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Sous-marin russe en Méditerranée. C’est ce qui inquiète l’OTAN et l’Italie

(Rome, 17 mars 2021). Un sous-marin de classe Kilo se situe au milieu des navires de l’OTAN et les intérêts stratégiques de l’Italie et de l’Alliance (Atlantique). Voici le voyage de Rostov-sur-le-Don, de la Baltique à la mer Noire.

Rostov-sur-le-Don est une ville située dans le coin russe de la mer d’Azov, où le détroit de Kerč verrouille la mer Noire et crée une poche sensible dans la confrontation avec l’Ukraine pour l’hégémonie de la partie « nord du bassin ». La ville a toujours été stratégique pour la Russie, siège du district militaire méridional commandé par le général Aleksandr Dvornikov, et de divers atouts des forces armées de Moscou. Elle donne également son nom à un sous-marin «Black Hole», surnom que l’OTAN donne aux classes Kilo du «Projet 06363», en d’autre terme, les plus récentes. Les Occidentaux les appellent « trous noirs » parce qu’ils se cachent bien, et le « Rostov-sur-le-Don » fait son travail en Méditerranée ces dernières semaines, comme l’a dit pour la première fois Gianluca De Féo dans le quotidien La Repubblica.

Plusieurs appareils aériens et navals de divers pays de l’OTAN, dont l’Italie, poursuivent le sous-marin russe parce qu’ils l’ont essentiellement perdu à plusieurs reprises après l’avoir suivi dès sa descente de la Baltique – depuis le 31 octobre, il était au mouillage dans la ville – forteresse de Cronstadt, pour des réparations programmées – et suivi jusqu’au passage le long du détroit de Sicile. Le premier à l’avoir identifié alors qu’il voyageait en surface au début de février, était le patrouilleur de Sa Majesté «Mersey»; puis il a été escorté par des unités navales françaises et canadiennes à Gibraltar. Suivi en contournant le détroit en direction de Rota (base des deux destroyers de classe Arley Burke par lesquels les États-Unis contrôlent la Méditerranée); surveillé grâce aux mouvements du «Professeur Nikolaj Muru», une unité technologique qui fournit un soutien, y compris celui des renseignements, à certains déploiements. Le Muru a été identifié ces derniers jours autour de Pantelleria (une commune italienne de la province de Trapani en Sicile, ndlr).

Le voyage de Rostov-sur-le-Don est très probablement à double usage. Si d’une part il sert à ramener le bateau dans la zone de compétence qui lui a été assignée cet été, c’est bien la flotte de la mer Noire qui a un grand siège à Sébastopol (en Crimée, d’où il surplombe la Méditerranée), de l’autre, il aurait pu profiter d’un moment fructueux pour le transit. En fait, ces dernières semaines, les eaux de la Méditerranée accueillent des mouvements navals de l’OTAN. Nous avons l’exercice « Dynamic Manta », comme le rappelle De Feo; se trouve aussi le porte-avions « USS Eisenhower » qui a transité par la Méditerranée avec son groupement tactique, après avoir remonté le golfe de Guinée; il y a le «Charles de Gaulle» français qui, ces derniers jours, est descendu de la Méditerranée vers le Suez dans des manœuvres conjointes avec les Egyptiens.

Plusieurs navires italiens sont également engagés dans ces manœuvres. «Nave Alpino» et «Nave Margottini» étaient en mer pour pratiquer la chasse aux sous-marins avec les Unités Françaises; «Nave Fasan» a opéré avec Eisenhower en Méditerranée centrale; le «Luigi Rizzo» est actuellement à Abidjan, la capitale de la Côte d’Ivoire, pour une escale technique lors des exercices anti-piratage «Obangame Express» et après des manœuvres avec l’Eisenhower. Un sous-marin russe se déplace au milieu d’exercices pratiqués par les unités de l’OTAN pour tester l’interopérabilité des flottes nationales au sein de l’Alliance. Moscou recueille des données et des informations de renseignement à un moment optimal.

D’autant plus que l’on considère que le Black Hole diesel-électrique se serait déplacé pendant des jours entre Malte, Pantelleria et Capo Bon, c’est-à-dire à l’intérieur du détroit de Sicile, une zone thalassocratique de plus grand intérêt pour l’Italie, et plus encore pour l’OTAN. La plus grande île de la Méditerranée abrite en effet les principaux systèmes de contrôle régionaux (et non seulement) de l’alliance. Il y a les aéroports de Trapani, Pantelleria (utilisés pour les missions de renseignement et les transferts de forces spéciales sans insigne vers l’Afrique du Nord), et surtout le Nassig, ou Sigonella (l’une des cinq seules bases au monde à héberger des systèmes ISR Global Hawk) ; il y a le Muos di Niscemi (le système de communication global qui possède l’un des quatre uniques nœuds au monde dans la municipalité italienne); se trouve aussi la base navale d’Augusta.

Si cela ne suffisait pas, à travers ces eaux passent par des jonctions cruciales pour les communications qui vont de l’Europe à la région « Mena, (MO et le Nord de l’Afrique, ndlr) » et des États-Unis à l’Europe – et donc se connectent de là, à la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. De nouveaux câbles traverseront également les eaux du Canal sicilien, comme le «Blue Raman», une infrastructure à laquelle participe également Tim/Sparkle, qui au départ de Gênes (et non de Marseille) évitera la route obstruée de l’Égypte pour se connecter à l’Asie à travers la péninsule arabique. L’espionnage des câbles sous-marins est déjà l’un des éléments les plus préoccupants pour l’OTAN, consciente que les communications de ses communautés transitent par ces infrastructures.

La présence d’un sous-marin comme le Rostov-sur-le-Don dans les eaux de la Méditerranée est pour ces raisons l’objet de la plus grande attention, également parce que la Russie a déjà utilisé ces atouts comme une démonstration musclée de puissance, par exemple en lançant les missiles « Kalibr » pour frapper Al-Bagdadi à Raqqa, à partir de la Méditerranée, et continue à les utiliser (logiquement) pour toutes les autres activités. De l’espionnage à la présence dans des opérations disruptives contre ses rivaux. Le risque d’installer une position permanente et avancée au milieu de la Méditerranée est l’une des principales préoccupations américaines sur le rôle que joue la Russie en Libye.

Emanuele Rossi. (Formiche)

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