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L’Italie ramène l’Europe en Afrique. Le général Bertolini: «nous apprenons des Français pour sauvegarder nos intérêts». Voici la stratégie

(Rome, Paris, 19 mars 2021). La visite de Josep Borrell a confirmé la tentative italienne de relancer l’action de l’UE en Libye et en Afrique. Voici comment la Défense italienne se déplace en Europe, de la surveillance aérienne proposée de la zone de cessez-le-feu libyenne, à l’arrivée de nos hélicoptères au Mali. Selon le général Bertolini, «nous apprenons des Français pour sauvegarder nos intérêts»

L’Italie est en train de redevenir la porte de l’Europe sur l’Afrique, alors qu’elle redécouvre sa centralité dans la région méditerranéenne (plus large) et relance les actions de l’UE en Libye. La triangulation Berlin-Bruxelles-Rome de ces derniers jours semble le suggérer autant que le ministre italien de la Défense Lorenzo Guerini en Allemagne, le haut représentant Josep Borrell rencontrant le ministre des Affaires étrangères Luigi Di Maio à Rome. La stabilisation de la Libye reste la «priorité stratégique» de l’Italie, comme le répète constamment M. Guerini. Tous les yeux sont rivés sur le gouvernement nouvellement formé d’Abdelhamid Dabaiba, chargé de conduire le pays aux élections du 24 décembre.

L’objectif est de préserver ce processus et d’éviter des déstabilisations dangereuses (y compris celles venant de l’extérieur), en augmentant le poids européen par rapport à d’autres forces (à savoir la Russie et la Turquie) qui sont devenues les principaux acteurs du dossier.

«Notre Défense peut être un levier important pour le retour de la centralité italienne en Libye», a déclaré M. Guerini dans un entretien avec le quotidien italien La Repubblica. Ses propos rappellent l’accord de décembre qu’il a signé avec son ancien homologue au sein du gouvernement d’accord national (GNA), al Namroush, qui portait sur la coopération technique et militaire ainsi que sur le soutien aux opérations de déminage humanitaire.

À présent, l’ensemble de l’UE doit converger sur cette ligne, à commencer par l’instrument le plus efficace que Bruxelles a réussi à mettre sur pied pour la Libye: la mission EUNavFor-Med « Irini », dirigée par l’amiral Fabio Agostini, qui a accueilli hier M. Borrell à Rome.

Selon M. Guerini, la mission peut bénéficier du déploiement supplémentaire des moyens et de leur mise en commun pour couvrir à la fois l’embargo sur les armes et la formation des forces de sécurité libyennes – ce qui implique une concentration accrue sur le renforcement des capacités. Il serait également «approprié de susciter davantage de collaboration avec la mission de l’OTAN Sea Guardian», a-t-il ajouté hier.

Le mandat de la Mission Irini doit être renouvelé pour deux ans la semaine prochaine. L’Italie s’emploie à faire en sorte qu’elle soit également renforcée, en particulier à la lumière du rapport de l’ONU – publié juste avant la visite de M. Borrell à Rome – détaillant comment l’afflux d’armes a rendu l’embargo sur les armes «inefficace».

Le haut représentant a admis aujourd’hui au quotidien Il Foglio que l’UE attend le mandat de l’ONU d’ajouter «la surveillance aérienne du cessez-le-feu» à ses obligations liées à l’embargo. Ce serait également un test du «mandat» pour le nouveau gouvernement, et un autre cran sur l’engagement militaire européen.

Quant à l’Italie, la résolution la plus récente concernant la mission Irini autorisait le déploiement de 500 militaires, d’une unité navale et de trois unités aériennes. Ce nombre pourrait augmenter, compte tenu de la pression supplémentaire de la mission bilatérale Miasit (Mission d’assistance en Libye).

Selon le général Marco Bertolini, «l’Italie doit impliquer l’Europe sur la Libye et la faire converger vers ses intérêts. Ces dernières années, notre pays a souffert des distractions européennes sur ce dossier. Il a été laissé seul. Il a perdu un partenaire commercial extrêmement important, puis il a vu le poids de l’immigration se déverser sur ses côtes».

De plus, l’Italie pourrait souffrir de l’extrémisme djihadiste dont la Libye recèle. D’où la nécessité de rénover l’action de l’UE, «exactement comme les Français l’ont fait avec le Sahel, en faisant leurs propres actions européennes objectives. De toute évidence », a-t-il ajouté, « les intérêts français coïncident avec ceux de l’Italie dans cette région, car ils influencent la Libye, avec des effets directs sur l’Europe. »

L’attention se développe en effet autour du Sahel, une région aussi vaste que l’Europe et ravagée par les forces djihadistes, contre laquelle la France réclame depuis longtemps son soutien. L’Italie contribue actuellement avec 200 membres et 20 véhicules terrestres au groupe de travail Takuba et à une base de collaboration logistique en construction au Niger, mais M. Guerini est prêt à «déployer un escadron d’hélicoptères pour les évacuations moyennes», afin d’acquérir une «perspective» européenne en ce domaine aussi.

Le Sahel est également apparu à Berlin lors des entretiens entre le ministre italien de la Défense et son homologue allemande, Annegret Kramp-Karrenbauer, qui a proposé d’intégrer la mission allemande Gazelle dans la mission de formation de l’Union européenne (EUTM) au Mali.

Après sa rencontre avec M. Borrell, M. Guerini a qualifié l’initiative allemande d’«approche efficace et absolument agréable» qui «interprète correctement la nécessité de l’UE (et celle de ses États membres) d’agir de manière systématique et efficace, en synergie avec toutes les autres initiatives de la Coalition du Sahel ».

Stefano Pioppi. (Formiche)

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