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La terreur vient de la mer

(Rome, 05 avril 2021). La chasse continue sans relâche, chaque jour, des avions américains décollent à la recherche de preuves dans une étendue de mer qui va de Chypre à la Syrie. Ce sont des avions de patrouille anti-sous-marins. Généralement des P-8A qui partent des bases américaines déployées en Méditerranée, en particulier de Sigonella, et pointent tous vers le Levant ou la mer Noire. Une recherche spasmodique tracée avec de longs zigzags identifiés par les satellites. Des allers-retours sur des kilomètres et des kilomètres, un long trajet devant Sébastopol ou Lattaquié, et de retour, retraçant le même itinéraire.

Cette chasse dure depuis des semaines. Nous avons parlé du sous-marin russe qui a disparu des radars de l’OTAN et qui est recherché sans relâche par les appareils de l’Alliance atlantique. Dans ce cas, on parlait d’un (sous-marin) Kilo en mission qui avait échappé à la surveillance du bloc occidental et avait réussi à se déplacer librement en Méditerranée. Puis quelque chose d’autre s’est produit: des sous-marins russes sont sortis en masse de la base de Sébastopol pour une curieuse démonstration de force. Il n’était jamais arrivé récemment que six sous-marins soient tous en mer en même temps. Plus d’un pense que tout cela était dû aux paroles de Joe Biden, qualifiant de « tueur » Vladimir Poutine. Mais il y a eu aussi la concomitance de la journée de la marine russe consacrée aux sous-marins, et peut-être a-t-on pensé que Moscou voulait envoyer un signal codé intrigant aux voisins de l’Atlantique « célébrant » l’anniversaire. Mis à part, cependant, ces sous-marins se sont déplacés et, selon de nombreux observateurs, ont même atteint la côte syrienne. Cela expliquerait pourquoi les avions américains continuent de «labourer» le champ à la recherche de quelque chose.

Certes, les États-Unis commencent réellement à s’inquiéter. Washington connaît les Russes et sait à quel point la Syrie et le Levant sont importants pour les plans de Moscou. Pour cette raison, ils ne sous-estiment pas le problème des sous-marins qui ont atteint la base de Tartous: il ne peut s’agir simplement d’un message adressé aux États-Unis, ni d’un simple jeu pour montrer à l’OTAN l’incapacité d’identifier l’ennemi. Il y a quelque chose de plus percutant : quelque chose qui inquiète tellement Washington qu’il faut continuellement mener des heures de vol pour ses Poséidons. Certains observateurs russes pensent que le Kremlin a peut-être décidé de lancer une lourde offensive anti-rebelle dans la région d’Idlib. Un choix qui irait de pair avec quelques problèmes entre la Russie et la Turquie concernant la zone de désescalade lancée depuis des années dans ce dernier réduit djihadiste au nord-ouest de la Syrie. La proximité de la frontière turque et des bases russes en Syrie rend cette région extrêmement importante. Et tandis que les forces de l’armée syrienne font pression pour la reconquête, la Turquie a clairement indiqué qu’elle n’avait pas l’intention de renoncer à cette partie du territoire attaquée par les forces gouvernementales : le message provenait également de la vidéo publiée sur Twitter par les militaires turcs eux-mêmes dans laquelle on aperçoit les flammes suite à l’attaque menée par Damas. Cette décision peut sembler sans importance, mais en réalité, il est pertinent qu’Ankara ait ressenti le besoin de publier une vidéo d’une attaque de l’armée syrienne contre des rebelles sur ses réseaux sociaux.

L’arrivée de sous-marins russes ou d’autres unités de Moscou peut-elle être lue dans cette hypothèse ? Possible. Cela confirmerait la poursuite de la chasse par les avions américains au Levant, probablement inquiets de la possibilité que Moscou lance une attaque d’envergure contre les bastions rebelles en Syrie. Mais cela pourrait aussi être un geste pour faire comprendre à Washington que les unités russes peuvent aller n’importe où si elles le souhaitent. Surtout dans une phase de tension profonde entre la Russie et les Etats-Unis, dans laquelle l’Amérique semble convaincue que le problème russe est fondamental mais de «second best».

Les forces russes se déplacent le long de la frontière avec l’Ukraine, alertant les troupes de Kiev et les alliés de l’OTAN. La mer Noire a vu tous les sous-marins russes partir en quelques heures. Un autre sous-marin est apparu en Méditerranée en passant par Gibraltar, tandis que quelques autres unités se déplacent dans les profondeurs probablement au large de la Syrie. Enfin, un trio de sous-marins nucléaires a fait surface dans le cercle polaire arctique dans une autre démonstration de force aux contours encore imprécis. Un ensemble de mouvements qui indiquent que le Kremlin a probablement une volonté de «déstabiliser» l’adversaire ce qui empêche ce dernier de comprendre si et où il attaquera et de quelle manière. Et certainement l’utilisation des sous-marins est particulièrement importante: invisibles et capables de faire surface n’importe où, les sous-marins peuvent être fondamentaux à la fois comme armes et comme outils de «persuasion morale» contre l’ennemi. Washington est averti et regarde très attentivement les mouvements des Russes, les regardant du ciel. Et surtout quelque chose se passe dans les eaux, entre la mer Noire et l’Est méditerranéen, ce sont les (nouveaux) fronts de la nouvelle guerre froide.

Lorenzo Vita. (Inside Over)

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