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La Turquie à la conquête du cœur de l’Afrique

(Rome, 27 avril 2021). Les Ottomans sont (une fois de plus) entrés sur le continent africain, où ils ont construit et/ou construisent des avant-postes depuis les ports arabes bordant la Méditerranée jusqu’au Sahel et depuis les terres sanglantes de la Corne de l’Afrique jusqu’au Cap de Bonne-Espérance, et y sont arrivés avec un objectif précis: rester et, éventuellement, prospérer et se développer aux dépens des autres, ou plutôt aux dépens de puissances usées, affaiblies et séniles comme l’Italie et le Portugal, nous explique Emanuel Pietrobon dans les colonnes du quotidien «Inside Over».

Relativement, peu de pays d’Afrique subsaharienne qui n’ont pas été touchés par le nouveau pivot géostratégique de l’agenda étranger de la présidence Erdogan. Il a méticuleusement étudié et mis en œuvre avec le même soin, qui a permis à la Turquie d’entrer dans la zone à accès restreint connue sous le nom de la Françe-afrique, d’atterrir à l’extrême sud du cap du continent, de s’étendre dans l’ancien espace colonial portugais, de prendre le relais de l’Italie dans la corne de l’Afrique et percer la partie centre-est de l’Afrique noire.

La Turquie au Rwanda

Au mois d’avril en Turquie, une attention médiatique considérable a été portée sur un fait complètement ignoré par la presse occidentale spécialisée: le début de l’administration des cours de turc à l’Université du Rwanda. Ce qui peut sembler être une nouvelle apparemment sans intérêt, parce qu’il peut être interprété dans une perspective délicieusement pédagogique, n’est autre qu’une des dernières et innombrables manifestations de cette réalité hégémonique en gestation qui, au cours de cette chronique consacrée au «retour des Ottomans au continent noir» nous avons rebaptisé Turc-afrique.

Les chiffres et les faits montrent que derrière l’inauguration du cours de turc susmentionné, se trouve quelque chose de beaucoup plus profond, qui n’est en fait, que la partie émergée de l’iceberg. Ce cours, qui sera administré avec l’aide de l’influent Institut Yunus Emre (déjà impliqué dans la promotion du pan-turcisme en Asie centrale) n’est qu’une petite goutte d’eau à l’intérieur d’un vaste barrage que les pelleteuses turques ont commencé à construire en 2014, année de l’ouverture de l’ambassade à Kibali.

Au cours des sept dernières années, le Rwanda et la Turquie ont signé une vingtaine d’accords de coopération bilatérale, allant du commerce aux investissements, mais les instruments préférés de la «Sublime Porte», semblent être la culture et l’éducation. Plus de deux cents bourses accordées à de jeunes rwandais pour étudier dans les universités Diplomates anatoliennes, un programme de formation diplomatique formulé par le ministère turc des Affaires étrangères qui a jusqu’à présent formé plus de quarante diplomates rwandais et une école technico-professionnelle en cours d’achèvement.

Dans le reste de l’Afrique centrale et orientale

Aux côtés du Rwanda se trouvent l’Ouganda, où la TIKA (Agence turque de coopération et de coordination) tente de percer en construisant gratuitement des puits et des systèmes de purification d’eau ; Le Cameroun, où il y a des écoles de l’influent Fondation Maarif, le Tika et le volume du commerce est en constante augmentation (205 millions de dollars en 2019) ; La République centrafricaine, où la Turquie est principalement engagée dans des activités humanitaires (avec Tika impliquée dans la modernisation des hôpitaux, des routes et des infrastructures) et religieuses (avec Diyanet qui participe à la rénovation des mosquées) et le Kenya, client de l’industrie de guerre turque, partenaire commercial dont l’importance ne cesse de croître d’année en année (l’import-export est passé de 52 millions de dollars en 2005 à 235 millions en 2019) et un lieu où la «Sublime Porte» envoie du personnel pour former sa main-d’œuvre, sa police et son armée.

C’est toutefois la Tanzanie qui constitue l’étude de cas la plus pertinente dans ce paragraphe consacré à l’Afrique noire. La nation, qui joue un rôle clé dans l’agenda étranger de l’AKP pour l’Afrique, a été la destination d’une visite officielle de Recep Tayyip Erdogan en 2017, qui s’est terminée par la signature de dix accords de coopération, et a été liée à la Turquie par un véritable partenariat sidérurgique.

C’est ici, à Dar Es-Salam, foyer de la paix et des inspirations des grandes puissances coloniales européennes, de Lisbonne à Berlin, qu’Ankara consacre une part importante de son énergie, comme le montre et le démontre le niveau des échanges commerciaux (250 millions de dollars en 2020) ; l’existence d’une commission économique mixte ; les contrats colossaux qui y ont été obtenus par de grandes entreprises privées turques (comme la construction des deux premiers tronçons du maxi-section «Tanzania Standard Gauge Railway», un méga-chantier à ciel ouvert d’une valeur de trois milliards et cent millions de dollars, par Yapi Merkezi), et la présence massive de la «Fondation Maarif» qui gère un réseau d’instituts pour chaque tranche d’âge, (des jardins d’enfants aux lycées), étendu de Zanzibar au Kilimandjaro, et actuellement fréquenté par environ deux mille étudiants.

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