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La France et les USA misent sur l’armée pour sauver le Liban

(Rome, 29 mai 2021). L’incapacité de la classe politique libanaise à sortir de l’impasse qui bloque la formation du nouveau gouvernement depuis des mois, indispensable pour que le pays des cèdres ait accès à l’aide internationale, a conduit la France et les Etats-Unis à choisir un nouvel interlocuteur privilégié : l’armée. Pour les uns comme pour les autres, l’armée représente l’un des piliers du Liban dont le maintien est essentiel pour éviter l’effondrement définitif du pays et garantir la sécurité de la région.

La réunion au Palais de l’Elysée

L’un des signaux les plus forts de la France à cet égard a été la rencontre de mercredi entre le président Emmanuel Macron et le chef de l’armée libanaise le Général Joseph Aoun à l’Elysée. C’est la première fois qu’un commandant en chef de l’armée du Pays des Cèdres est reçu par un chef d’État français. Au cours de la réunion, Macron a promis à Aoun une nouvelle aide pour l’armée et a une fois de plus salué le rôle joué par les militaires à la suite de l’explosion du port de Beyrouth et, de manière générale, dans le déroulement de la crise politique et économico-financière qui sévit au Liban depuis des mois. Le président Macron a notamment parlé d’une aide médicale et alimentaire aux forces armées libanaises, considérées comme le véritable pilier de la stabilité du pays et gravement touchées par la crise actuelle.

L’effondrement de la livre libanaise, la réduction des salaires et l’augmentation du coût de la vie ont porté un coup sévère à l’armée, qui a vu une augmentation du nombre de défections avec un affaiblissement conséquent de sa capacité d’intervention. Malgré cela, la France considère les militaires comme des interlocuteurs plus fiables que la classe politique, incapable de trouver un accord pour la formation d’un nouvel exécutif. Le président Michel Aoun et le Premier ministre en charge Saad Hariri ne sont pas encore parvenus à un accord et continuent de s’accuser mutuellement de conduire le pays à la ruine. L’absence de formation du gouvernement a des effets dévastateurs sur la stabilité du Liban, continuant de bloquer l’arrivée de l’aide internationale dont l’acheminement est directement lié à la mise en œuvre de réformes politiques spécifiques.

Compte tenu du caractère explosif de la situation, il y a quelques mois, le général (Joseph) Aoun a commencé à critiquer la classe politique et à s’en distancier afin d’éviter que le mécontentement de la population n’affecte également l’armée. En mars, le Général Aoun a également lancé un ultimatum, appelant les politiciens à prendre immédiatement des mesures pour éviter l’effondrement des forces armées, de plus en plus éprouvées par la crise économique. Le risque, selon le général, est que l’armée se disloque et que l’on assiste à nouveau à une augmentation du nombre de milices, comme cela s’est déjà produit pendant la guerre civile. Ses paroles n’ont pas été entendues, du moins dans son pays.

Les objectifs de Washington

La France n’est pas la seule puissance étrangère à s’être concentrée sur l’armée : les Etats-Unis ont également manifesté un intérêt accru pour l’armée libanaise. Le 21 mai, en effet, une augmentation des subventions pour les forces armées du pays des cèdres a été discutée, qui devraient s’élever à 120 millions de dollars.

Selon Sky News Arabia, l’objectif du président Biden est de compter sur l’armée pour limiter l’influence du Hezbollah et de l’Iran et empêcher les institutions militaires du pays de tomber aux mains du Parti de Dieu. Le renforcement de l’armée est donc une condition indispensable pour éviter son effondrement et pour empêcher le Hezbollah de renforcer sa branche armée ou de prendre le contrôle des forces militaires elles-mêmes.

Comme l’indique également une lettre de la Commission des affaires étrangères, adressée au secrétaire d’État Antony Blinken, les effets de la crise sur les soldats libanais risquent de provoquer de plus en plus de désertions, d’affaiblir l’armée et d’accroitre le risque d’un nouveau conflit civil. Entre-temps, en effet, « les groupes paramilitaires tels que le Hezbollah ou d’autres milices qui menacent Israël et la sécurité régionale se renforcent ». L’instabilité de l’appareil militaire libanais n’est donc pas seulement perçue comme une question de politique intérieure du pays des cèdres, mais comme un problème pour la stabilité de la région elle-même et pour la sécurité de l’Etat hébreu, qui a toujours été particulièrement inquiet de l’influence que l’Iran exerce au Liban par l’intermédiaire du Hezbollah.

Futura D’Aprile. (Inside Over)

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