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Irak: l’attaque d’Erbil est-elle liée au bras de fer américano-iranien ?

(Rome le 16 février 2021). Qui a intérêt à frapper les États-Unis au Kurdistan irakien ? Qu’est-ce qui se cache derrière l’attaque de missiles sur l’aéroport d’Erbil ?

Dans la soirée du lundi 15 février, quatorze missiles ont frappé la zone de l’aéroport international d’Erbil, au Kurdistan irakien. Un entrepreneur civil a été tué, cinq autres personnes ont été blessées dont un soldat américain. La région autonome du Kurdistan, dans le nord de l’Irak est un pôle stratégique militarisé : les soldats américains affectés sont cantonnés dans l’aéroport, qui a longtemps servi de principale base dans les opérations de la coalition internationale contre l’Etat islamique (Daech) en Irak et en Syrie.

Parmi les unités déployées à Erbil il y a aussi des Italiens. Le ministère Italien de la Défense affirme, dans un communiqué envoyé à «Formiche.net», que «les unités italiennes n’ont subi ni victime ni dégâts matériels» dans le pilonnage de l’aéroport. «Le personnel a trouvé refuge dans les bunkers pendant l’alerte, qui a cessé à 20h30» (heure italienne).

Le bilan de l’attaque aurait cependant pu être pire, car certains des missiles sont tombés dans une zone adjacente à l’enceinte de l’aéroport où se trouvent des bâtiments résidentiels et diplomatiques – certaines images ont été prises par exemple par des caméras installées sur le portail de la représentation palestinienne.

Le Secrétaire d’Etat américain, Anthony Blinken, a condamné l’attaque et affirmé que nous (Américains, NDLR) sommes scandalisés par l’attaque au Kurdistan irakien. Il a eu un entretien téléphonique avec le président kurde Mansour Barzani au cours duquel les deux hommes ont évoqué le renforcement de la coordination des enquêtes pour identifier les auteurs de l’attaque.

Awlya al Dam, une nouvelle milice irakienne

Ils se font appeler « les Gardiens du Sang » et font partie des groupes nés après l’élimination de Qassem Soleimani, le général en chef du Pasdaran tué dans une frappe aérienne américaine le 3 janvier 2020 à sa sortie de l’aéroport de Bagdad. Soleimani était considéré comme le créateur et le coordinateur du plan d’exportation de la Révolution iranienne. Il avait construit un vaste réseau de milices en Irak [NDLR : mais aussi en Syrie, connecté avec le Hezbollah au Liban, Jund Allah au Yémen, et les cellules chiites à Bahreïn et dans le reste de la Péninsule arabique] pour déstabiliser, au profit de l’Iran expansionniste, les États de la région. Ces milices idéologiques aux ordres de Téhéran, détestent l’Occident en général et les États-Unis en particulier et elles mènent régulièrement des attaques contre des cibles liées aux intérêts américains (ou occidentaux), comme la zone verte de Bagdad qui abrite l’ambassade américaine.

L’attaque revendiquée par Awlya al Dam et la tentative avortée d’attaque découverte en Éthiopie [ainsi que les attaques répétées contre le territoire saoudien depuis le Yémen] semblent être concertées pour accentuer les pressions sur la nouvelle administration américaine. Elles s’inscrivent en effet dans un contexte particulier : l’administration Biden se dit disposée à reprendre le dialogue avec Téhéran, mais impose des conditions contraignantes à l’Iran. La multiplication des attaques viserait ainsi à mesurer la réactivité de Washington et teste sa fermeté.

Selon des observateurs irakiens, Awlya al Dam aurait choisi de frapper Erbil pour plusieurs raisons : la première raison tient au fait que le premier ministre irakien Moustafa Al-Kazimi a récemment renforcé la sécurité dans la capitale fédérale et promis de lutter contre les milices pro-iraniennes qui échappaient jusque-là à tout contrôle ; la deuxième, qui en découle, est que le premier ministre est décidé à sanctionner toute défaillance. Il a ainsi limogé, très récemment, les principaux chefs des services de sécurité et des renseignements (dans l’armée et la police) ; la troisième raison pourrait être que l’ambassade américaine à Bagdad soit bien plus protégée que l’aéroport d’Erbil ; enfin, la dernière raison pourrait être liée à la visite prévue du Pape François à Erbil, le 7 mars prochain, dans le cadre de son voyage en Irak.

[NDLR : en faisant revendiquer l’attaque par un groupe militaire inconnu, l’Iran peut démentir toute implication sans prendre le risque d’être accusé. Mais les Kurdes, les Irakiens et les Américaines ne sont pas dupes. Ils se souviennent des méthodes similaires utilisées au Liban pendant les années 1980, quand des groupuscules terroristes inconnus sortaient de nulle part pour revendiquer des attaques et des prises d’otages d’Occidentaux. Or, tous les services de renseignements savaient que ces groupes terroristes étaient en fait des cellules du Hezbollah commanditées depuis Téhéran ou Damas…]

Emanuele Rossi. (Les Fourmis)

(Photo-RSI)

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