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Un satellite russe pour l’Iran. Pourquoi les USA sont inquiets?

(Rome, 12 juin 2021). Alors que la Russie va fournir un satellite sophistiqué à l’Iran, les capacités d’espionnage de Téhéran vont être grandement accrues… Doté d’une caméra à haute résolution, Kanopus-V lui permettra de surveiller les installations de ses adversaires dans tout le Proche-Orient !

L’Iran va profiter de la high tech russe. La Russie va fournir à l’Iran un satellite sophistiqué, Kanopus-V, doté d’une caméra à haute résolution, selon le Washington Post, rapporté par le média français «Capital». Ce satellite permettra à la République islamique de surveiller les installations de ses adversaires dans tout le Proche-Orient, explique le quotidien en citant des responsables actuellement ou anciennement en poste aux Etats-Unis et au Proche-Orient. Ces informations interviennent à quelques jours du sommet prévu le 16 juin à Genève entre le président russe Vladimir Poutine et son homologue américain Joe Biden qui effectue sa première tournée à l’étranger depuis sa prise de fonctions en janvier.

Elles pourraient venir s’ajouter à la longue liste de griefs de Washington envers Moscou qui comprend entre autres des accusations d’interférences électorales ou de piratages informatiques. Le lancement du satellite pourrait être réalisé dans les prochains mois et est le fruit de multiples voyages en Russie effectués par des dirigeants des Gardiens de la Révolution iraniens, ajoute le Washington Post. Le satellite serait lancé depuis la Russie et contient du matériel fabriqué en Russie, selon les sources du journal. Même s’il n’a pas les capacités des satellites américains, l’Iran pourrait s’en servir à des fins d’espionnage sur des localisations spécifiques.

Cela fait naître des craintes à propos d’un partage d’informations avec le Yémen, l’Irak ou le Liban, outre celles sur le développement de drones et missiles balistiques par l’Iran, selon l’un des responsables interrogés par le journal.

Des formateurs russes ont entraîné des équipes au sol à l’utilisation du satellite depuis un site proche de la ville de Karaj dans le Nord de l’Iran, selon le Washington Post. L’acquisition de ce satellite donnerait à Téhéran une plus grande capacité de surveillance sur le Golfe, les bases israéliennes et la présence militaire américaine en Irak.

Les informations du Washington Post interviennent également à un moment délicat où des discussions sont en cours entre les grandes puissances pour sauver l’accord sur le nucléaire iranien de 2015, dénoncé unilatéralement par Washington en 2018 sous la présidence de Donald Trump qui a rétabli des sanctions. En riposte, Téhéran a fait sauter depuis mai 2019 la plupart des limites consenties sur son programme nucléaire, ajoute «Capital».

Concernant les craintes du partage d’informations, comme le rapporte le journaliste Emanuele Rossi sur la page du site italien «Formiche.net», en Syrie, Moscou souhaite une présence beaucoup moins bruyant que celle de l’Iran, et pour cette raison, elle accorde des «laissez-passer» aériens aux chasseurs israéliens qui frappent les passages d’armes à travers lesquels les Pasdarans approvisionnent les milices chiites régionales. Il s’agit, ajoute M. Rossi, d’une façon de ne pas perdre le dialogue avec Tel Aviv pendant que les Russes passent des accords avec l’Iran. Il en va de même pour les monarchies sunnites du Golfe : Moscou doit approfondir certaines relations, bien que ces pays, comme l’État hébreu, considèrent la république théocratique chiite comme un rival existentiel (un sentiment également partagé par Téhéran). La Russie, tout en donnant du pouvoir à l’Iran, tente de jouer le rôle de médiateur et de contrôleur des ambitions de la République islamique.

Le fait d’annoncer maintenant la fourniture du satellite russe (démenti par Moscou) a pour but de mettre en garde Poutine et les Iraniens, mais aussi de montrer que Washington est proche de ses alliés du Moyen-Orient – capable de fournir plus de sécurité que quiconque – malgré le fait qu’un processus de désengagement de la région soit en cours. Un moyen de mettre à nouveau en garde contre les ambiguïtés russes. Cette enquête donnerait aux Pasdaran (une milice théocratique située un cran au-dessus de l’armée laïque) la possibilité d’avoir entre les mains des informations sur les activités israéliennes, ou sur les activités pétrolières dans le Golfe, ou même sur les mouvements militaires américains dans la région. Des données qui pourraient également être utilisées pour diriger les opérations des milices chiites – qui, il y a trois jours, ont attaqué avec des drones le complexe du département d’État à l’intérieur de l’aéroport international de Bagdad (3 millions de dollars américains offerts à ceux qui fourniront des informations sur ce qui s’est passé). Et M. Rossi d’ajouter que la capacité d’acquérir des images haute définition (le satellite disposera d’une caméra à haute résolution de 1,2 mètre) est un facteur précieux pour les formations militaires. Téhéran investit dans la mise à niveau de ses technologies depuis un certain temps, et dès 2015, un programme de coopération avec la Russie a été annoncé. L’Iran, lit-on sur «Formiche», investit dans ces nouvelles formes, délaissant l’entretien d’armements et de structures moins futuristes, souvent victimes d’accidents particuliers. Le pays veut se donner une image musclée, mais la situation économique qu’il traverse est critique. La sonde sera mise en orbite par la Russie, à la fois pour une question de coût et parce qu’à plusieurs reprises, certaines opérations sur le sol iranien ont été victimes de sabotages de la part des rivaux de Téhéran.

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