’a pas d’ogive, mais déploie six lames tranchantes à partir du corps cylindrique du missile, qui vont détruire la cible sans endommager les personnes et le matériel à proximité : contrairement aux fragments générés par une explosion, une lame a une capacité maximale spécifique donnée par sa longueur. Il semble que la précision du missile – si elle est guidée par un observateur au sol – permette de « tuer un passager sans toucher le conducteur » à l’intérieur d’un véhicule.

Les cibles, en effet, ne sont pas engagées si le risque de dégâts « collatéraux » est trop élevé. Sur de nombreux théâtres de combat actuels, ajoute Paulo Mauri, les forces hostiles positionnent stratégiquement leurs moyens dans des centres urbains, conscientes que cette tactique permet d’empêcher l’utilisation de la puissance de feu de leur adversaire, qui hésiterait à l’employer précisément en raison du risque de cibler des forces amies ou sans rapport avec le conflit. Il s’agit d’une méthodologie bien connue, typique des conflits asymétriques (en pensant au Hamas dans la bande de Gaza), et qui a un impact « moral » très élevé : d’une part, dans le cas de victimes innocentes, se trouve une forte « arme de propagande » à vendre, de l’autre, cela permet d’agir en tant que « défenseurs » de la population sans défense.

Par conséquent, une classe innovante d’armes conventionnelles était donc nécessaire pour donner aux commandants la capacité d’atteindre des cibles de grande valeur tout en évitant des dommages collatéraux excessifs. Faisons maintenant une mise au point concernant la nomenclature et les surnoms du missile. R9X n’est pas la désignation officielle, qui n’a pas encore été attribuée, tandis que le surnom de « Ginsu volant » provient d’une interprétation « américaine » du shuriken japonais (littéralement « lame cachée à la main »), les petites lames aiguisées par lancement communément connu en Occident sous le nom de « étoile ninja » ou « étoiles de lancer ». Un kunai, en revanche, est un outil japonais utilisé à l’origine par les paysans de la période Tensho au Japon, et les représentations imaginaires de ninja en Occident présentent le kunai comme un couteau en acier qui sert notamment à poignarder ou à lancer. Ginsu est une marque de couteaux rendue populaire aux États-Unis et vendue à la télévision, ce qui explique la raison de ce surnom particulier.

L’utilisation du Hellfire R9X est toujours couverte d’un voile de secret : selon les experts, les drones opérant pour le « Joint Special Operations Command (JSOC) » de l’US Army et la CIA, semblent être les seuls à le porter. Le missile aurait été utilisé au moins une demi-douzaine de fois très récemment avant le raid en Afghanistan samedi matin : en juin 2020, en Syrie, pour tuer deux membres de Hurras ad-Din (affilié à al-Qaïda) à Idlib. Avant cela, le 26 février 2017, R9X a tué le chef adjoint d’al-Qaïda Abou Al-Khayr al-Masri également à Idlib. Il a été utilisé au Yémen, en Libye et en Irak. Il semble également que le même type de missile a été utilisé pour tuer le général Qassem Soleimani à Bagdad le 3 janvier 2020, mais les images de la carcasse du véhicule dans lequel voyageait l’ancien commandant de la force iranienne Pasdaran al-Qods semblent suggérer une explosion d’un Hellfire chargé d’ogive, plutôt que l’action des « lames » du R9X.

(Photo-Corriere Della Sera)

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